L’économie marocaine face aux Etats-Unis

2 avril 2008 - 00h15 - Economie - Ecrit par : L.A

En termes de libre-échange, les véritables opportunités pour l’industrie marocaine, considérée dans son ensemble, existent bien. Mais le Maroc est-il suffisamment armé pour entrer de plain-pied dans la mondialisation ? Que se passe-t-il au Maroc ? Cela fait plus de 7 ans que le Maroc bouge dans tous les sens, et des décisions drastiques se succèdent pour accélérer la mise à niveau de notre tissu économique. Mais la compétitivité de la machine de production marocaine est loin des aspirations.

Pour mieux brandir la carte de libre-échange Maroc-Etats-Unis et par la même occasion, promouvoir la mise en œuvre de l’accord signé le 15 juin 2004 et mis en vigueur le 1er janvier 2006, le comité conjoint de suivi de l’ALE a tenu sa première réunion à Rabat les 13 et 14 mars 2008. Bien qu’à peine deux ans se soient écoulées, l’état de mise en œuvre d’un tel accord a été évalué. Il ressort de cette réunion, que les flux commerciaux ont été renforcés et les activités économiques des deux pays, notamment, le marché public et la logistique, ont été développés. Si Shaun Donnelly, représentant américain adjoint au commerce pour l’Europe et la Méditerranée ne s’est pas empêché d’exprimer sa satisfaction des progrès réalisés par l’ALE en deux ans, des observateurs économistes demeurent loin d’être satisfaits et se posent avec acuité la question suivante : Quelles sont les opportunités offertes de part et d’autre dans les secteurs créateurs de richesses, générateurs des effets d’entrainement sur le tissu entrepreneurial marocain et mobilisateur de force de travail ? C’est ainsi que Abdellatif Maâzouz, Ministre du commerce extérieur, a suggéré lors d’une conférence de presse organisée par le ministre du commerce extérieur, la mise en place d’un comité ad hoc pour avoir une vision claire sur la relation marocco-américaine à connotation économique, et afin que les opportunités pouvant être saisies, relèvent des secteurs à forte valeur ajoutée, comme il a fait forte allusion au secteur textile, agro-alimentaire et de service.

L’entreprise marocaine « peu prête »

Comment peut-on parler d’une satisfaction, alors que le Maroc n’exporte actuellement que 63 millions de dollars, soit 1% du marché américain qualifié de grand marché et caractérisé par 93 milliards de dollars de consommation en produit textile. Au moment où le Maroc est appelé à activer des accords de libre échange, les exportateurs ne bénéficient pas de signaux particulièrement attrayants et perdent quelques points dans des marchés traditionnels, comme ils ont du mal à en gagner sur d’autres débouchés, tel que le marché américain. En termes d’exportation et d’emploi, on peut parler de véritables opportunités pour l’industrie marocaine, considérée dans son ensemble. Mais le Maroc signataire d’un certain nombre d’accords de libre-échange, est-il suffisamment armé pour entrer de plain-pied dans la mondialisation ? Que se passe-t-il au Maroc ? Cela fait plus de 7 ans que le pays bouge dans tous les sens, et des décisions drastiques se succèdent pour accélérer la mise à niveau de notre tissu entrepreneurial, mais les rapports des organisations internationales tombent comme une douche froide pour tirer la sonnette d’alarme et signaler que l’économie marocaine perd des points dans le classement mondial.

Que faut-il faire pour réussir le mariage entre l’attractivité et l’intégration mondiale ? Si le pari d’exporter sur le marché international, notamment américain, n’est même pas gagné par les entreprises ayant une santé d’acier, et qui ont du mal à exporter vers le marché espagnol, comment la PME opérant dans une industrie obsolète et vieillissante parviendra-t-elle à exporter vers le marché américain réputé pour ses exigences de qualité, de taille critique et de normalisation. Plusieurs fois, on a l’impression que le Maroc a signé des accords dans la précipitation et que la hâte à libéraliser devance la mise à niveau de l’économie nationale. Il ne faut pas se leurrer sur nos intentions face à une économie d’échelle de grosse consommation composée de presque 265 millions d’habitants. Les Etats-Unis, c’est 50 Etats et chaque Etat se distingue par son mode de vie et son style comportemental. Seule une économie à forte flexibilité peut répondre aux exigences multiples de ces Etats en matière de consommation.

Combien de fois, il a été réitéré que seules les PME-PMI brassant toutes les activités disposant d’un comportement flexible et ayant forte capacité intersticielle pour dénicher des opportunités, peuvent entreprendre à merveille le vaste chantier de l’ouverture à l’international. Malheureusement, et eu égard aux potentialités que la PME-PMI peut receler, leur contribution à la création de richesse demeure trop maigre et leur orientation vers le marché international reste faible. Pour les observateurs, cet état de lieux provient des difficultés spécifiques à la PME, à savoir, la fragilité de ses structures et la faiblesse des moyens techniques, humains et financiers. Le malaise ne peut que s’installer, quand on entend dire que les efforts des pouvoirs publics envers la PME n’ont jamais donné leurs fruits et que tous les programmes qui ont été mis en œuvre, n’ont aboutit qu’à des résultas médiocres. Pis encore, quand il s’agit de tout mettre à plat et de développer d’autres formules soi-disant plus efficaces. S’il est vrai que des entreprises ont été accompagnées et que des programmes multiples enchevêtrés ont été mis en œuvre pour rehausser le niveau de compétitivité de la PME marocaine, peut-on évaluer la part de la valeur ajoutée additionnelle de ces entreprises dans le PIB national  ? Pourquoi le sort de ces programmes a été un fiasco ?

Il est temps de réanimer le débat autour du rating, car ce système ne peut que servir de forte base de sélection bâtie sur une démarche intelligente de transparence.

Le Rating est-il tombé dans l’oubli ?

Combien de fois le gouverneur de Bank Al Maghreb, n’a-t-il pas dissimulé son inquiétude, quand à l’exclusion des PME du circuit classique de financement. Ainsi, le gouverneur a envoyé une note succincte au GPB en décembre 2003 et une commission mixte a été constituée pour remédier à la situation de sous capitalisation des PME marocaines et pour veiller à leur mise à niveau financière. Plusieurs sont les PME portant le proverbe « marche ou crève » dans leur actif, ont manifesté un intéressement sans précédent, pour cette démarche de transparence, car elles n’ont pas le choix si elles désirent accéder aux marchés publics, au crédit aux organismes des garantis, au soutien à l’exportation, bref à une mise à niveau. Où en est ce chantier qui a été classé parmi les priorités de Bank Al Maghreb en 2004 ?

Le rating ou la notation aussi bien financière qu’organisationnelle, managériale et comportementale, allait provoquer une révolution structurelle dans le monde des affaires marocain car il allait servir de document de base et d’outil d’évaluation projetant une vue objective autour des PME afin d’attribuer ou pas à la mise à niveau de ces derniers.

Il est à souligner que face à l’étroitesse du marché local sous le fait de la faiblesse du pouvoir d’achat en chute constante, les entreprises sont contraintes à exporter pour pouvoir survivre. Or, s’ouvrir à l’international n’est nullement un acte aisé. Convaincue que la convertibilité de la monnaie nationale en devise est primordiale, elle s’est inscrite parmi les dossiers chauds qui jonchaient dans le bureau de l’ex-ministre de l’économie et des Finances. La possibilité d’aller vers une convertibilité totale, s’est présentée comme un objectif stratégique important.

Comment est-elle pratiquée la sortie de devises du Maroc   ? comment résoudre l’équation pour une entreprise opérant à l’international via la sous-traitance ou l’importation des intrants nécessaires à un cycle d’exploitation rationné pour réussir une exportation ? Comment convertir 600 millions de Dhs en devises ?

Pour ce faire, la libéralisation des changes fait un pas de plus dans le concret avec la publication des circulaires d’application sur le site de l’office des changes. Six grands axes ont été soulignés. Il s’agit du règlement des acomptes et le paiement par anticipation des biens et services, la détention des comptes en devises ou en dirhams convertis au nom d’exportation, des investissements à l’étranger, des crédits à l’exportation et la couverture du risque de change. De telles dispositions ne peuvent qu’être applaudies. Mais quand on apprend que le montant transféré au titre de l’investissement à l’étranger est fixé à 30 millions de Dhs, vite on rechigne à un tel plafonnement qui demeure insuffisant.

Ajoutons que l’offre est limitée aux personnes morales inscrites aux registres de commerce et ayant au moins trois années d’activités. Face à ce plafonnement, on a l’impression que l’administration a du mal à concevoir l’entreprise marocaine autrement, que sur la protection et la fermeture des frontières. Sous prétexte de maîtriser la sortie des capitaux en devises, il parait que la convertibilité du dirham impacte favorablement les seuls marchés financièrs et particulièrement le secteur bancaire et celui des assurances. Les banques préfèrent tourner vers le marché international plutôt que de traiter directement avec la banque centrale. En plus, les revenus et les plus values sont réinvesties auprès de ces même banques internationales au lieu de lever le plafonnement et faire bénéficier les entreprises exportatrices de la liquidité en devises. Ce n’est pas la monnaie étrangère qui manque, mais c’est la justesse dans les mœurs d’applicabilité de loi réglementant le marché de change qui fait grand défaut. Il est à ajouter que la libéralisation non maîtrisée peut provoquer l’effet négatif sur notre économie au lieu de se présenter comme une solution adéquate pour promouvoir les exportations, pour attirer les IDE et lutter contre le marché informel de change et par conséquent des marchandises. La libéralisation a présenté plusieurs risques liés en premier lieu à la fragilité macro économique du pays, au défit budgétaire instable aux réserves en devises limitées, au système financier et bancaire fragile et à une balance de paiement déséquilibrée. De ce fait, la prudence doit être de mise et la maîtrise de la libéralisation progressive demeure la règle. De plus en plus engagées dans les transactions à l’international, les entreprises marocaines concluent davantage des transactions.

Ces opérations mettent directement l’entreprise en situation de risque dû aux variations du cours du marché. Les opérateurs sont appelés plus que jamais à gérer le coût de risque de change pour s’ouvrir surtout sur le marché américain. Faut-il rappeler que le dollar est en chute spectaculaire et la variation de cours va automatiquement mettre l’entreprise ou sa contrepartie commerciale au risque de change et avec un impact direct sur l’activité commerciale. L’exemple de l’entreprise exportatrice de marbre sur le marché américain et sous traitant le découpage en Espagne, est largement significatif. Ce qui se passe aujourd’hui dans le pays de l’oncle Sam, préoccupe les économistes et les financiers.

Un système de change handicapant

L’économie américaine tremble sur ses bases et les multiples secousses poussent à la réflexion. La chute du dollar face à l’euro accroît les risques inhérents à l’opération commerciale (risque de contre partie) que la variation du cours de monnaie de facturation. Cette chute peut paraître pour certains, profitable dans la mesure où les opérateurs qui traitent majoritairement en dollar, dont le cours baisse depuis quelques temps, ne sont pas censés pour autant avoir recours à une gestion de risque entre le moment de la passation de la commande et celui du paiement. Le cours diminue encore plus et fait gagner à ces mêmes opérateurs des sommes considérables. Mais cette profitabilité est-elle toujours le cas de figure ? Comment profiter à une chute du dollar quand il s’agit des opérations d’exportation   ? Lorsque les opérations d’achat sont libellées en monnaie dont le cours est relativement stable ou en baisse, l’entreprise ne peut vraisemblablement pas justifier la mise en place d’instrument de gestion du risque de change. Par contre l’entreprise peut adopter une attitude spéculative. Quand il s’agit d’exporter aux Etats-Unis, la gestion du risque de change est impérative, surtout quand la passation de l’écriture comptable est libellée en dollar. La facturation en dirhams est une situation de facilité pour les entreprises marocaines, puisque le risque est dès lors, à la charge de l’autre partie contractante.

Cependant, l’entreprise n’a pas toujours la possibilité de facturation en monnaie nationale. Comment peut-elle assurer une parité adéquate et rationnelle à la variation du cours d’une monnaie qui n’est pas la sienne   ? Certes, en termes comptables, les moyens de couverture contre le risque de change existent sous plusieurs formes, mais le choix du type de contrat de couverture ne dépend pas de la seule tolérance au risque et des prévisions que l’entreprise consacre à l’évolution probable des taux de change, mais surtout d’un marché de change organisé sur lequel les acteurs économiques peuvent faire appel aux produits dérivés relatifs au risque de change. Or, ce marché quasi inexistant au Maroc, est prédominé par les banques commerciales qui offrent de nombreux produits, hors cote ou de gré à gré. Le taux de change ne peut se limiter à une simple polémique de la dévaluation qui est loin d’être une stratégie à long terme pour soutenir les produits, mais il doit et surtout porter sur le régime de change. D’après Josef Stiglitz, économiste financier et penseur, une libéralisation non maîtrisée et mal gérée, risque de fragiliser le système économique d’une nation.

Source : Gazette dy Maroc - Fatima Zohra Jdily

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Sujets associés : États-Unis - Politique économique - Accord de libre échange

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