Rabat se prend un baffle

29 août 2007 - 01h01 - Maroc - Ecrit par : L.A

En répondant aux attaques, le groupe de rock Hoba Hoba Spirit, emmené par Réda Allali , incarne une certaine libération de la jeunesse. Réda Allali, leader du groupe de rock marocain Hoba Hoba Spirit, n’avait jamais songé à s’engager contre l’intégrisme. Il n’a pas eu le choix : « En tant que musiciens, on nous attaque tout le temps. Pour nous, s’engager c’est juste se défendre, répondre aux attaques. On nous dit tout le temps : Toi tu joues du rock, du rap, tu n’es pas musulman, pas marocain.

« Bug »

Les attaques les plus violentes viennent du quotidien Attajdid, l’organe du Parti de la justice et du développement, grand favori des élections législatives du 7 septembre prochain. « Après un festival, se rappelle Réda Allali, ils ont écrit que les gens s’étaient dénudés pendant notre spectacle, qu’ils avaient envahi le minaret proche, empêchant les braves croyants d’exercer leur culte, ce qui est faux, évidemment. Ces paroles populistes, qui visent à faire croire aux gens qu’il y a un culte de la débauche, sont dangereuses. Notre engagement n’est pas dans la logique du j’ai mauvaise conscience et je vais chanter pour les sans-papiers . On sait que le danger de censure ou du silence nous menace. »

Avant les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, Réda Allali était « tranquillement » journaliste sportif pour le magazine Tel quel, chanteur et guitariste de Hoba Hoba Spirit, dont le premier tube est une chanson dédiée à sa ville, Bienvenue à Casa. Et puis des amis à lui, ses actuels batteur et guitariste, ont été condamnés d’un mois à un an de prison ferme pour satanisme et « actes pouvant ébranler la foi des musulmans », parce qu’ils portaient des T-shirts noirs avec des têtes de morts. Allali prend finalement la plume, écrit des chansons, des articles. « Derrière cette condamnation, il n’y avait aucune logique et on a trop voulu expliquer ça de manière rationnelle : Le système a voulu envoyer un message à l’encontre des intégristes pour dire qu’il était plus moral qu’eux. On a même dit le contraire : Le système a voulu emprisonner des innocents pour réveiller la jeunesse endormie. Alors que c’était juste un bug débile, le système judiciaire marocain ne savait même plus comment s’en sortir. » Ses amis ont finalement été libérés, et depuis Réda Allalli et Hoba Hoba Spirit se veulent les chantres d’une jeunesse marocaine ­décomplexée.

« Nouveau fascisme »

Pour Allali, le vrai problème du Maroc c’est le silence de son élite intellectuelle et surtout sa question identitaire : « Dans les années 70, le mythe de la nation arabe a été imposé à notre pays, mais la greffe n’a pas pris. L’arabe littéraire n’est jamais entré dans les campagnes mais la télé continue de nous parler dans cette langue. Il y a de quoi être schizophrène quand ta langue parlée n’a rien à voir avec ta langue écrite. »

Plutôt que d’intégrisme religieux, Réda Allali préfère parler de « nouveau fascisme » : « En période de confusion, il est facile de venir avec des certitudes et de désigner l’ennemi. Il est sioniste, américain, étranger ou non musulman et d’un coup, tout s’explique : pourquoi on n’a pas de visa, pourquoi on n’a pas de boulot, pourquoi on n’a pas de repères.

Mais, quand on est contre l’intégrisme, on se met automatiquement dans le camp du système, puisque lui aussi est contre. » Pour les jeunes Marocains modernes, il est bien difficile de vivre entre l’intégrisme des uns et la confusion entretenue par les autres.

Libération - Stéphanie Binet

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Musique - Hoba Hoba Spirit - Elections 2007 - Réda Allali

Ces articles devraient vous intéresser :

Le chanteur Ihab Amir au cœur d’une polémique

Une réponse du chanteur Ihab Amir à un de ses abonnés Instagram suscite la controverse au Maroc.

Rap en darija : La spécificité linguistique du rap marocain

Dans un entretien à TV5 Monde, Anissa Rami, journaliste spécialiste du rap revient sur les origines du rap marocain et son évolution dans le temps.

Samira Saïd évoque ses souvenirs avec le roi Hassan II

La chanteuse marocaine Samira Saïd a rencontré le défunt roi Hassan II pour la première fois lors d’une prestation musicale au palais royal.

Stars marocaines : le culte du secret

De nombreuses célébrités marocaines choisissent de vivre loin des projecteurs. La chanteuse Ibtissam Tiskat et l’acteur Ezzoubair Hilal font partie de ceux qui privilégient une vie privée discrète.

Festival Mawazine : Saad Lamjarred persona non grata ?

La participation de Saad Lamjarred à la 19ᵉ édition du Festival Mawazine, prévue du 21 au 29 juin prochain, semble compromise. Des sources proches des organisateurs ont révélé l’échec des négociations entre les deux parties.

Abdelaziz Stati : sa fille Ely menace de révéler des secrets compromettants

Les relations entre le chanteur populaire Abdelaziz Stati et sa fille, la rappeuse Ilham El Arbaoui, alias Ely, sont dégradées au point que celle-ci menace de faire des révélations compromettantes sur son père.

Saad Lamjarred : des choix qui dérangent

Saad Lamjarred est une fois de plus au cœur d’une polémique. Cette fois-ci, ce ne sont pas ses démêlés judiciaires qui font les gros titres, mais ses choix vestimentaires jugés « audacieux » et « inappropriés » par une partie de son public.

Divorce de la chanteuse marocaine Chaimae Abdelaziz

La chanteuse marocaine Chaimae Abdelaziz a annoncé son divorce. C’est sur son compte Instagram que la jeune femme a choisi de partager cette nouvelle personnelle avec ses fans.

La chanson « Enty » de Sâad Lamjarred devant la justice

Le compositeur Mohamed Rifai a assigné DJ Van en justice à cause de la chanson « Enty » interprétée par Saad Lamjarred en 2014.

Samira Said et Saad Lamjarred très critiqués

Le compositeur marocain Nabil El Khalidi a dénié à la chanteuse Samira Said et au chanteur Saad Lamjarred le statut d’artiste de renommée mondiale. Il estime par ailleurs qu’aucun artiste arabe, ancien ou nouveau ne l’a été.