La course à la modernité
La meilleure réponse au chômage et à la pauvreté, c’est le développement économique. Le roi Mohammed VI a ainsi entrepris de faire entrer son pays dans le XXIe siècle.
Au bled, rien de nouveau
Un Marocain sur deux vit à la campagne, où la pauvreté règne et où les changements se font attendre.
Maroc, mon amour
Des millions de Français se sont déjà rendus au Maroc et 40 000 ont choisi de s’y installer définitivement. Pourquoi ? Comment vivent-ils ? Comment sont-ils acceptés par la population ?
Critique
Cette remarquable soirée sur le Maroc est composée de cinq reportages distincts. Ce pluriel journalistique tombe bien. Aujourd’hui, il faudrait mettre un « s » au mot Maroc. Chaque ville, chaque réalité, chaque horizon paraît ici se dédoubler, se diffracter tant l’évolution des choses est rapide. Le cas de Fès - la ville à la mode depuis que Marrakech, au dire d’une expatriée française, est saturée, surfaite - est un assez bon exemple. Depuis l’origine, on a parlé de cette cité au pluriel. Les Fès, comme l’ensemble « des » Maroc que nous font découvrir ces films, sont au moins trois. Trois villes ? Trois pays ? Oui, au moins.
La première ville, le premier pays, c’est la Fès moderne, traversée par la superbe avenue Hassan-II que bordent des palmiers massifs. Ici habitent les plus riches et les classes dites moyennes qui vivent dorénavant à l’occidentale. Grosses cylindrées, cybercafés, vitrines pimpantes, terrasses de bistrots façon Provence ou Catalogne. Les habitants de ce pays-là ne se distinguent plus guère de leurs visiteurs européens. Ils sont immergés dans la modernité planétaire. Ils participent à l’essor d’un Maroc moderne, champion de la délocalisation des centres d’appel, promis à une croissance de 7% ou 8%, déjà postmoderne avant même d’avoir été moderne. Les promoteurs et les bénéficiaires de ce Maroc hyper- moderne forment ces classes privilégiées que les Marocains les plus pauvres appellent « nos nouveaux pieds-noirs ».
Ils sont déjà à des années-lumière du royaume des campagnes - bien montrées dans le reportage de Dorothée Cochard et Frédéric Bohn - ou de celui des médinas comme celle de Fès, justement. Elle est l’une des plus étendues et des plus peuplées du Proche-Orient. Ici, sur des hectares de venelles, impasses, terrasses, ryads, escaliers entortillés et cours obscures s’entassent plus de 400 000 habitants. Ici se perpétue donc - mais difficilement - un « vivre ensemble » à l’ancienne, une quotidienneté toujours reliée au fond très lointain de l’Histoire. Cette médina, toute branlante soit-elle, à l’image du Maroc traditionnel, c’est encore une réalité arborescente et largement secrète. Les cris, les odeurs, les métiers, le pas des mules, les pavés usés par le temps...
Cette ville-là est constituée - et close - comme une communauté de croyants. C’est un corps vivant. Mais ces croyants-là vivent leur foi avec cette tranquillité que donne l’empilement des siècles.
Le troisième Maroc, plus noirâtre et plus menaçant, campe, lui, aux portes des grandes villes. Ou des ports comme celui de Tanger, dont un hallucinant reportage nous fait découvrir ces « brûleurs » qui tentent inlassablement de « brûler » le détroit de Gibraltar. Ce Maroc-là, celui des bidonvilles, rassemble tous les laissés-pour- compte, les démunis, les abandonnés qui grondent et n’ont plus rien à perdre. C’est ici, dans une insondable déréliction sociale et urbaine, que l’islam, déraciné, perdu, humilié, se crispe et s’encolère. Des tas de choses grondent dans les tréfonds de ce Maroc invisible. Le feu islamiste viendra sans doute de là...
Jean-Claude Guillebaud
France 2
Lundi 17 septembre 2007 à 23h15
Durée : 90 min
Présenté par Thierry Thuillier