L’île de Mogador, particulièrement connue sous le nom « d’îles purpuraires » puisque à l’époque du roi Juba II une manufacture de pourpre gétule y a été fondée, conserve des vestiges importants des civilisations antiques qui l’ont abordée.
D’où la raison et l’importance du programme de recherches archéologiques lancé sur ce site par une équipe scientifique maroco-allemande dans le cadre de la coopération bilatérale dans le domaine culturel qui unit l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) et les départements de l’institut allemand de recherches archéologiques (Deutsches Archa ologisches Institut) à Bonn et Madrid.
« Ce programme a pour objectif principal l’étude de l’île de Mogador et les occupations antiques qu’elle a connues, à savoir l’occupation phénicienne datant du 7e ou 6e siècle av.J.C, l’occupation mauritanienne, la phase de Juba II et enfin l’occupation romaine qui s’est achevée vers la fin du 3e siècle après J.C », a confié à la Map, M. Mikdad Abdeslem, enseignant chercheur à l’INSAP et co-directeur de ce programme de recherches.
Il prévoit, également, l’étude de la population locale par le biais des prospections entamées dans la région d’Essaouira, connue pour son riche potentiel archéologique, en vue de déterminer les endroits qui ont connu une occupation locale, et partant définir les aspects et la nature des relations qu’entretenaient les populations locales avec les autres venues d’ailleurs : les Phéniciens ou les Romains, a-t-il ajouté.
L’équipe scientifique est composée de huit spécialistes, dont quatre Allemands, en plus de deux géomorphologues qui ont travaillé pour une période de 15 jours sur l’île, classée Site d’Intérêt biologique et écologique (SIBE) depuis 1980, et des géophysiciens qui ont effectué des prospections géophysiques.
« Dans l’attente de l’analyse des données informatiques récoltées sur place, les prospections préliminaires promettent des découvertes très intéressantes », a-t-il révélé, notant que ce programme, d’une durée de cinq ans renouvelable et qui est financé en grande partie par l’Allemagne, ne se limite pas uniquement aux fouilles mais englobe aussi des formations pour la recherche puisque des étudiants allemands et marocains vont intégrer l’équipe d’archéologues à partir de l’année prochaine.
Les travaux archéologiques effectués sur l’île dans les années 50 confirment la fréquentation de cette région par les Phéniciens et les Romains.
Certaines pièces, actuellement exposées dans le Musée archéologique de Rabat, ne permettent pas d’avoir une idée précise sur cette période malgré la présence d’outillages archéologiques attestant la présence humaine depuis le paléolithique, le néolithique et l’âge des métaux. Pendant les périodes antiques, le site d’Essaouira fût mentionné dans les récits des historiens, géographes et voyageurs.
Les archéologues antiquisants se sont efforcés de faire correspondre les dénominations mentionnées dans les textes antiques au site d’Essaouira.
Certaines de ces dénominations sont admises par l’ensemble des chercheurs comme des indications de l’emplacement de Mogador. Il s’agit de Thamusiga, citée par Ptolémée (IIe siècle av. J.-C.) et de l’île de Cerné consignée dans divers textes antiques, notamment « Le périple d’Hanon » (VIIe siècle av. J.-C.). L’île de Mogador, située à 800 m de l’extrémité de la jetée Ouest du port de la ville, est « connue mondialement d’après les fouilles effectuées il y a maintenant une cinquantaine d’années », a souligné, pour sa part, la directrice du département de l’institut allemand d’archéologie à Madrid, Mme Dirce Marzoli, qui s’est félicitée des relations de coopération fructueuse existant entre le Maroc et l’Allemagne dans le domaine culturel, notamment en matière de recherches archéologiques.
Mettant l’accent sur les techniques et les méthodes de recherches modernes qui seront utilisées dans le cadre de ce programme, elle a indiqué que des prospections géo-radar et géomagnétiques ont été réalisées pour localiser les différentes structures et établir une stratégie de fouille pour l’année prochaine.
« Les prospections menées ces derniers jours dans la région d’Essaouira ont permis la découverte de restes de défenses d’éléphants préparées pour l’exportation », a indiqué un autre chercheur allemand, M. Josef Eiwanger.
Relatant l’importance scientifique et historique de ces fouilles, le délégué provincial de la culture, l’archéologue Abderrahim El Bertei (membre de l’équipe), a estimé que ce programme va permettre de faire connaître et de mettre en valeur le potentiel et le patrimoine archéologique d’Essaouira, et partant son intégration dans l’environnement socio-culturel de la région, sachant que la culture et le tourisme constituent les principaux vecteurs du développement de la ville.
A rappeler que deux amphores datant d’environ 2000 ans (2e siècle après J-C) ont été découvertes dernièrement au large de la Baie d’Essaouira. Elles ont été repêchées par un ramasseur d’algues aux environs de l’île de Mogador (non loin du port de la ville), à une profondeur de 12 m.
Azedine Lqadey - Map - Le Matin
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