Le Festival d’Asilah célèbre ses vingt-cinq ans

5 août 2003 - 11h59 - Culture - Ecrit par :

Mohamed Achâari, ministre de la culture, l’a dit solennellement : « Asilah, c’est une école ». Il ne pouvait mieux traduire ce sentiment trouble qui nous saisit lorsqu’on se rappelle que le Festival d’Asilah, lancé depuis une semaine mais qui a ouvert dimanche sa traditionnelle et célèbre université d’été, est tout de même le premier de tous.

Il est le pionnier et déjà, il a l’âge de maturité et de raison qui lui confèrent une pérennité.Vingt-cinq ans, ce n’est pas rien, un demi siècle de confrontation d’idées où pendant chaque saison, des poètes, des artistes, des penseurs et des grands responsables politiques se sont rencontrés, débridés et décontractés pour débattre.

Asilah,en 1978, pour ceux qui s’en rappellent encore, était un tout petit point de la mappemonde. En moins de trois à quatre ans, elle était devenue une sorte d’Agora, un confluent incontournable où atterrissaient qui, venu du Brésil ou du Mexique, qui d’Afrique Noire et du Moyen-Orient,de l’Europe et des Etats-Unis, le gotha des intellectuels. Sur la rive atlantique, mais non loin de la Méditerranée, brassant allègrement deux univers, Asilah n’a plus cessé de symboliser le dialogue culturel, la conjonction entre les espaces et les hommes. Un pilier de cette évolution : l’Association culturelle Al Mouhit, première dans l’Histoire du Royaume, devenue plus tard Fondation du Forum d’Assilah.

On lui doit des centaines de séminaires, de rencontres, d’ateliers. On n’oublie pas - tant s’en faut - son rôle de vecteur dans l’épanouissement des échanges nord-sud à un moment où le dialogue qui portera officiellement le même nom, en était à ses premiers balbutiements.

On le doit aussi à un Mohamed Benaïssa, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, mais qui fut l’initiateur d’Asilah, le messager solitaire et obstiné d’une cause, la culture universaliste, le pionnier d’une aventure, l’incarnation rédhibitoire enfin du débat contradictoire parce que les invités, croisés sur l’esplanade blanchie de la petite cité atlantique, se sont fait aussi les acteurs de la créativité et d’une traversée culturelle qui ne s’arrête point.

Qu’il eût réalisé la dimension de la culture dès cette époque gagnée par la tourmente n’explique pas à lui seul le succès du festival. Infatigable, débordant chaque saison d’idées et de propositions, fidèle à son optimisme historique, fût-il ministre ou ambassadeur sur l’autre rive de l’Atlantique, Mohamed Benaïssa n’avait de cesse d’innover, de faire rallier à ses idées le plus grand nombre de participants, le cercle le plus large d’opinions.

Tant et si bien que, le mois d’août venu chaque année, les regards se portent spontanément vers la cité mythique.
Car, d’année en année et de proche en proche, Asilah n’était plus le petit point qu’un jeune député dénommé Mohamed Benaïssa fit découvrir, mais elle s’est transformée en laboratoire. Intellectuels arabes, hispaniques, latino-américains, américains, africains et asiatiques avaient fini par s’y rencontrer, croisant leurs concepts et élevant le débat avec une gravité qui sied à certains amphithéâtres.

Marxistes, libéraux, tiers-mondistes, musulmans, juifs, chrétiens, orthodoxes, ils y allaient, ils y vont de leur argumentaire et dans la grande salle des colloques, aménagée pour ce faire, ils troquent leur costume officiel de ministres, d’avocats, de présidents même contre la bure de l’avocat d’idées...Foisonnement d’idées et de concepts, surgissement ensuite de talents, remarquable continuité dans le temps et dans l’espace, Asilah est au Maroc d’aujourd’hui ce que l’aube est la journée, une fraîcheur matinale, le bourgeonnement philosophique d’une ère où, épuisées et reléguées au Musée de l’histoire, les vieilles idéologies n’ont aucune prise sur l’homme.

Les vingt-cinq ans d’existence que fête à présent le Festival d’Asilah nous rappellent, et Mohamed Benaïssa tout à sa vision le souligne, la marque essentielle qui lui est consubstantielle, à l’image du Maroc que nous défendons : celle d’une terre de rencontre, de tolérance et d’ouverture.C’est feu S.M. Hassan II qui, prophète prémonitoire, disait qu’il fallait « laisser Assilah ouverte comme un coin dans le jardin de Hyde Park à Londres » !

L’ouverture ! Voilà en effet une formidable nature qui nous interpelle encore avec force.C’est peu dire aussi que de l’ouverture,le Festival d’Asilah n’a jamais cessé de faire non pas son slogan fétiche - ce qui réduirait sa vocation à une valeur marchande - mais sa raison d’être, son itinéraire patrimonial et historique. Car, l’Histoire le montre,Asilah est le symbole de l’ancrage de l’universalisme et les Portugais, les Espagnols en conviendraient volontiers.

Nous fêtons à présent les noces d’argent d’un Festival qui nous renvoie l’image de nous-mêmes d’abord. Il a l’âge du Maroc des défis, celui du passage d’une époque à l’autre aussi. Au principe même d’une manifestation qui a dressé la culture au sommet de l’Olympe, il y a la préoccupation toute simple et pourtant jamais entièrement saisie,celle de l’Homme et ses espérances universalistes.

Elle nous renvoie au discours que S.M. le Roi Mohammed VI a prononcé, le 20 décembre 2002 à Paris à l’occasion de l’inauguration de la Place Mohammed V et où il précisait que « les tentations d’exclusion, de l’ostracisme religieux et culturel et les dérives de l’intolérance et des extrémistes occupent trop d’espace dans les agendas internationaux avec leurs drames sanglants et leur cortège d’ignorance et d’idées reçues.

Les Marocains le savent bien, eux qui refusent la fatalité du repli identitaire et de la confrontation, eux qui unanimement, privilégient la rencontre avec l’Autre. On peut être, comme le Maroc, une nation fière de l’unicité de son identité aux affluents pluriels, bien ancrés dans sa foi musulmane et rester ce pays qui n’entend rien céder de son enracinement millénaire dans la culture du dialogue et du partage avec l’Autre ».

Lematin

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