Le tourisme médical, ou la ruée vers le scalpel

13 février 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le Professeur Abbassi, spécialiste en chirurgie plastique, réparatrice, esthétique et microchirurgie à l’hôpital Ibn Sina de Rabat, explique que la migration médicale est une pratique qui est de plus en plus répandue dans plusieurs pays. Des personnes aisés se laissent séduire par le chant des sirènes de packages affriolants proposés par certains pays. D’autres moins nantis sont excédés par des listes d’attente interminables et préfèrent voyager pour aller se faire soigner, greffer, opérer ou subir une liposuccion sous des cieux où les soins sont proposés à des prix défiant toute concurrence.

Pouvez-vous définir le tourisme médical ?

Le tourisme médical est une association entre le tourisme et un acte médical. Un touriste dont le voyage est motivé par des soins médicaux est appelé un touriste médical ou un patient international. Joindre l’utile à l’agréable est le concept du tourisme médical. Il se définit ainsi comme le déplacement à l’étranger d’une personne pour s’y faire soigner et en même temps afin de profiter du voyage. Et ce soit pour une consultation chirurgicale, une rééducation ou une intervention chirurgicale de type esthétique ou de traitement de lourdes pathologies comme l’orthopédie, la cardiologie, la cancérologie ou autres.

En clair, le tourisme médical consiste, pour des citoyens du monde occidental, principalement, à se rendre dans des cliniques spécialisées de pays émergents afin de recevoir des soins particuliers.

Quels sont les principaux facteurs qui favorisent le tourisme médical ?

Une combinaison de nombreux facteurs a permis de développer le tourisme médical. Il peut s’agir de la cherté des soins de confort comme la chirurgie esthétique, la chirurgie dentaire, etc, qui sont non remboursable par les assurances maladies publiques dans les pays à haut revenu, d’une liste d’attente interminable pour prétendre avoir un rendez-vous dans certains pays comme l’Angleterre, d’une forte démocratisation du voyage devenu très accessible même pour les longs courriers, ou aussi de l’accès à des soins dispensés par des spécialistes de haut niveau dans les pays récepteurs et où le taux de change leur est très favorable. En fait, ce sont toutes ces raisons qui poussent ces touristes médicaux à faire ce choix. L’idée d’un environnement mi-hospitalier, mi-vacancier avec un coût relativement modique par rapport aux tarifs en vigueur dans les pays développés (des interventions pratiquées par certains spécialistes peuvent être de 5 à 10 fois moins chers que dans les pays européens.)

D’où viennent ces patients internationaux et quel est leur destination de prédilection ?

Les étrangers prêts à parcourir des milliers de kilomètres pour se faire soigner sont essentiellement des patients qui n’ont pas les moyens de payer ou qui ne peuvent pas attendre, ou particulièrement ceux qui considèrent le tourisme médical comme un luxe. La majorité sont des femmes en provenance d’Europe ou des pays du Golfe.

Les pays émetteurs de touristes médicaux ou patients internationaux résident généralement dans les pays développés tels que les USA, l’Europe de l’Ouest, le Canada, la Grande Bretagne, l’Australie, le Moyen OrientŠ Dans le monde de la médecine localisée, plusieurs pays ont leur spécialité et leur clientèle habituelle. Parmi ces pays récepteurs figurent notamment, en Europe, la Pologne et la Hongrie ; en Amérique, l’Argentine, le Mexique et le Brésil ; en Asie, la Thaïlande, l’Inde, la Chine et la Malaisie ; en Afrique, l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Maroc, l’Égypte ; et au Moyen Orient, le Liban.

Beaucoup d’Européens plient bagages pour aller se faire poser des couronnes dernier cri qui coûtent le prix d’une seule dent dans leur pays. La chirurgie dentaire est également prisée.

Quels sont les avantages et les points négatifs du tourisme médical en général ?

Le tourisme médical offre des avantages indéniables à commencer par le nombre conséquent de touristes intéressés par cette pratique.
C’est une tendance fort séduisante par le prix, par la qualité des soins, d’accueil et de séjour, et par les compétences des médecins. Mais qui n’est, certes, pas dénuée de risques post-opératoires comme toute intervention. C’est pour cette raison que le choix du médecin doit être strict et pointu pour éviter de tomber dans les filets des charlatans !
Cependant, si un touriste médical fait une complication différée grave ou est victime d’une erreur médicale, il y a toujours lieu de porter plainte comme un patient national. Par ailleurs, il y a une fausse propagande véhiculée par certains pays émetteurs à l’encontre des pays récepteurs. C’est une réelle guerre déclarée. Des spécialistes étrangers peuvent ainsi dénigrer leurs compères marocains de crainte de la perte de clients potentiels. Ce qui est absurde du fait que le patient doit avoir son libre arbitre. En chirurgie esthétique, le client est libre de choisir son « artiste » !

Existe-il des packages « chirurgies-vacances » proposés par des agences de tourismes marocaines spécialisées dans ce créneau ou ce sont plutôt les médecins qui proposent ces offres ?

Au Maroc, cette tendance reste malheureusement à un stade embryonnaire, elle ne s’est pas bien développée par manque d’agences de tourisme spécialisées dans le domaine. Toutefois, très peu de chirurgiens esthétiques se sont lancés actuellement dans cette pratique.

Le vrai boom est enregistré en Tunisie et en Egypte. Au niveau de ces pays, il existe des agences de voyages qui se spécialisent dans le tourisme médical. Ces dernières se présentent comme étant un « tour-opérateur en tourisme médical », soit chirurgie esthétique, chirurgie dentaire ou greffe de cheveux. Ces agences proposent sur Internet une consultation gratuite et un devis.

Sous nos cieux, l’on ne dispose hélas d’aucun chiffre, puisque le phénomène est récent. Mais c’est un marché qui rapporte des millions d’euros dans certains pays. Nous souhaitons vivement qu’une loi voit le jour pour régir cette pratique qui prend de plus en plus de l’ampleur et qui peut contribuer à la réalisation de la vision 2010. Il est grand temps que les ministères de la Santé et du Tourisme fassent le nécessaire pour relancer le secteur.

La Maroc est encore à la traîne en matière de tourisme médical alors qu’en Tunisie par exemple, ils en font un argument de politique économique, qui affirme que « le tourisme de santé est l’un des produits émergents » du pays. Dans d’autres pays, des accords sont passés avec des tour-opérateurs où on propose des offres alléchantes « scalpels safaris » en Afrique et plages de sable fin en Thaïlande...

Si le Maroc lorgne les 10 millions de touristes, il est nécessaire de s’activer !

Al Bayane - Meyssoune Belmaâza

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