Les Marocains à l’assaut des parlements belges : l’intégration par la politique

20 mai 2004 - 23h06 - Belgique - Ecrit par :

Hamza Fassi-Fihri est, excusez du peu !, président national des jeunes CDH (Centre démocrate humaniste, ex-parti chrétien). Il se présente à la fois aux élections régionales à Bruxelles et aux européennes qui se tiendront le 13 juin prochain. Souâd Razzouk, elle, a choisi les couleurs du Mouvement Réformateur (M.R, parti du ministre Louis Michel). Et ce ne sont guère des exceptions. Des dizaines de belgo-marocains entreprennent la même aventure sous la bannière d’autres partis politiques à Bruxelles, mais aussi en Wallonie et en Flandre.

Dans cette dernière, Anissa Temsamani, première marocaine à accéder au gouvernement fédéral (Mandat de secrétaire d’Etat "avorté" après trois mois d’exercice), semble vouloir oublier cette déconvenue et brigue un mandat de députée au parlement flamand sous la houlette du SPA (parti socialiste flamand).

Sur les devantures de plusieurs commerces et cafés, notamment à Bruxelles, ce sont les affiches de ces candidats qui assaillent les passants. Et il n’est plus "bizarre" de voir se côtoyer sur une même vitre des candidats marocains de tous les partis à côté d’"africanos", d’autres maghrébins et des Belges de souche.

Au P.S, naturellement ! Pour la course au parlement de la région Bruxelles-Capitale, la liste du Parti socialiste est celle, sans conteste, à recueillir le plus de candidatures marocaines. Sur 88 candidats en effet (dont 16 suppléants), on ne retrouve pas moins de 22 Maghrébins dont 18 Marocains. Parmi ces derniers figurent des "poids lourds" de la trempe d’Ahmed El Ktibi, Sfia Bouarfa (qu’on soupçonne de beaucoup de maturité politique), l’"inévitable" Rachid Madrane, Mohamed Azzouzi et Jamal Ikazban. Sans oublier des jeunes comme Amina Derbaki ou Moustapha Budchich, enfant terrible qui a fait ses armes, entre autres, en tant que permanent du mouvement anti-fasciste.

Les socialistes bruxellois aspirent à dépasser leur exploit des communales de 2000 quand ils sont parvenus à arracher 13 des 47 sièges que compte la commune de la Ville de Bruxelles (l’une des 19 que compte la capitale). Mais, là, il s’agit du parlement et la tâche s’annonce plus ardue.

A l’origine, la naturalisation. L’arrivée des Marocains dans les sphères de décision politique (communale, régionale et fédérale), ne date pas d’hier, mais pas de longtemps non plus.

Si des Marocains ont pu se faire élire depuis la fin des années 1980, on assiste là à un vrai phénomène, une particularité belge qui se confirme dès les élections de 1994. Le ton est donné, pour de bon, en octobre 2000 quand les communales porteront aux affaires 72 élus d’origine marocaine à Bruxelles et 13 en Flandre. Aucun en Wallonie.

Aujourd’hui, plusieurs Marocains occupent le poste d’échevins (adjoints du maire chargés de divers départements). Pour beaucoup, ils sont chargés de départements "sensibles" comme l’intégration, l’emploi ou le logement. Sensibles ? De mauvaises langues rétorquent qu’il s’agit plutôt de "patates chaudes"

A l’origine de cette intégration politique, il faudra remonter à la fin des années 1980 avec les vagues successives de naturalisations.

Selon Nouria Ouali, sociologue à l’Université Libre de Bruxelles, depuis 1984 et jusqu’en 2001, la nationalité belge a été accordée à 491.180 étrangers dont 131.700 Marocains d’origine. Soit 27% du total, ce qui fait actuellement que les Marocains soient une majorité parmi les rangs des naturalisés en Belgique. Nationalité équivaut évidemment à carte d’électeur, possibilité de se porter candidat et surtout de dire son mot. Les dés sont lancés

« Guerre » de programmes. C’est une véritable avalanche de "promesses" mais tout ramène à quelques points communs et de grandes problématiques notamment en région bruxelloise. La lutte contre le chômage vient en tête. D’aucuns rajoutent une "louche" en insistant sur de "vrais" emplois et des revenus "décents". Vient ensuite l’éternel problème du logement et de la rénovation des quartiers populaires. Avec plus d’espaces d’épanouissement. Une majorité d’électeurs potentiels, interrogés par "Libé" haussent les épaules ou sourcillent en guise de réponse. Toutefois, quelques partis en général, et des élus en particulier, prennent la peine de venir s’expliquer sur leur bilan et dire, parfois de manière frappante de franchise, les limites du possible et du faisable.

Les problèmes pré-cités ne concernent pas uniquement que les citoyens d’origine marocaine. Mais ces derniers semblent toutefois être les plus "pénalisés". Il suffit d’évoquer des "zones" comme Molenbeek ou Schaerbeek à Bruxelles ou alors des "concentrations" de Marocains à Anvers en Flandre.

Il suffit aussi de jeter un coup d’oeil sur les statistiques de l’interruption du cursus scolaire ou sur celles, plus "foudroyantes", quand on évoque les populations carcérales.

Mosaïque de profil. Les candidats marocains sur les diverses listes pour les régionales du 13 juin constituent une véritable mosaïque. On y retrouve pratiquement toutes les générations, femmes et hommes, débutants et chevronnés en politique Beaucoup ont déjà à leur actif une première expérience communale. Une grande partie provient du tissu associatif, ces centaines d’associations parfois très actives sur le terrain ou alors, pour beaucoup également, de simples sigles "bouffeurs" de subsides. On y retrouve aussi de "vieux" militants de partis côtoyant ceux et celles se trouvant là comme par hasard. Et cela n’épargne aucun parti. Même pas le "sérieux" P.S qui a recruté une jeune femme, au parcours très hypothétique et P.S depuis seulement quelques semaines, pour la faire figurer sur sa liste bruxelloise

Tout le tableau n’est pas noir. Loin s’en faut. Le "métier" est de plus en plus investi par des intellectuels, des personnes occupant de lourdes responsabilités dans le public et le privé.

Toutefois, cela n’empêche pas que pointe, ici ou là, une question qui "démange" plus d’un : pourquoi tous les partis courent-ils après les candidatures marocaines ? "Auparavant, on louait des bras, là, on loue des voix !", nous affirme un vieux connaisseur de la scène politique bruxelloise. Et à un autre, qui n’a pas non plus la langue dans la poche, de renchérir : "Bientôt et à ce rythme, on risquerait même d’en avoir sur les listes du Vlaams Blok si ce n’est déjà pas le cas"

Dossier réalisé avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin - Libération

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