Mariages forcés en hausse en France,les mères commencent à soutenir leurs filles

6 octobre 2003 - 05h44 - France - Ecrit par :

Les mariages forcés de jeunes filles immigrées en France sont en augmentation, selon les associations, qui constatent cependant le début d’une prise de conscience et le soutien plus fréquent des mères en faveur de leur fille.

Il est difficile de connaître l’ampleur du phénomène, illustré mardi par la condamnation à quatre ans de prison avec sursis par le tribunal de Melun, près de Paris, d’un Marocain naturalisé Français, Abdelaziz Amri, pour le viol en 1994 d’une jeune fille de 17 ans épousée de force au Maroc.
Les associations estiment à 70.000 le nombre de filles "concernées", mais il faut prendre ce chiffre avec prudence puisque la plupart des affaires restent dans le secret des familles.
Le GAMS (groupe des femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles) explique la hausse des mariages forcés par le fait que les filles venues en France dans le cadre du regroupement familial arrivent à l’âge du mariage.
Selon Marie-Thérèse Leblanc, présidente de l’association développement et médiation interculturelle Afrique (ADMICA), la hausse a eu lieu il y a cinq ou six ans, et s’explique aussi par un "phénomène de repli identitaire".
"Quand on est immigré, en marge de la société, on se replie sur ce que l’on connaît, et il y a une réinterprétation de la tradition, alors que celle-ci perd de sa force dans le pays d’origine lui-même".
Il faut ajouter, disent les associations, les pressions fortes des familles restées au pays pour faire obtenir à l’un de ses membres un titre de séjour en France, grâce au mariage.
Fadila Bent Abdesselam, de l’association des femmes algériennes démocrates, cite aussi les cas fréquents de jeunes filles épousées de force, souvent uniquement religieusement, dans un des pays du Maghreb, ramenées en France par leur "mari" et abandonnées quelques mois ou années plus tard. "Elles n’ont aucun droit en France où leur mariage n’est pas valable, et n’osent pas retourner dans leur famille qui ne veut plus d’elles".
La publicité faite autour de plusieurs affaires, l’action de sensibilisation faite dans les collèges et lycées, la mobilisation des associations féminines, commencent à porter leurs fruits et on observe un début de prise de conscience.
"On voit de plus en plus souvent des mères qui prennent la défense de leur fille", affirme aussi Marie-Thérèse Leblanc, et des filles qui se rebellent. Les pères réagissent malheureusement en amenant leurs filles de plus en plus jeunes au pays, dit-elle.
Responsable du service social du consulat de Dakar, elle a "sauvé", de 1999 à 2000, une vingtaine de filles, qu’elle a reçues lors de la transcription du mariage sur les registres de l’état-civil français.
Le projet de loi sur l’immigration instaure l’obligation de la présence de la femme lors de cette formalité. "C’est souvent le cas déjà maintenant, mais si la fille n’est pas reçue individuellement, elle ne dira jamais rien", affirme-t-elle.
En juillet, une jeune Mauritanienne de 13 ans, au statut de réfugiée comme sa famille, a été conduite de force par son père à Dakar pour être mariée à un cousin. "Le père avait pris ses papiers, explique Mme Leblanc, il a fallu huit mois à sa mère, assistée par des associations en France et à Dakar, pour obtenir du consulat un visa pour que la jeune fille revienne en France. Elle a aujourd’hui repris l’école, après six mois d’absence".
"La loi n’y fera rien si l’on ne change pas les pratiques des fonctionnaires, trop enclins à traquer les immigrés clandestins", dit-elle.

Al Bayane, Maroc

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