Maroc-Roumanie : Concurrent, mais aussi partenaire

2 février 2007 - 17h07 - Economie - Ecrit par : L.A

Aujourd’hui, la Roumanie a achevé son 1er mois européen. L’événement a été une occasion idéale de soulever avec son ambassadeur au Maroc, Vasile Popovici, quelques questions : rapport diplomatique, concurrence économique, avenir de la Turquie au sein de l’UE… Contrairement à l’adhésion de la Bulgarie, celle de la Roumanie a déclenché une certaine inquiétude chez les opérateurs marocains. M. Popovici estime que les rapports entre Rabat et Bucarest ne devraient pas être stigmatisés par une vision purement concurrentielle. L’ambassadeur plaide pour une diplomatie interactive.

Pourquoi les liens diplomatiques entre Roumains et Marocains ne sont pas assez développés ?

Nos rapports ont une bonne base. Toutefois, la Roumanie a vécu une période de transition après la chute du communisme. Elle s’est détournée, à tort d’ailleurs, de tout ce qu’elle estimait comme « non prioritaire ». Bucarest a développé ses relations diplomatiques surtout avec les Etats-Unis et l’UE. En décembre 2004, nous avons adhéré à l’Otan pour assurer notre sécurité nationale. Notre adhésion à l’UE, en 2007, vise à conforter notre intégration politique et économique. Ainsi, tous nos efforts, notamment diplomatiques, ont été longtemps déployés dans ce sens. Après avoir atteint ces objectifs, nous nous sommes rendus compte que nous avions laissé de côté d’autres partenaires.

Est-ce le cas du Maroc… ?

C’est non seulement le cas du Maroc mais aussi celui du Maghreb en général. C’est un peu difficile de relancer les relations, d’autant plus que notre pays a totalement changé d’élite politique. Les contacts au plus haut niveau se font encore attendre. La Roumanie a adressé, en mars 2006, à S.M. le Roi Mohammed VI une invitation. Nous attendons toujours sa visite. Durant le mois de mars, le ministre marocain du Commerce extérieur, Mustapha Mechahouri, sera en Roumanie. Je plaide vraiment pour plus de rapprochement entre nos deux pays.

Ce rapprochement est-il possible, alors que certains estiment que la Roumanie est un sérieux concurrent économique ?

La presse marocaine a beaucoup versé dans ce sens. Il existe de nouvelles donnes. Sur le plan du textile par exemple, la Roumanie est en perte de vitesse. Ce n’est plus un secteur prioritaire pour l’économie roumaine. Le coût de la main-d’œuvre commence à augmenter. Nous aussi, nous subissons les méfaits de la délocalisation. En revanche, il y a des secteurs émergents en Roumanie, mais sur lesquels nous ne pensons pas être en concurrence, notamment l’informatique.

Mais, en termes d’investissement, les benchmarks placent-ils la Roumanie au même niveau d’attractivité que le Maroc ?

C’est clair. Chaque pays se bat pour attirer son lot d’investisseurs. Les gouvernements doivent rendre leurs pays économiquement attrayants. Tout le monde se bat contre tout le monde. Il ne faut pas se focaliser essentiellement sur nos pays respectifs.

Je ne suis pas venu en rapace. Mon rôle est de « vendre » à la fois les produits roumains et marocains. En septembre dernier, j’ai invité des hommes d’affaires roumains au Maroc, et je me bats pour plus de présence roumaine dans votre pays. Je souhaite même délocaliser des entreprises spécialisées dans l’outillage agricole.

L’adhésion roumaine continue tout de même à susciter beaucoup d’inquiétude chez les Marocains…

Le Maroc continue à recevoir des fonds de soutien européens(1). Aucun pays du Sud n’en a reçu autant. Le Royaume jouit d’un statut spécial. De plus, c’est un partenaire incontournable aussi bien pour l’UE que pour les Etats-Unis. Il demeure un pays-clé dans le monde arabe.

La Turquie est économiquement plus apte à adhérer à l’UE ; pourtant, ses négociations avec les 27 piétinent(2). Son ancrage islamique accentue-t-il ce blocage ?

En Europe, il existe une importante communauté musulmane. Elle ne se limite pas à la France, l’Espagne ou l’Allemagne. La Turquie est un gros poisson. Sa population va lui donner du poids au sein de l’UE. Il existe un avenir européen pour Ankara. L’Europe a tenu ses engagements, et elle les honorera. La Turquie et les pays des Balkans doivent continuer à se battre. Les 27 ne peuvent pas leur fermer la porte.

Diplomatie interactive

Les Roumains connaissent-ils assez le Maroc ? « Vous avez le regard rivé sur quelques pays européens occidentaux », souligne l’ambassadeur roumain Vasile Popovici. Sans vouloir jouer au donneur de leçons, il suggère de viser plus loin. La famille européenne s’agrandit. Le Maroc ne devrait pas se concentrer uniquement sur ses partenaires historiques. Il serait judicieux, selon lui, de développer les liens avec les pays d’Europe centrale aussi.

L’Economiste - Faiçal Faquih

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Union européenne - Diplomatie - Roumanie

Ces articles devraient vous intéresser :

Avocat : Le Maroc inonde l’Europe

Le Maroc continue d’inonder le marché européen de ses avocats. Entre octobre et décembre 2024, le royaume a exporté pas moins de 42 000 tonnes de ce produit vers l’UE. Des chiffres qui risquent de grimper d’ici à avril.

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...

Tanger Med menace les ports européens

Malte craint l’avantage fiscal du port Tanger Med à cause de l’introduction d’une taxe environnementale dans les pays de l’Union européenne(UE) à partir de 2024. Les grandes compagnies maritimes peuvent se détourner vers le port marocain.

Tomates marocaines : l’Europe durcit le ton

Les producteurs et exportateurs marocains de tomates expriment des inquiétudes quant à l’adoption annoncée d’une nouvelle réglementation modifiant les conditions d’importation des fruits et légumes vers l’UE.

L’Espagne pourrait perdre des millions de touristes au profit du Maroc

L’adoption par l’Union européenne d’une taxe sur le kérosène afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, porterait un coup dur au secteur du transport aérien européen, alertent les compagnies aériennes qui craignent un transfert des touristes...

L’Europe délivre un nombre record de permis de travail aux Marocains

Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.

Données bancaires des MRE : Le Maroc négocie avec l’OCDE

Le Maroc est en pourparlers avec l’UE en vue d’une application harmonieuse du traité OCDE/G20 sur l’échange automatique des données bancaires à des fins fiscales.

Le Maroc sort l’artillerie lourde pour défendre ses fruits et légumes

Le Maroc a décidé de muscler son jeu pour défendre ses agriculteurs sur la scène européenne. L’ambassade du Maroc à Madrid vient de faire appel à un cabinet de conseil espagnol, Acento Public Affairs, pour faire entendre sa voix auprès des institutions...

L’Europe veut bloquer les transferts des MRE

L’Union européenne veut mettre fin au transfert de fonds des Marocains résidant en Europe vers leur pays d’origine via les banques marocaines présentes sur le continent.

La France adopte la carte du Maroc intégrant le Sahara

Après avoir changé sa position sur la question du Sahara, la France a adopté la carte complète du Maroc et de ses provinces du Sud. C’est du moins ce que semble montrer la télévision française.