D’après ces archives ultra-confidentielles publiées par l’analyste politique algérien Oualid Kebir, le Maroc a joué un rôle central du Maroc dans la guerre de libération du FLN. Après l’indépendance de son pays le 2 mars 1956, le roi Mohammed V a adopté une vision stratégique déclinée en trois axes. Le premier, asseoir un leadership maghrébin autonome, hors de l’orbite nassérienne. L’objectif était d’établir la direction marocaine d’une « Union du Maghreb » indépendante du bloc du Caire de Nasser, tout en cherchant à consolider le rôle du Maroc en tant que puissance de premier plan en Afrique du Nord. Le deuxième, renforcer l’aura du trône marocain dans le monde arabe, en fournissant une « aide remarquable » aux frères algériens.
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Enfin, éviter une rupture brutale avec Paris. Le souverain a soigneusement équilibré ses relations avec la France en maintenant une coopération financière et technique minimale pour éviter une confrontation ouverte qui pourrait menacer l’indépendance récemment acquise du Maroc. Cette vision lui a permis de gagner la confiance du monde arabe tout en maintenant des liens avec l’Occident, créant ainsi une équation complexe mais politiquement astucieuse. Une approche efficace qui avait été d’ailleurs saluée par le défunt président algérien Ahmed Ben Bella, témoin direct. Celui-ci a relaté une importante rencontre avec le roi Mohammed V à Madrid. Il rencontre Mohammed V avec 20 demandes écrites, mais le souverain les avait toutes anticipées… et en avait proposé le double. « J’ai eu honte de sortir ma feuille parce qu’il nous avait déjà proposé deux fois ce que nous allions demander », a révélé plus tard Ben Bella dans une interview à Al Jazeera.
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Dans un élan de solidarité, le royaume vole au secours de l’Algérie. Il devient une véritable base arrière de la révolution algérienne. Il a fourni une assistance militaire, logistique et humanitaire complète qui a fondamentalement modifié le cours de la bataille de l’Algérie contre la colonisation française. Le Maroc a autorisé l’établissement de bases militaires pour l’Armée de libération nationale (ALN) sur son territoire, a accueilli des réfugiés algériens et leur a fourni une protection politique et humanitaire, a délivré des passeports marocains aux membres du Front de libération nationale algérien (FLN) et a même utilisé des valises diplomatiques pour transporter des communications et des documents sensibles. Les autorités judiciaires ont fermé les yeux sur certaines activités révolutionnaires dans le pays, libérant parfois secrètement des membres du FLN détenus pour soutenir la cause.
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Nador a été transformée en station radio clandestine au service de la propagande révolutionnaire. Dès 1958, le FLN implante une cellule d’intelligence au Maroc, dirigée par Laghzaoui. Elle collabore avec les services marocains sur plusieurs dossiers : traque d’agents français, interrogatoires des détenus algériens, protections, falsifications. L’Algérie a bénéficié d’un soutien militaire sur le terrain. Des dizaines de bases logistiques stratégiquement positionnées dans tout le sud-est du Maroc ont fourni une infrastructure essentielle à la révolution. Sans oublier les camps d’entraînement, les dépôts d’armes et les hôpitaux. Entre 3000 et 4 000 combattants algériens étaient stationnés au Maroc à l’approche des négociations avec le général De Gaulle.
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L’Algérie a en outre bénéficié d’un soutien populaire. Syndicats, partis, étudiants se sont alignés derrière l’Algérie. L’UMT a soutenu l’UGTA. Les étudiants ont fourni de faux papiers et relais logistiques. Même le PC marocain (pourtant interdit) a participé à l’effort révolutionnaire. Malgré le soutien exceptionnel du Maroc à la révolution algérienne, les relations entre Rabat et Alger n’étaient pas exemptes de tensions : frictions sur des revendications territoriales du FLN, accrochages à la frontière, suspicions envers certains agents du FLN, malaise post-révolte du Rif et méfiance envers des cadres comme Khireddine. Outre ces tensions, le Maroc a également subi les conséquences politiques et diplomatiques de cet alignement moral profond.