Melilla, improbable port de départ vers l’Europe pour clandestins africains

31 août 2004 - 22h32 - Espagne - Ecrit par :

Originaires d’Afrique noire ou d’Algérie, plus de 700 immigrants clandestins en quête de rêve européen se morfondent depuis parfois des années dans l’enclave espagnole de Melilla, entre cabanes en carton et centre temporaire d’accueil, dans l’attente d’une improbable régularisation.

Adossée à la Méditerranée dans le nord marocain, à 170 km des côtes espagnoles, Melilla attire depuis 10 ans le flot croissant des clandestins qui ne peuvent payer les 1.500 à 2.000 euros exigés par les passeurs marocains pour franchir en barque le détroit de Gibraltar.
"J’ai quitté la Guinée Bissau en 2001 à cause de la guerre. Je suis venu à pied par le Mali, l’Algérie, le Maroc. Si je trouve du travail, je vais rester en Espagne", explique Ahmed Mamadou, 22 ans. Deux fois expulsé du Maroc vers l’Algérie, partout indésirable, il refuse de donner signe de vie à sa femme, tant qu’il n’aura pas réussi.
Ils sont 300 à camper comme lui dans le mini-bidonville planté à côté du Centre d’accueil temporaire pour immigrés (Ceti), construit en 1999 et où sont hébergés 418 autres clandestins, dont une cinquantaine d’enfants.
"On est là, on attend un permis de résidence ou un laisser-passer", commente Fernando Balgé, un Bissau-Guinéen de 25 ans.
Algériens d’un côté, Noirs de l’autre, mais aussi Bengladeshis ou Indiens, ils dorment dans des huttes faites de cageots, de cartons et de sacs plastique, sur un terrain vague jonché de détritus.
Depuis juillet, sur décision du nouveau préfet socialiste, chacun reçoit trois repas par jour du Ceti et les cabanes seront bientôt remplacées par des tentes de campagne dotées de sanitaires.
Tous rêvent qu’une place se libère au centre d’accueil, considéré en comparaison comme un véritable hôtel de luxe, avec ses bungalows en dur, dortoirs de huit lits, douches, cours d’espagnol, assistance juridique.
Pourtant, même dans ce centre, l’avenir reste sombre, témoigne Mohamed, un Algérien de 21 ans, qui a passé la frontière il y a trois ans, en courant parmi les 30.000 à 40.000 Marocains se rendant chaque jour à Melilla pour acheter des provisions.
"La police espagnole descend parfois à l’aube pour ramasser les Algériens et les expulser. C’est la panique. Tout le monde veut s’enfuir et ils (les policiers, ndlr) frappent avec leurs matraques", dit-il.
Fait rarissime, le 24 août, une quinzaine de familles algériennes installées dans le centre depuis trois ans, ont été autorisées à gagner la péninsule, avec permis de résidence et de travail. "On n’est pas venu dormir, on veut travailler", avaient scandé en manifestant ces clandestins au début de l’hiver.
L’assistante juridique du Ceti, Maria Dolores Morales, reconnaît qu’en bout de course, la reconduite au pays est la règle pour les célibataires algériens, les familles n’étant jamais expulsées.
La situation juridique des Subsahariens est plus complexe. Faute de consulats de certains pays en Espagne ou d’accords bilatéraux, la plupart finissent par obtenir un simple laisser-passer pour la péninsule. A charge pour eux de quitter l’Espagne dans les trois jours, par leurs propres moyens...
La majorité d’entre eux pense avoir accompli le plus dur après avoir réussi à franchir la double barrière métallique ultra-surveillée qui sépare le Maroc de Melilla.
Le jour, ils vont en ville garder ou laver les voitures en échange de quelques pièces de monnaie, en regardant partir les ferries.
Patrick Noumen, alias "Champion", lui, soulève des altères : deux blocs de béton attachés à une barre en fer. Boxeur et rugbyman, 1m78 pour 100 kg de muscles, il était videur de boîtes de nuit "au pays", au Cameroun.
"Chacun vient ici avec son objectif en tête. Moi je veux aller en France où le rugby et la boxe sont intenses", dit-il. Des rigueurs de son périple, via le Nigeria, le Niger, la Libye, l’Algérie et le Maroc, il ne regrette rien : "je suis déjà un peu en terre européenne".

Wanadaoo.ma - Afp

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