Microfinance : Le laboratoire maghrébin

14 mars 2007 - 00h00 - Economie - Ecrit par : L.A

De l’avis général, le Maroc a gagné son titre de maître « ès microfinance et microcrédit ». Les Jours Fi, organisés les 7 et 8 mars à Casablanca par Polyfinance, en partenariat avec le groupe Banques populaires, PlanetFiance et l’Irti, ont permis de faire un état des lieux.

Ils ont surtout permis de confronter les modèles marocain, tunisien et algérien, sachant que « chaque pays a son environnement et ses objectifs », s’empresse de préciser le PDG de la Banque tunisienne de solidarité BTS, Lamine Hafsaoui.

Le constat est net. Le secteur de la microfinance au Maroc a connu un essor considérable depuis une décennie. Au 31 décembre 2006, les associations de microcrédit marocaines, 13 au total, seraient plus d’un million de clients actifs, dont 66% de femmes. « L’encours global s’élève à 3,5 milliards de dirhams, et le taux de remboursement des crédits est de 99% », se réjouit-on auprès de la Fédération des associations de microcrédit. Le montant des crédits distribués depuis leur création s’élève à 15 milliards de dirhams pour un total de 4,5 millions de prêts. La première mention de la microfinance avait été faite en 1992, lors d’une conférence à Meknès sur la désertification au Maroc.

Une leçon tunisienne ?

Trois fois moins peuplée que le Maroc, la Tunisie compte 227 associations dédiées au microcrédit, mais elles ne sont pas autonomes et dépendent toutes d’une banque unique, la BTS. Fin 2006, elles ont alloué 220.000 crédits pour un montant global de 135 millions de dollars, soit 101 fois moins qu’au Maroc. Le nombre de bénéficiaires a atteint 154.000, dont 39% de femmes. Le montant moyen du crédit accordé par les microcréditeurs marocains ne dépasse pas 3.000 dirhams, et les institutions de microfinance ont un crédit plafonné à 50.000 DH, conformément à la loi qui régit le secteur. En Tunisie, le montant moyen du crédit est de 600 dollars. En revanche, ceux alloués dans le cadre de la microfinance varient de 15.000 à 55.000 dollars selon que le projet est porté par un diplômé de l’enseignement supérieur ou non.

Pour Hafsaoui, « les acquis du système du microcrédit tunisien sont considérables malgré les critiques relatives à son adoption et sa supervision directe par l’Etat ». Le PDG de la BTS relativise l’interventionnisme étatique qui, selon lui, « a fait de ce système un cas très spécifique ». Une spécificité qui lui a permis de mobiliser des fonds via un système de solidarité national. Ces fonds sont octroyés aux populations nécessiteuses avec un taux d’intérêt relativement faible (5% supportés par le client et 7% par l’Etat, sous forme de primes et d’appui institutionnel, contre une moyenne de 15 à 20% au Maroc). Rappelons que ces fonds étaient accordés, auparavant à titre de dons, sous forme d’assistance sociale. Mais quelles sont les limites du système de solidarité social tunisien ?

Quel taux d’intérêt ?

Les experts dont le patron de la BTS, parlent de difficulté à déterminer le taux d’intérêt d’équilibre permettant de sauvegarder la pérennité des associations tunisiennes sans alourdir les charges des bénéficiaires. Mais également de croissance des charges au suivi et à l’accompagnement en fonction de la croissance du nombre des crédits et de difficulté à évaluer l’impact réel du microcrédit au niveau économique, social et culturel.

En Algérie, la gestion de la question sociale prend des allures de politique générale de développement. L’exposé de sa représentante aux assises de la microfinance, Dehbia-Aziza Bouri, économiste et consultant, en dit long sur la méthode algérienne. « Chaque pays a sa façon particulière d’aborder la question de financement des activités génératrices de richesse, mais l’objectif reste le même : celui de développer le microentreprenariat au sein des populations non bancarisables ». D’où le rôle de la microfinance qui vise à lutter contre la pauvreté par l’économique.

Pas moins que le modèle tunisien, le modèle algérien est presque entièrement basé sur l’intervention de l’Etat. Il n’empêche que pour Bouri, le système social algérien est bien huilé. Mieux, « c’est un dispositif qui fonctionne très bien, un dispositif bien segmenté pour plus d’efficacité dans l’action ». Bouri cite pêle-mêle l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Anej) ; la Caisse nationale d’allocation-chômage (Cnac), l’Agence nationale de gestion du micro crédit (ANGMC) et le Programme national de développement rural (PNDR). « Toutes ces structures concourent à dynamiser le modèle algérien dans le financement des TPE et PME ». En Algérie, il n’existe pas d’associations de microcrédit ou d’institutions de microfinance. La législation ne le permet pas encore, « mais ça viendra, le marché est demandeur, il est mûr, il est surtout porteur », assure Bouri.
En attendant, notre grand voisin égraine sa politique sociale. « La sécurité sociale est généralisée, l’éducation gratuite, l’électrification couvre 98% du territoire national… » Il ne fait aucun doute, pour Dehbia-Aziza Bouri, que « les pouvoirs publics algériens assument pleinement leur rôle d’acteur social ». Mais elle verrait bien son pays s’inspirer des modèles marocain et tunisien.

Cadre légal

L’activité de microfinance au Maroc est régie par un texte fondateur, la loi n° 18-97 du 1er avril 1999. Ce texte ne créait pas l’activité mais au contraire constatait et sécurisait le microcrédit existant. Les institutions se déclinent sous la forme d’associations conformément aux dispositions du dahir du 15 novembre 1958 qui réglemente le droit d’association. La forma associative va bientôt disparaître : une réforme est en cours. Est considéré comme microcrédit « tout crédit dont l’objet est de permettre à des personnes économiquement faibles de créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d’assurer leur insertion économique ; d’acquérir, de construire, ou d’améliorer leur logement ; de se doter d’installations électriques ou d’assurer l’alimentation de leurs foyers en eau potable », dit le tecte.
La loi fixe maintenant à 50.000 DH a le montant maximum de crédit alloué pour avoir le label microcrédit.

L’Economiste - B. T.

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