La fièvre Fast fashion

1er juillet 2007 - 00h02 - Maroc - Ecrit par : L.A

Si le secteur textile marocain n’a pas connu la bérézina annoncée, c’est grâce au développement du Fast fashion, concept industriel et marketing où les sous-traitants marocains profitent des avantages de proximité et de flexibilité. Produire en masse et en un temps record, être capable de s’adapter à des changements de rayons rapides et avoir les moyens de traiter les aspects liés aux matières premières et l’approvisionnement. Tels sont les nouveaux mots d’ordre en vigueur dans l’industrie textile, secteur ô combien important pour l’économie marocaine. Cette nouvelle tendance se résume en une formule désormais sur toutes les lèvres côté professionnels : Fast fashion.

Il s’agit de cette nouvelle stratégie industrielle et marketing, consistant à dépasser la logique des saisons, pour lancer en flux quasi-continu de nouveaux articles, dans un large circuit de distribution et à des prix accessibles. Ayant fortement boosté la consommation mondiale et fait émerger de grandes signatures, le concept représente une grande opportunité pour les textiliens marocains, avec un avantage de taille : la proximité avec le pays leader en la matière, l’Espagne. Le pays compte en effet les plus grandes enseignes opérant dans le secteur. C’est le cas, entre autres, de Mango et d’Inditex avec ses enseignes (Zara, Stradivarius, Bershka, Massimo Dutti…) et son chiffre d’affaires de 6,7 milliards d’euros en 2006. Force de frappe : un renouvellement des étagères tous les 15 jours et autant pour le délai séparant la décision de mise en vente et la commercialisation effective, contre une moyenne mondiale de deux mois.

Les impératifs de coûts poussent les entreprises ibériques à faire appel aux sous-traitants marocains. Marque de l’importance du procédé, le secteur a enregistré en 2006 un chiffre d’affaires record à l’export, dépassant les 30 milliards de DH. Cela, à un moment où des partenaires historiques, comme la France, se sont tournés vers l’Asie et où le démantèlement de l’accord multifibre s’était soldé, les premiers mois de l’année 2005, par une baisse de 20% du chiffre d’affaires à l’export et une perte quasi immédiate de 15 000 à 20 000 emplois.

Certes, la mise en place par l’UE de quotas à l’importation de produits textiles chinois a amorti le choc, permettant au Maroc de limiter la baisse de ses exportations à un honorable 7%. “Mais le secteur doit surtout sa relative bonne santé au marché espagnol”, affirme-t-on côté ministère du Commerce et de l’Industrie. D’après les chiffres avancés par le département de Mezouar, les exportations vers la péninsule ibérique sont passées de 7,7 milliards de DH en 2005, à 10,4 milliards de DH en 2006, faisant de l’Espagne le premier client du Maroc.

L’avantage de la proximité

Même si l’avantage de la proximité doit être relativisé dans l’absolu, il n’en reste pas moins un critère essentiel dans la bonne marche de la machine du Fast fashion. “Par le degré de rapidité d’exécution qu’elle exige et les délais courts séparant la conception d’un modèle à sa mise en vente, le Fast fashion est difficilement compatible avec l’éloignement géographique”, explique Karim Tazi, président de l’Association marocaine de l’industrie textile et d’habillement (Amith). Alors que l’UE s’apprête à la levée de ses restrictions sur les produits chinois, prévue pour janvier 2008, les opérateurs misent, plus que jamais, sur les opportunités qu’offre le Fast fashion. Un potentiel démontré par plus d’une étude, dont la plus parlante est la partie réservée au textile dans le programme Emergence. Selon celle-ci, le marché “circuit court” est amené à passer à 84% du volume global des exportations de textile en 2008, contre 33% du 1997.

Reste à savoir comment se répercute cette tendance sur nos textiliens ? “L’idéal serait qu’elle se traduise par une meilleure capacité à suivre les tendances, à les interpréter et à les produire selon un process maîtrisé. À défaut, nous restons cantonnés à la sous-traitance, la plupart des entreprises de confection n’étant pas prêtes à opérer ce remodelage”, indique une source à l’Amith. En effet, les industriels se contentent de suivre les orientations des donneurs d’ordre et de travailler sur des bases et des matières livrées par ceux-ci. Et si les marques ne sous-traitent jamais la création, qui reste leur raison d’être, des marges restent à prendre notamment en matière de logistique et d’approvisionnement.

Mais pour cela, les entreprises marocaines devront développer une nouvelle expertise. Et c’est là que se trouve la difficulté du passage à la co-traitance, si chère à l’Amith et au département de Mezouar. Pour les deux entités, c’est le cap à franchir. Les visites de prospection et de promotion qu’elles ont multipliées tout au long de l’année 2006 et qui se prolongent cette année s’inscrivent dans cet objectif, avec un message simple : “Nous pouvons faire plus que de la sous-traitance”. Un message qui ne semble pas, pour le moment, entendu par les donneurs d’ordre. Pour ces derniers, la maîtrise du sourcing reste trop stratégique pour être confiée à des partenaires extérieurs.

Objectif : la co-traitance

En attendant, le Maroc se tient prêt. Pour preuve : les 20 millions de dirhams accordés récemment par le gouvernement en guise de subvention au secteur textile, consacrée à la promotion du sourcing, des exportations et à la communication. “La co-traitance est un passage obligé vers une industrie textile marocaine à même, un jour, de passer à la phase de création”, dit Tazi.

Reste enfin la contrainte des prix. Le Maroc est pressé d’appliquer des prix “à la chinoise”, difficilement compatibles avec les avancées réalisées sur le plan social du secteur (augmentation du Smig, institution de l’AMO). La solution se trouve dans l’augmentation de la productivité et l’optimisation des coûts, là encore otages de la taille réduite du plus grand nombre des unités.

Pour dépasser ces blocages, la logique prônée est celle de la diversification, aussi bien en termes de produits que de marchés. Car il n’y a pas que le Fast fashion : le marché français est toujours là, et surtout celui des Etats-Unis, présenté par Karim Tazi comme le futur eldorado du textile marocain. Et pour cause, il est désormais plus facile à approcher, depuis l’entrée en vigueur des accords de libre-échange et “l’application de la flexibilité sur les règles d’origine, qui permet aux entreprises marocaines de s’approvisionner partout dans le monde tout en bénéficiant des avantages de l’accord”, explique-t-on au ministère du Commerce et de l’Industrie. À cela s’ajoutent les délais records de livraisons que permettra le futur port Tanger-Med (Casablanca-New York en cinq jours). Des réflexions basées sur le moyen terme alors que, comme son nom l’indique, c’est d’abord au plus réactif qua le Fast fashion sera la plus profitable.

Alternative : Le “made in Morocco”

En attendant le passage tant attendu à la co-traitance, certains industriels marocains tirent leur épingle du jeu en lançant leurs propres marques, profitant en cela d’un marché de la franchise en pleine expansion. C’est le cas de Marwa, enseigne de prêt-à-porter féminin créée par le groupe Monte Pull. L’enseigne a développé une dizaine d’implantations dans les grandes villes marocaines et prépare des projets dans le pourtour méditerranéen. C’est aussi le cas de l’enseigne Flou Flou, dirigée par Saïd Benabdeljalil, avec neuf magasins ouverts jusque-là, deux collections par an et des nouveautés chaque mois.

Toutefois, le concept a ses limites. Son marché se concentre essentiellement sur les couches moyennes à supérieures de la population, qui peuvent acheter en boutique, la plupart des Marocains se fournissant sur le marché informel. Néanmoins “la mode au Maroc reste très internationale. Les enseignes marocaines elles-mêmes suivent les tendances mondiales”, souligne une enquête du magazine spécialisé Le Journal du textile. Le hic, c’est que le Maroc compte peu de spécialistes de la création. Les rares disponibles sortent d’écoles privées, avec un niveau de formation souvent moyen. Et le recours à des compétences étrangères coûte cher.

TelQuel - Youssef Belarbi

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Sujets associés : Textile - Mode

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