Seule contre le gouvernement d’union nationale et toutes les formations politiques du pays, de droite comme de gauche, l’Union démocratique du centre (UDC, droite populiste) a failli rallier à elle une majorité des Helvètes qui se sont rendus aux urnes ce week-end (47,57 % de participation). Le référendum a été rejeté par seulement 2 500 voix d’écart 50,1 % de non contre 49,9 % de oui. La marge est si serrée que les résultats n’ont pas été annoncés officiellement et devront faire l’objet d’un recomptage. Une majorité de cantons (12,5 cantons contre 10,5) a cependant dit oui à la droite extrême. Malgré la défaite en termes de voix, personne n’est dupe : l’UDC, emmenée par Christoph Blocher, a le vent en poupe comme jamais.
Démagogique. Pourtant, ces dernières semaines, la coalition gauche-droite au pouvoir et tous les partis de l’éventail politique s’étaient mobilisés pour dénoncer avec force une initiative jugée tout à la fois irréaliste, impraticable, démagogique et xénophobe. Ce référendum visait à renvoyer dans les Etats limitrophes de la Suisse la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche tous les demandeurs d’asile qui auraient transité par ces pays. Ouvrant potentiellement une crise diplomatique entre la Suisse et ses voisins, tous membres de l’Union européenne. Le texte demandait aussi de couper encore dans les prestations sociales et d’interdire le travail aux requérants d’asile dont la demande a été rejetée.
Kaspar Villiger, président de la Confédération helvétique, avait tenté de prévenir la population contre un référendum extrémiste : « Nous devons avoir une politique d’asile rigoureuse, mais elle ne doit pas devenir inhumaine. » Dans une intervention inhabituelle, le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU avait exprimé son inquiétude, redoutant que « la Suisse devienne le pays le plus fermé aux réfugiés en Europe ».
En chiffre absolu, le nombre de demandeurs d’asile en Suisse n’est pas très élevé. Entre janvier et juillet, 2 456 demandes d’asile ont été déposées en Suisse, une augmentation de 28 % par rapport à la même période en 2001. Mais le résultat du référendum témoigne que la démagogie de l’UDC, évoquant « les milliards que coûtent les abus dans le droit d’asile », a porté ses fruits.
Gifle politique. Cette victoire politique de l’Union démocratique du centre souligne une double rupture. D’une part, celle qui existe entre les élites et la Suisse « d’en bas », qui s’inquiète de la montée du chômage et d’une précarisation des conditions de travail. Et d’autre part, elle fait ressortir la coupure géographique entre la Suisse occidentale et latine, encore majoritairement hostile aux thèses xénophobes, et la Suisse centrale et orientale, qui y est beaucoup plus perméable. Début décembre, l’équipe gouvernementale va être remaniée. La question, dès lors, est de savoir comment la classe politique prendra en compte la gifle politique que l’ultradroite vient de lui infliger. La Suisse est désormais au bord de la crise politique.
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