Tétouan, la perle du Rif

1er janvier 2008 - 15h02 - Maroc - Ecrit par : L.A

Ville de culture, cité phare des arts, grande place de résistance, Tétouan est un pur joyau du Rif qui, à travers les âges a su marquer la région et tout le pays, grâce à des mouvances avant-gardistes qui ont touché tous les plans : économique, politique, culturel et social. Avec sa médina, classée patrimoine mondial par l’UNESCO, la ville jouit d’une place spéciale sur le plan artistique et accueille quelques événements de grandes envergures. Retour sur l’héritage séculaire d’une cité unique.

Tétouan a toujours été un carrefour culturel. Une situation géographique propice aux échanges, et surtout une prédisposition toute naturelle à l’art et à ses différentes expressions. Aussi loin que les historiens ont creusé, les découvertes semblent se succéder pour révéler une grande variété d’intérêts pour les choses de l’esprit. Selon les différentes écritures liées à l’histoire de la ville, Tétouan vient du mot arabe Titwan qui est une « déformation du mot Tittawen qui provient du Tarifit. Il s’agit là du pluriel de Tit qui veut dire à la fois oeil ou source ». Une appellation qui n’a rien de gratuit si l’on considère ce que certains historiens y ont vu comme source de rayonnement pour toute la région. En effet, Tétouan a toujours été considérée comme « la capitale et le centre culturel de la région du Tanja au Nord du pays. Elle est considérée comme la ville la plus andalouse du royaume ». Un autre héritage historique qui vient la positionner comme le phare culturel après la fuite des mauresques d’Andalousie suite à la chute de Grenade.

Aujourd’hui, la ville prend un nouvel essor. Les statistiques officielles affirment qu’en 2007, « sa population est de 648.277 habitants, elle est la 5éme plus grande ville du royaume après Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech ». C’est dire que même sur un plan démographique, il faudra désormais compter avec Tétouan comme une grande métropole future qui fera écho à ce que sa sœur Tanger est en train de vivre en ce moment. Encore une fois, le hasard de la géographie fait bien les choses.

Cette ville, qui a un jour pris les devants avec Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi avec la guerre du Rif, avec cette grande date de la bataille d’Anoual contre les troupes espagnoles. Guerre d’indépendance, guerre culturelle, revendications du patrimoine et volonté d’un legs pour la postérité, ce qui fait de cette ville un pôle important dans la vision d’un Maroc futuriste. Et de fait, située dans le Rif à environ 40 kilomètres à l’Est de la ville de Tanger, à proximité du détroit de Gibraltar, elle occupe un point stratégique qui jouera un rôle important dans l’économie du Nord du pays. « D’ailleurs, le fait qu’elle soit située dans une vallée (la cluse de Tétouan) creusée par l’oued Mhannech dans les montagnes de la chaîne calcaire du Rif au nord et au sud, la place d’emblée comme une ville touristique de premier plan. Il faut aussi ajouter à cela que près de Tétouan, on trouve plusieurs villes côtières très touristiques comme Mediek et Martil, et des villages de vacances comme Marina Smir et Cabo Négro. Une côte qui va jusqu’à Sebta et qui devient la Costa del Sol du Maroc, avec des chantiers à n’en plus finir, un réel boom économique et immobilier, qui génère des milliers d’emplois directs et indirects.

Ancrage historique

Tétouan est une ville aux dimensions multiples. Son enracinement dans l’antiquité a été prouvé par de nombreuses fouilles archéologiques. On le sait par l’historien Mohamed Daoud : « La ville existe depuis le IIIe siècle avant notre ère, des vestiges des ères romaines et phéniciennes y ont été trouvés, provenant de la ville antique de Tamuda. Les Phéniciens quant à eux établirent en leur temps un comptoir à l’embouchure de l’Oued Martil ». Plusieurs civilisations s’y sont succédées et c’est toujours cet emplacement dans une vallée, près de la mer, encadrée par les montagnes qui en a fait un fort naturel et une place forte pour le commerce et les échanges dans l’antiquité. Tamuda était une cité à l’éclat important dans toute la méditerranée. De nombreux ouvrages ont révélé sa splendeur et l’impact qu’elle a eu sur d’autres places fortes du pourtour méditerranéen.

Le même Mohamed Daoud nous apprend que « le site de la ville est mentionné la première fois par le géographe andalou Abou Oubayd Al Bakri au XIème siècle, puis par des sources Almohades au XIIème ». Cette mention est capitale pour plusieurs raisons dont la plus importante est que Tétouan était plus célèbre que toutes les grandes villes espagnoles, et son rayonnement a poussé de nombreux savants à venir y chercher le savoir et y puiser la quintessence de leur passion pour la culture et les arts.

« Vers 1305, une ville fortifiée est établie par le sultan Mérinide Abou Tabit. Elle sert de base pour attaquer la ville de Sebta. En 1399, la ville est détruite par les Espagnols afin d’arrêter les attaques de pirates pour lesquels la ville constituait une base arrière », explique l’historien qui a su mettre en exergue les grandes ramifications historiques d’une ville au destin unique. Entre héritages multiples, grands bouleversements civilisationnels et changements historiques, Tétouan a su allier les contraires, jouer des contrastes, utiliser toutes ses richesses pour créer une identité en kaléidoscope.

Les Mauresques et la chute de Grenade

L’histoire récente ou moderne de la ville de Tétouan commence au XVème siècle. L’Espagne retrouve des forces, se positionne comme une puissance coloniale, les derniers bastions arabes s’éffondrent, Tétouan avec d’autres villes marocaines est naturellement désignée pour accueillir les populations qui ont fui l’Andalousie. Un épisode historique très célèbre qui aura façonné à plus d’un égard le visage des villes marocaines de Tétouan à Salé en passant par Rabat ou la région du Saïs. Dans ce sens, les écrits de référence restent ceux de l’historien Skirej, qui a fait une lecture presque exhaustive de la destinée de la ville. Selon lui « En 888 h (1483), 80 Mauresques venus de Grenade avaient commencé à construire des maisons dans la partie dénommée Al Balad, mais étaient harcelés par la tribu des Beni Hozmar qui revendiquait la propriété du site ». C’est là un fait historique de taille. D’abord pour des raisons d’interactions culturelles venues du Nord et mariées à celles du Sud aux multiples influences arabes, Orientales et Africaines. L’historien Skirej poursuit son analyse de cette époque en racontant un autre épisode important : « Ayant été informé de leurs plaintes, le Sultan Mohammad Ach-Chaikh Al Wattassi (m en 910 h, 1504) leur prêta 40.000 Mithqal et envoya 40 gardes de Fès et 40 du Rif pour les protéger ». Un geste qui a une signification à la fois politique et culturelle. C’est le début d’un nouvel ancrage historique pour une catégorie humaine qui apportera avec elle un savoir important et de nombreuses connaissances tant en géographie, en musique, en dessin et en visions politiques. « Il écrivit au gouverneur de Chefchaouen, Sidi Ali Ibn Rached (m. en 917 h, 1511), fondateur de la ville, pour lui demander de leur envoyer une personne compétente pour construire une muraille de protection. C’est ainsi que Sidi Mohammed ben Ali Al Mandari (m en 900 h, 1494), un général d’origine andalouse rejoigna la ville dont il deviendra gouverneur et architecte. Il est considéré comme le vrai fondateur de la ville. », conclut Skirej qui définit là la genèse de cette cité unique.

L’époque moderne et l’affirmation nationaliste

Ce qu’il faut retenir dans l’histoire récente de Tétouan, c’est son rôle majeur dans la résistance face aux espagnols. Aucune ville au Maroc ne peut se targuer d’avoir été dans un engagement total contre l’impérialisme. À la fois fierté nationaliste, orgueil d’une cité antique qui n’a jamais accepté d’être assujettie. Un autre historien de la ville, Abdesslam Bennouna, nous éclaire sur le début et la fin du colonialisme à l’espagnol à Tétouan et au Maroc : « En 1492, la Reconquista se termine avec la chute de Grenade qui chasse du Sud de l’Espagne des milliers de musulmans et juifs qui s’installèrent dans la ville ». Première grande migration qui sera suivie par d’autres comme celle de 1609. « La population s’est trouvée augmentée également par l’expulsion massive des Mauresques par Felipe III en 1609 ».

Cette dernière vague est importante dans la conception du métissage humain de la ville. Tétouan jouit d’un cosmopolitisme sans égal qui en fait une cité aux multiples tendances et dont les métissages culturels font aboutir à la grande révolution artistique du XIX siècle. Le même Abdesslam Benouna, ancien ministre, nous rappelle que « la ville connaît au XVII et XVIII siècles un grand essor grâce à son statut de port méditerranéen (Martil) par lequel transitent les marchandises vers ou provenant de la capitale Fès, les autres ports marocains étant sous l’occupation portugaise. De nombreux consulats y furent établis. L’activité commerciale portuaire sera finalement transférée à Tanger, port pouvant accueillir des navires plus grands. »

Une ville moderne est née sur les strates historiques de tant d’autres dynasties qui lui ont donné cette profondeur humaine et civilisationnelle. Mais le destin de Tétouan est plus complexe à l’instar de toutes ces villes qui ont une destinée particulière. « Après l’occupation espagnole en 1913, Tétouan devient la capitale du Maroc espagnol et le restera jusqu’à l’Indépendance du Maroc en 1956. La région est alors intégrée au Maroc. Elle a conservé une âme andalouse qui fait d’elle la plus hispano-mauresque des villes marocaines. » Destin unique et fluctuations humaines très particulières. D’ailleurs plusieurs écrivains espagnols se sont inspirés des métissages de Tétouan pour créer des univers parallèles entre ce Nord proche et ce Sud lointain. « Comme dans le reste des villes andalouses du Maroc : Rabat, Salé, Chaouen et Fès, beaucoup de familles portent encore des noms mauresques (Moriscos), correspondant en général à des surnoms évoquant des lieux, comme Torres, Molina, Castillo, Aragon, Medina, Paez, Baeza, Morales ». Un destin unique en son genre qui rappelle les liens historiques profonds de cette Méditerranée multiple.

Gazette du Maroc - Fouzia Ejjawi

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