Un autre Maroc : Grands soucis des femmes soussis

22 décembre 2003 - 12h30 - Maroc - Ecrit par :

Installée à Taroudant, Saïda Bouzebda est d’Igherm, petit village de la vallée d’Ammeln. Ce petit bout de femme, les cheveux et les épaules cachés par un long foulard noir, est aujourd’hui l’un des acteurs les plus actifs de la société civile locale. Elle travaille pour l’association Migration et développement depuis plusieurs années et a fait de la condition des femmes de la région son cheval de bataille.

Avec d’autres femmes de la ville, elles sont en train de monter la première association féminine de la région. Les autres sont avocates, médecins, assistantes sociales ou encore professeurs d’éducation physique. Pour elles, le chantier de la condition des femmes est encore vierge. Jusque-là, tout ce qui a été fait pour les femmes entre dans le cadre de projets pour le développement de la région et la question reste "collée aux problèmes locaux".

Soit. Mais il faut faire plus : leur proposer des formations à des métiers manuels, les alphabétiser, leur expliquer leurs droits, en somme, avoir une approche d’intégration.

Dans la région montagneuse entre Taroudant et Tafraout, l’état des lieux est frappant. Sur les routes, presque pas d’hommes. Mais des femmes. Que des femmes. Le dos courbé sous un lourd fardeau d’aliments pour le bétail, elles rentrent au douar traire la vache dont elles-mêmes iront vendre le lendemain le lait ou le beurre. Sans parler des tâches ménagères et des enfants. Dans la région, les femmes sont esclaves. Ici, pas besoin d’ânes, ce sont elles qui portent tout sur leurs épaules. Quant aux hommes : "Guen (ils dorment en berbère). Chez nous, ce sont les femmes qui travaillent", répondent deux jeunes femmes croisées sur une route. "Nous deux, on ne veut surtout pas entendre parler de mariage avec des hommes de la région. Ils restent à la maison à ne rien faire", s’emportent deux autres. Ce sont aussi elles les gardiennes des douars : "Les hommes partent dans les villes et laissent leurs femmes qui ne les voient que les jours de fêtes religieuses, 1 à 2 fois par an, quand ils rentrent", expliquent les membres de la nouvelle association féminine roudanie.

Femmes-esclaves, les femmes des montagnes du Souss sont également les garantes de la tradition. Celle-ci étant très conservatrice, leurs visages sont cachés sous un voile épais qui laisse à peine paraître leurs yeux entourés de khôl. Qui se cache en réalité derrière ce conservatisme ? Des hommes qui dorment au douar.

Néanmoins, les femmes soussies ne connaissent pas toutes le même sort. En effet, si les montagnes sont sans merci à leur égard, la plaine et la côte sont plus clémentes. À Sidi Ifni, Abdellah Loutouli, membre de l’Association marocaine pour les droits de l’homme souligne : "Ici, vous ne verrez pas de femmes dans les champs. Chez les Aït Baâmrane, tribu principale de la région, les femmes ne travaillent pas en dehors de la maison. Elles s’occupent des enfants et des tâches ménagères". Une pointe d’espoir se profile toutefois. Grâce au travail des ONG, dans tout le Souss, des femmes commencent à prendre conscience de leurs droits et surtout, de plus en plus de petites filles vont à l’école : "Même les pères ne montrent plus de résistance et acceptent de scolariser leurs filles"... ce qui est primordial, pour qu’il n’y ait plus de femmes esclaves.

TelQuel

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Agadir - Femme marocaine

Ces articles devraient vous intéresser :

« Le mariage avant l’école »

Les propos d’Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), et par ailleurs ancien chef de gouvernement sur le mariage et l’éducation des jeunes filles font polémique.

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.

Un enfant né d’un viol ouvre une brèche dans le droit marocain

Saisie par une jeune maman qui cherche à obtenir une indemnisation pour son fils issu d’un viol, la cour de cassation marocaine a rendu une décision qui va faire date.

L’actrice Malika El Omari en maison de retraite ?

Malika El Omari n’a pas été placée dans une maison de retraite, a affirmé une source proche de l’actrice marocaine, démentant les rumeurs qui ont circulé récemment sur les réseaux sociaux à son sujet.

Il veut divorcer, une Marocaine offre une grosse somme pour le retenir

Après 18 ans de vie commune, elle ne peut se résoudre à la séparation. Pour tenter de sauver son mariage, une Marocaine a eu une idée aussi originale que désespérée : offrir de l’argent à la personne qui réussira à convaincre son époux de renoncer au...

Maroc : des soupçons d’adultère conduisent à un drame

Le corps sans vie d’une jeune femme a été retrouvé au domicile de sa famille dans les environs de Berrechid. Soupçonné d’homicide, son mari en fuite a été arrêté par les éléments de la Gendarmerie royale relevant du centre territorial de Deroua.

« Épouse-moi sans dot » : un hashtag qui fait polémique au Maroc

Le hashtag « Épouse-moi sans dot » qui s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux ces derniers jours, a suscité une avalanche de réactions au Maroc. Alors que certains internautes adhèrent à l’idée, d’autres la réprouvent fortement.

Les Marocaines pénalisées en cas de divorce ?

Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.