Les Marocaines pénalisées en cas de divorce ?

10 septembre 2024 - 15h00 - Maroc - Ecrit par : S.A

Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.

La volonté d’Abdelatif Ouahbi de promouvoir une « vraie parité » entre les hommes et les femmes se heurte à des résistances. Dans un entretien sur la chaîne marocaine 2M la semaine dernière, le ministre a avancé que les femmes ayant un revenu supérieur dans le couple devraient verser une pension alimentaire (Nafaqa) à leur mari en cas de divorce. En réalité, c’est l’homme qui est le plus affecté après un divorce en voyant son niveau de vie baisser. Interrogé sur les mesures qu’il entend prendre, en collaboration avec Bank Al-Maghrib (BAM), contre les hommes qui ne versent pas de pension alimentaire à leurs femmes après le divorce, il répond en ces termes : « Quand la femme demande le divorce, elle doit avoir tous ses droits. Pour ce faire, nous devons savoir ce que possède l’homme et ce que possède aussi la femme parce que la responsabilité financière est partagée », a déclaré Ouahbi. Et d’ajouter : « Quand nous aurons une idée précise sur la situation financière de l’homme et de la femme, nous pourrons déterminer qui est la partie lésée et celle qui va indemniser l’autre. Si le revenu de la femme est supérieur à celui de l’homme, elle devra payer la Nafaka à son ex-conjoint. »

À lire : Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Cette réforme n’est pas du goût de l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC), qui soutient les causes féminines. La contribution financière partagée est « une réalité quotidienne que vit la famille marocaine, confirmée par des rapports officiels, et que le travail domestique en est l’une des principales illustrations nécessitant une réglementation claire dans la législation nationale », a affirmé l’association. Selon ses explications, « la majorité des Marocains reconnaissent que le travail domestique effectué par la femme a une grande valeur économique et sociale, et qu’il doit être reconnu comme une véritable contribution aux dépenses familiales ». Aussi, a-t-elle souligné que la contribution financière partagée entre les époux, que ce soit pendant le mariage ou après sa dissolution à travers les enfants, a connu une transformation au cours des trois dernières décennies. « La contribution financière partagée est l’une des principales revendications du mouvement féministe national », a ajouté l’association.

À lire :Maroc : la grande réforme du Code de la famille est lancée

Pour étayer son propos, l’association cite les études et rapports émanant d’institutions consultatives nationales et d’organismes de l’État marocain, qui ont affirmé de manière catégorique la nécessité de prendre en compte la contribution des femmes marocaines aux frais de subsistance de leur famille, notamment en ce qui concerne la valeur économique du travail domestique, et de traduire cela dans la reconnaissance de leurs droits complets et égaux à ceux des hommes ». Il s’agit notamment de l’Enquête nationale sur les liens sociaux au Maroc, menée par l’Institut royal des études stratégiques en 2012, ainsi que l’enquête de terrain sur les changements dans les perceptions, attitudes et pratiques des citoyens, dix ans après la mise en œuvre du Code de la famille, réalisée par l’autorité gouvernementale en charge de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social en 2016 ». Sans oublier « l’étude nationale de terrain menée par la Chambre des représentants sur les valeurs et leur mise en œuvre institutionnelle », ainsi que le rapport annuel « Les femmes marocaines en chiffres pour l’année 2021 », réalisé par le Haut-Commissariat au Plan.

À lire :Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité parfaite hommes femmes ?

« 69,7 % des Marocains estiment qu’il est nécessaire d’obliger l’épouse qui dispose d’un revenu stable à contribuer aux frais de subsistance », un fait établi par une enquête menée par l’autorité gouvernementale en charge de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social en 2016, rappelle l’association féministe, très active à Casablanca. 73 % des Marocains interrogés cette même année par les autorités concernées ont affirmé qu’il est essentiel de reconnaître la valeur économique du travail domestique, car celui-ci ne fait plus partie du rôle naturel de la femme, en raison de sa participation au marché, précise la même étude.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Moudawana (Code de la famille) - Femme marocaine - Abdellatif Ouahbi - Ministère de la Justice et des Libertés - Divorce

Aller plus loin

Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Au Maroc, les femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint pourraient avoir à verser une pension alimentaire (Nafaqa) à ce dernier en cas de divorce, a récemment...

Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité parfaite hommes femmes ?

Le roi Mohammed VI a adressé mardi 26 septembre une Lettre royale au Chef du gouvernement, annonçant une révision approfondie du Code de la famille (Moudawana), près de 20 ans...

Maroc : la réforme du Code de la famille fait toujours jaser

La réforme du Code de la famille a du mal à passer au Maroc. Face aux conservateurs et chefs religieux, le gouvernement n’arrive pas encore à trouver la bonne formule pour...

Un chanteur marocain célèbre son divorce avec un concert

Le rappeur marocain Otmane Aatiq, alias Mister Crazy, continue de faire parler de lui avec son projet de « concert de divorce » à Tanger. Annoncée pour le mois prochain, cette...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : Une vague de racisme contre les mariages mixtes ?

Des activistes marocains se sont insurgés ces derniers jours sur les réseaux sociaux contre le fait que de plus en plus de femmes marocaines se marient avec des personnes originaires des pays d’Afrique subsaharienne. Les défenseurs des droits humains...

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...

Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Au Maroc, les femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint pourraient avoir à verser une pension alimentaire (Nafaqa) à ce dernier en cas de divorce, a récemment affirmé Abdellatif Ouahbi, le ministre de la Justice.

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Dounia Batma attaque, son ex-mari contre-attaque

Le producteur bahreïni Mohamed Al-Turk a répondu aux accusations de complot portées contre lui par son ex-épouse, la chanteuse marocaine Dounia Batma impliquée dans l’affaire « Hamza mon bb ».

Hiba Abouk parle de sa nouvelle relation avec Achraf Hakimi

Après une pause dédiée à l’éducation de ses enfants, l’actrice Hiba Abouk refait surface dans le monde du spectacle. Elle a récemment partagé ses expériences et défis personnels, notamment sa séparation avec le footballeur du PSG, Achraf Hakimi.

Achraf Hakimi sur son divorce : « C’était la chose la plus difficile »

Achraf Hakimi a évoqué pour la première fois son divorce controversé avec l’actrice espagnole Hiba Abouk, mère de ses deux enfants. Le défenseur marocain du Paris Saint-Germain a confessé que cette séparation a été « la chose la plus difficile » qu’il...

Mariage des mineurs au Maroc : des chiffres qui font froid dans le dos

Au Maroc, le chemin vers l’éradication du mariage des mineurs reste encore long et parsemé d’embûches. De quoi inquiéter le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui plaide pour des mesures législatives plus strictes.

Farah El Fassi et Omar Lotfi : le couple star du cinéma marocain divorce

Le couple emblématique du cinéma marocain, Farah El Fassi et Omar Lotfi, a officiellement divorcé. La nouvelle, largement relayée sur les réseaux sociaux, a été confirmée par une source proche de l’actrice.

« Tu mourras dans la douleur » : des féministes marocaines menacées de mort

Au Maroc, plusieurs féministes, dont des journalistes et des artistes, font l’objet d’intimidations et de menaces de mort sur les réseaux sociaux, après avoir appelé à plus d’égalité entre l’homme et la femme dans le cadre de la réforme du Code de la...