Maroc : la réforme du Code de la famille fait toujours jaser

16 mai 2023 - 12h00 - Maroc - Ecrit par : P. A

La réforme du Code de la famille a du mal à passer au Maroc. Face aux conservateurs et chefs religieux, le gouvernement n’arrive pas encore à trouver la bonne formule pour mettre fin aux discriminations envers les femmes en matière de succession, à la polygamie, au mariage des enfants, etc.

L’égalité entre l’homme et la femme en matière successorale est loin d’être une réalité au Maroc. « La société civile a évolué très rapidement et la Moudawana, ou Code de la famille, doit changer et s’adapter. La Constitution de 2011 a établi l’égalité des sexes, mais la législation n’a pas encore été adaptée », a déclaré Amina Khalid, 57 ans, secrétaire générale de l’lnsaf, une association de défense des droits des femmes. Malgré les réformes initiées par Mohammed VI en 2003 et 2004, des discriminations et inégalités subsistent dans le Code de la famille qui « interdit le mariage des mineurs (jusqu’à 18 ans), mais permet aux juges d’autoriser une fille à épouser un homme adulte », dénonce Khalid.

À lire : Réforme du Code de la famille : voici les modifications majeures attendues

En 2022, plus de 20 000 demandes de mariages de mineurs ont été enregistrées au Maroc, dont deux tiers (13 652) ont été autorisées par les magistrats, selon le rapport annuel du parquet général. Dans son discours lors de la Fête du Trône en juillet dernier, le roi Mohammed VI a annoncé une réforme du Code de la famille, réclamée par la société civile depuis plus de dix ans. « C’est un changement nécessaire », soutient Ouafa Hajji, 65 ans, leader de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) à Rabat, appelant à « vrai débat » sur les libertés fondamentales et l’égalité des sexes et à « promouvoir les femmes dans les instances de décision politiques et économiques ».

À lire : Maroc : des personnalités appellent à un Code de la famille plus égalitaire

Avec l’actuel Code, les femmes sont discriminées en matière de droit de succession. Elles sont privées d’une partie ou de la totalité de l’héritage familial. De même, une femme divorcée perd la garde des enfants si elle se remarie. Pourtant, 16,7 % des ménages sont soutenus par des femmes, selon les données 2020 du Haut-commissariat au Plan (HCP). « Si les femmes contribuent à la richesse des familles, elles ont droit à un héritage juste et équitable », tranche Amina Khalid. Pour Nezha Skali, 73 ans, ancienne ministre de la Famille (2007-2011), « il faut réparer la grave injustice que constitue la perte de la garde des enfants pour les femmes divorcées qui se remarient » et « réformer la législation successorale qui est en contradiction avec la Constitution et les conventions internationales ratifiées par le Maroc ».

À lire : Réforme du Code de la famille : Abdelilah Benkirane attaque Abdellatif Ouahbi

Les femmes subissent notamment la tradition du Taasib (lignée masculine), qui les oblige à partager leurs biens avec des oncles ou des cousins, lesquels peuvent les priver totalement de leur patrimoine. Les islamistes du Parti justice et développement (PJD) s’opposent à la révision de la Moudawana qu’ils considèrent comme une menace pour la « stabilité nationale ». « Pour Khadija Rouggany, 47 ans, avocate spécialiste du droit de la famille, « le Maroc est très en retard en termes d’égalité, mais la discrimination à l’égard des femmes, privées de leurs droits, est l’un des pires fardeaux ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Moudawana (Code de la famille) - Parti de la Justice et du Développement (PJD)

Aller plus loin

Code de la famille : « L’ultimatum » du roi Mohammed VI finit aujourd’hui

Le Comité en charge de la réforme du Code de la famille au Maroc devrait déposer cette semaine son rapport au roi Mohammed VI. Les féministes espèrent entra autres la...

Réforme du Code de la famille : voici les modifications majeures attendues

Le roi Mohammed VI a annoncé récemment à la réforme du Code de la famille, près de 20 ans après son adoption, en vue d’instaurer davantage d’égalité entre les hommes et les...

Maroc : plus de droits pour les mères divorcées ?

Au Maroc, la mère divorcée, qui obtient généralement la garde de l’enfant, n’en a pas la tutelle qui revient de droit au père. Les défenseurs des droits des femmes appellent à...

Code de la famille : le roi Mohammed VI doit trancher

Le ministre des Habous et des Affaires Islamiques, Ahmed Toufiq, a présenté ce mardi à Rabat les propositions du Conseil supérieur des oulémas relatives à la révision du Code de...

Ces articles devraient vous intéresser :

Code de la famille : les féministes marocaines face à l’opposition de Benkirane

Le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a vivement critiqué le mouvement féministe qui milite pour l’égalité des sexes dans le cadre de la réforme du Code de la famille, estimant que son combat vise à...

Homosexualité, adultère… au Maroc : la mis en garde d’Abdelilah Benkirane

Le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a vivement critiqué, jeudi, lors du 18ᵉ forum national de la jeunesse de son parti, les récentes déclarations du ministre de la Justice appelant à une...

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.

Le gouvernement marocain accusé de gonfler les chiffres du tourisme

Les députés de l’opposition ont chargé le gouvernement lundi au parlement, lui reprochant notamment d’avoir pris en compte 50 % des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans les 17,4 millions de touristes arrivés dans le royaume en 2024.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Le calvaire des MRE à Casablanca dénoncé par une députée

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) vivent un calvaire lors de la réception des corps de leurs êtres chers, à l’aéroport international Mohammed V de Casablanca. Une députée du Parti de la Justice et du Développement (PJD) interpelle le ministre...

Les confidences d’Abdelilah Benkirane sur le roi Mohammed VI

Le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a récemment confié avoir demandé à plusieurs reprises au roi Mohammed VI de le démettre de ses fonctions de Chef du gouvernement.

Les Marocaines pénalisées en cas de divorce ?

Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.

Jeux de hasard : un débat houleux au Maroc

Des députés ont exprimé leur inquiétude quant à l’imposition d’une taxe sur les jeux de hasard, craignant que cette mesure prévue dans le projet de loi de finances 2025 ne conduise à une légalisation de la pratique de ces jeux chez les mineurs, ainsi...