Scandaleuse exploitation des mosquées pour la campagne

3 septembre 2003 - 11h09 - Maroc - Ecrit par :

Le durcissement des sanctions à l’encontre des fraudes électorales est probablement l’une des plus importantes mesures apportées par la rénovation du code électoral.

L’usage des moyens publics, l’abus de pouvoir et toutes les différentes fraudes : de l’achat des voix aux traficotages multiples, en passant par la violence contre les adversaires, font l’objet des articles allant du 76 au 108.

Les fraudes ont lieu, notamment, pendant la campagne et parmi les plus graves d’entre elles, il y a l’exploitation de la religion, ou des valeurs sacrées de la Nation à des fins électorales.

Ces fraudes flagrantes ont lieu au grand jour avec quelques variantes.

Il y a d’abord cette phrase du préposé à la campagne télévisuelle des intégristes qui a entamé sa bafouille par une "salutation islamique".

Il n’a pas entamé ses phrases toutes faites par le salamoualaykoum rituel et habituel chez les citoyens, mais par les "salutations islamiques".

Un prologue qui sonne comme une provocation, alors que le référentiel religieux ou ethnique ne peut être autorisé pour l’usage partisan et cela a été rappelé solennellement par S.M le Roi, il y a quelques jours à peine.

Plus grave encore que les écarts de langage prémédités des intégristes, il y a encore et toujours cette inqualifiable exploitation des mosquées ou du rôle du prêcheur à des fins électorales.

Plusieurs cas nous sont signalés dans de nombreuses régions du Maroc et cela a même failli tourner à la bataille rangée entre les intégristes et les citoyens, notamment à Fès.

Dans cet incident survenu dans la circonscription des Mérinides, les nervis qui distribuaient les tracts de la formation intégriste, ont agressé verbalement les citoyens qui ne voulaient pas entendre leur propagande.

Mais la gravité de cette exploitation électoraliste de la religion est encore plus grande, quand des imams de mosquées utilisent avec culot, scandaleusement, leur fonction pour faire campagne pour ce qu’un prêcheur intégriste a appelé à Ksar Lakbir le « parti de dieu », contre le « parti de satan », ce dernier se composant bien entendu de tous les partis nationaux à l’exception de la formation intégriste.

Un autre prêcheur, à Mohammédia cette fois-ci, a, lui, carrément entrepris la révision des évènements de ces derniers mois, depuis le 16 mai, en indiquant que tout n’est que mensonges et que les intégristes ne sont pas responsables des attentats qui ont eu lieu à Casablanca.

Ce même prêcheur a tout simplement invité les fidèles scandalisés par son propos et abasourdis à oublier purement et simplement ce qui s’est passé.

En la matière, les fraudeurs utilisent soit cette technique de l’exploitation du lieu de culte, soit leur rôle de prêcheur qui, une fois la prière terminée, ledit prêcheur qui est payé, faut-il le rappeler, par l’Etat, se convertit à la propagande politique, en allant porter la « révélation » intégriste dans les rues et les quartiers parmi les habitants. Il le fait en usant bien entendu des arguments du prêcheur qui connaît les habitants fréquentant la mosquée.

La plupart du temps, ces deux techniques sont combinées, tel que c’est le cas d’un autre prêcheur au quartier Hassania de Mohammédia, après avoir matraqué les fidèles avec sa réclame à la mosquée Assounna, se promène dans les quartiers limitrophes pour promouvoir les candidats intégristes au nom de la religion.

Pourtant, la loi électorale est claire, qui sanctionne, entre autres dans l’article 90, d’une peine « d’emprisonnement d’un à trois mois et d’une amende de 1200 à 5000 dh ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manoeuvres frauduleuses,détourne des suffrages ».

L’article 101 qui prévoit « un à cinq ans de prison et une amende de 50.000 à 100.000 dh "quiconque amène ou tente d’amener un électeur à s’abstenir de voter ou influence ou tente d’influencer son vote par voie de fait, violences ou menaces ".

Tous les articles réglementant les sanctions prévues en cas de fraude évoquent l’usage de moyens illégaux, dont notamment le statut du fraudeur, comme cause des sanctions. Et ces dernières sont souvent durcies quand ceux qui les commettent sont des fonctionnaires ou occupent des fonctions publiques.

Or les prêcheurs disposent des caractéristiques des fonctionnaires publics et de l’autorité, mais aussi des moyens que confère le prêche dans une mosquée. Utiliser ces moyens qui ont et de loin un impact encore plus important que celui d’un agent de collectivité locale, à des fins électoralistes est scandaleux et inacceptable.

Alors les autorités séviront-elles contre ces fraudeurs ? L’autorité de tutelle des mosquées et des prêcheurs entreprendra-t-elle les mesures qui s’imposent ?

Ce sont les questions que se posent nombre de citoyens qui sont scandalisés par les abus que certains prêcheurs commettent pendant l’actuelle campagne électorale.

Libération ( Casablanca )

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