Les Marocains Résidant à l’Etranger mécontents

27 juin 2002 - 22h03 - Maroc - Ecrit par :

“Sommes-nous seulement une vache à lait qui doit se taire et se laisser traire ?”. La question a son importance pour les deux millions et demi de Marocains Résidant à l’Etranger. Ils en veulent aux gouvernements passés qui les ont exclus de la participation à la vie législative de leur pays. Ils en veulent au gouvernement actuel.

Note de bladi.net : Le reporter a publié un mail envoyé par bladi.net

Pourtant, les MRE sont courtisés et les discours vantant leur contribution à l’économie et au développement foisonnent. D’où leur interrogation légitime : Ne sont-ils que des pourvoyeurs de devises ? De fait, à propos de devise, rien que durant les quatre premiers mois de 2002, leurs transferts ont approché les dix milliards de dirhams, augmentant par rapport à ceux de la même période de l’année dernière de près de 45%.

L’augmentation des transferts signifie que les MRE tiennent à leur pays. Dans ce contexte, comment faut-il comprendre le fait qu’ils soient exclus des consultations électorales et que les partis politiques n’en disent mot ? Non seulement un Marocain Résidant à l’Etranger ne peut pas se porter candidat, mais plus encore, il ne peut pas voter. Autrement dit, il n’a pas le droit de participer à la vie politique de son pays ou de sa région. Situation que les MRE vivent mal, et n’arrivent pas à admettre que des citoyens français ou espagnols vivant à l’étranger soient invités à voter loin de chez eux, avec toutes les facilités que cet acte exige.

Côté officiel, on tente d’expliquer cette “ omission ” par le manque de moyens. Cela veut dire que le gouvernement ne peut pas aménager des bureaux de vote dans les pays où résident ses ressortissants. Oter la voie à un citoyen à cause du manque de moyens, ne peut se justifier d’autant plus que les MRE ne sont pas une charge pour l’Etat mais une source de précieuses devises. Question en suspens : Que feront les décideurs politiques ? Sont-ils disposés à accéder aux vœux des citoyens expatriés où attendront-ils que ces derniers constituent leurs propres formations politiques ? C’est plus qu’une simple éventualité. Certains y pensent déjà, comptant sur l’élite et les moyens financiers considérables dont disposent les citoyens marocains expatriés.

La carte interdite

Malgré l’annonce d’un climat politique vertueux, basé sur la liberté, le respect des droits individuels et collectifs, l’exercice de la démocratie et le civisme, cette carte est interdite pour nous Marocains de l’étranger.

Le double langage

D’un côté, le gouvernement nous demande de substituer la confiance à la méfiance et l’espoir à la déprime. De l’autre côté, les prochaines élections qui auront lieu au mois de septembre 2002, seront interdites à une frange importante de la population marocaine. Le gouvernement veut une rupture avec les pratiques du passé et crée une rupture avec une partie non négligeable des citoyens du Maroc.

Deux poids deux mesures

Il y a à peine quelques semaines, les Français résidents au Maroc ont pu librement remplir leur devoir de citoyens en participant aux élections présidentielles de leur pays. Ils ont participé aux deux tours et ont pu exprimer leurs choix politiques.

Par contre, nous, Marocains de l’étranger, en France comme ailleurs, nous sommes pénalisés et, nous n’avons pas les mêmes droits que les Français résidents à l’étranger et plus particulièrement au Maroc. Nous ne pouvons pas faire appel aux mêmes droits civiques comme le stipule la constitution marocaine.

Sommes-nous encore des Marocains ?

La plupart des Marocains résidents à l’étranger se posent pas mal de questions. Sommes-nous des citoyens de seconde zone ?. Sommes-nous seulement une vache laitière qui doit se taire et se laisser traire ? Hier nous avons été "discriminés" par les gouvernements précédents. Aujourd’hui, nous le sommes encore par le gouvernement d’alternance. Demain je crains que ce soit pareil.

Pour payer nous avons un double devoir

Nous payons injustement nos passeports et les timbres fiscaux de tous les actes aux consulats et aux ambassades deux fois plus chers que les Marocains de l’intérieur. Nous payons à la RAM des prix exorbitants et prohibitifs pour les familles marocaines nombreuses. Nous apportons des devises à notre chère patrie qui refuse de nous reconnaître. Nous payons du bakchich 10 mois sur 12.

Maigre consolation

Nous sommes les bienvenus deux mois par an. Quel mal avons-nous commis pour que notre chère patrie ne veuille pas nous reconnaître en tant que citoyens pendant le reste de l’année. Quel crime avons-nous commis pour qu’on nous traite d’une manière humiliante ?

Transparence et crédibilité

Quelle est cette transparence et quelle est cette crédibilité, qui refuse au citoyen marocain de prendre sa place et de participer dans l’édification d’un État de droit libre et démocratique ?. Quel est le but de ce double langage qui veut réconcilier le citoyen avec la politique, en excluant une partie de la population ?.

Pourquoi et de quel droit, l’État marocain, "discrimine" et fait la différence entre ses citoyens ?. Comment peut-on lancer une campagne de sensibilisation pour asseoir le culte des valeurs citoyennes et l’ancrage de la culture démocratique en écartant d’office ceux qu’on va accueillir pendant les deux mois de vacances ?.

Comment peut-on prétendre inviter le citoyen à se faire entendre et à ne pas laisser les autres décider pour lui. Alors Messieurs les gouvernants, qui va décider pour nous ? Qui va nous représenter au Parlement ? Qui va défendre nos intérêts ?

A moins que, pendant les deux mois que nous sommes des Marocains et que nous sommes au Maroc, vous allez nous sonder pour connaître nos besoins, nos griefs et nos doléances. Ensuite, après notre départ, au mois de septembre, vous allez voter et décider pour nous.

Deux ambassadrices de charme

Le 23 mai 2002, dans une salle de réunion du Ministre Bert Anciaux, Nezha Chekrouni déléguée auprès du Ministre des affaires sociales a répondu à la question d’une marocaine présente à cette rencontre concernant le droit de vote des Marocains de l’étranger dans leur pays natal. La réponse était catégorique "Le Maroc n’a pas les moyens pour vous faire participer aux élections qui se dérouleront au Maroc au mois de septembre", fin de citation.

Le 30 mai 2002, à l’Hôtel Sheraton à Bruxelles, la même question a été posée à Madame Zoulikha Nasri, membre du Conseil d’Administration de la Fondation Mohamed V. La réponse était très claire "la campagne de transit et d’accueil des MRE va se dérouler dans de très bonnes conditions. Et, si un policier ou un gendarme vous arrête demandez son numéro et son nom et plaignez-vous auprès de la fondation." fin de citation.

Conclusion

Soyez les bienvenus, apportez vos devises, achetez des maisons et des terres, mettez votre argent dans les banques, consommez beaucoup, faites du tourisme et amusez-vous bien pendant les vacances. Quant aux choses sérieuses, laissez faire laissez aller. Les responsables marocains vont s’occuper de tout le reste.

Nous l’avons dit et redit, nous n’acceptons plus ce paternalisme désuet et cette prise en charge officielle. Nous refusons de donner une procuration à qui que ce soit et nous refusons de donner un chèque en blanc à quiconque. Nous sommes capables de nous prendre en charge. Nous avons assez d’expérience et de "know how" pour défendre nos intérêts et exprimer nos choix politiques.

Les Marocains résidents à l’étranger exigent que le gouvernement marocain mette immédiatement fin à ces pratiques illégales, anti-démocratiques et anticonstitutionnelles. Non, ça suffit.

Le reporter

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