Plus de 2 200 000 Marocains vivent hors des frontières du Royaume. Ils génèrent chaque année plus de 20 milliards de dirhams en transfert de devises, dont plus du tiers pendant les mois de juillet-août, pic traditionnel de retour au pays. Abdesselam Elftouh, directeur du pôle économique de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE) explique les changements structurels de la diaspora observés ces dernières années.
Afrik : Qui sont les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ?
Abdesselam Elftouh : Les estimations font état d’environ 2 200 000 Marocains résidant à l’étranger à travers le monde. La plus grosse communauté est celle de France. Elle constitue la moitié de l’ensemble de nos ressortissants en Europe. Si la France, la Belgique, l’Allemagne et la Hollande constituent les principaux pays de résidence, les actuelles migrations s’effectuent désormais plus vers de nouveaux pays, tels que l’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis, les pays nordiques et surtout les pays du Golfe.
Afrik : Les MRE constituent l’une des plus importantes sources de revenus du pays. S’agit-il de flux financiers stables ?
Abdesselam Elftouh : Les flux généraient 18 milliards de dirhams au début des années 90 et 22 milliards en 2000. Les chiffres 2001 sont anormalement élevés, notamment à cause de l’effet euro, mais d’une manière générale on peut considérer que les transferts de devises atteignent entre 20 et 22 milliards de dirhams. Il s’agit principalement de transferts sur salaires (virement au Maroc d’une partie du salaire perçu dans le pays d’accueil, ndlr).
Afrik : Y a-t-il des pics de transferts pendant l’année ?
Abdesselam Elftouh : 35 à 40 % du total des transferts s’effectuent pendant les mois de juillet-août qui correspondent aux grandes vacances d’été en France et dans les autres pays européens. 1 200 00 MRE avaient fait le déplacement l’année dernière. Cette année, les arrivées sont légèrement inférieures mais le gros des estivants devrait arriver à partir du 15 juillet. Concernant les transferts d’argent, on observe que les flux financiers venant des traditionnels pays d’accueil sont en régression constante depuis une décennie. Contrairement à ceux issus des pays du Golfe ou des Amériques notamment.
Afrik : Quels sont les comportements touristiques des MRE au Maroc ?
Abdesselam Elftouh : On observe là encore une évolution par rapport au plan d’organisation des visites au Maroc. Avant, les MRE allaient essentiellement visiter de la famille dans des endroits les plus reculés pendant toute la durée de leur séjour. Aujourd’hui, avec l’arrivée de la nouvelle génération – qui n’est plus analphabète- les MRE développent une autre vision du pays. Les visites sont de plus en plus à caractère culturel et les flux touristiques s’orientent sur les sites balnéaires.
Afrik : La nouvelle donne suscitée par l’arrivée de la nouvelle génération de MRE ne vous fait-elle pas peur ?
Abdesselam Elftouh : Au contraire. La deuxième génération de MRE joue un rôle de co- développement entre les pays d’accueil et le pays d’origine. Elle construit notre avenir économique dans nos relations avec l’Europe. La seconde génération est un facteur de rapprochement entre le Maroc et l’Occident. Elle génère de plus en plus d’investissements directs dans le Royaume avec des initiatives d’entreprises basées sur des logiques partenariales. Nous avons beaucoup de cadres au chômage ici, autant de personnel qualifié - moins cher qu’en Europe - sur lesquels les entrepreneurs MRE peuvent s’appuyer pour commencer leurs activités au Maroc. Notamment dans le tertiaire et les nouvelles technologies.
Source : afrik.com