’Pauvre’ roi Mohammed VI

4 janvier 2005 - 12h10 - Maroc - Ecrit par :

Vues à l’aune du budget d’épicerie du quidam moyen, les « listes civiles » des rois (le budget annuel attribué aux maisons royales), en Grande-Bretagne, en Belgique ou en Espagne, provoquent toujours des frissons d’indignation. Au Maroc, c’est pareil. Mais en pire, une grande partie de la population y étant immensément pauvre... Et la presse ne s’étant jusque-là pas aventurée à extraire de la loi de finances le coût de la monarchie chérifienne.

C’est désormais chose faite. Dans sa dernière livraison, l’hebdomadaire Tel Quel étale sur dix pages titrées « Le salaire du roi » le budget de la cour ­ 210 millions d’euros par an. « La chose n’a rien de secret », remarque ce journal, en précisant que, depuis 1984, les élus ont accès à un document détaillant le budget alloué aux princes, au protocole ou aux conservateurs des palais. En 1988, les Marocains avaient même appris, au détour d’un discours de Hassan II, que le roi avait un salaire...

Aucun contrôle.

Jusqu’ici pourtant, la presse n’avait pas eu le mauvais goût d’étaler les dépenses royales que le Parlement vote « par consentement tacite », c’est-à-dire en ayant la délicatesse de ne pas les discuter, et encore moins de les contester. Des dépenses qui ne sont contrôlées par aucune institution du royaume, pas même la Cour des comptes. Grâce à Tel Quel, les Marocains savent donc que le salaire du roi est de 36 000 euros mensuels (432 000 annuels), « ce qui reste relativement raisonnable comparé aux hauts salaires des chefs d’entreprises publiques », note le journal. Cette rémunération (dont on ignore si elle est soumise à impôt) s’accompagne toutefois « d’à-côtés budgétaires » de 170 000 euros, qui englobent les pensions versées au roi et à ses frères et soeurs. Le palais, lui, est un gros employeur avec pas moins de 1 100 postes budgétaires (dont 300 permanents au cabinet royal) pour une masse salariale annuelle d’environ 68 millions d’euros. Les rémunérations des conseillers royaux sont alignées sur celles des membres du gouvernement (5 500 euros par mois). S’il est difficile de quantifier le nombre de voitures dont dispose le palais, le « budget dédié au parc automobile ­5,7 millions d’euros par an ­ suggère quelques ordres de grandeur » : il était prévu pour 2004 de commander pour 380 000 euros de « voitures utilitaires ».

Tabou.

Ces chiffres (auxquels on peut ajouter par exemple 2 millions d’euros en dépenses vestimentaires) donneront évidemment le vertige dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 200 euros et où la communication royale a peaufiné à Mohammed VI au début de son règne une image de « roi des pauvres ». Pourtant, la comparaison établie par Tel Quel avec Sa Très Gracieuse Majesté Elizabeth II ­ 13,1 millions d’euros de salaire annuel ­, le roi Juan Carlos ­ 7,22 millions d’euros ­ ou le roi des Belges ­ 6 millions ­ a de quoi embarrasser une cour marocaine fière de ses fastes, en faisant passer son souverain pour le parent pauvre des familles royales ! Sauf à connaître l’inconnu et le vrai tabou : la fortune personnelle ­ mobilière et foncière, au Maroc et à l’étranger ­ de Mohammed VI, comme de ses frères et soeurs. « 4 à 5 milliards de dollars », affirmait il y a quelque temps Forbes, la célèbre revue américaine des affaires.

C’est là en tout cas où s’arrête l’enquête de l’hebdomadaire. Et où commence la rumeur. On apprendra cependant à la lecture de ce journal indépendant que l’arrivée d’un « nouveau gérant de la maison alaouite », Mounir Majidi, vise à rationaliser les finances royales. Secrétaire particulier de Mohammed VI, cet homme d’affaires, qui gère aussi les avoirs royaux, a centralisé les opérations de règlements des factures des conservateurs des palais. Et, pour l’exemple, il a pris pour première cible le colonel Mustapha Hilali, gestionnaire du palais d’Agadir. Majidi, affirme l’hebdomadaire, a procédé à « quelques aménagements dans la structure de la dépense en interdisant notamment à la suite du roi d’abuser des frais de déplacement ».

« Les changements sont appréciables, résume Tel Quel, mais ne peuvent constituer un véritable tournant dans la gestion des palais. » Encore moins percer les secrets d’une fortune personnelle qui engendre tous les fantasmes.

José GARÇON - Libération

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