« Vision 2015 a été élaborée par tous les acteurs du secteur. Aujourd’hui, nous avons procédé à une réécriture de la stratégie pour qu’elle soit plus lisible dans la perspective de parvenir à des engagements de tous les acteurs pour réaliser ces objectifs », explique-t-il.
Plus concrètement, et en chiffres, cette stratégie vise à augmenter le chiffre d’affaires de l’artisanat à 24 milliards de dh alors qu’il est actuellement d’un peu plus de 10 milliards. A l’horizon 2015, il s’agit également de multiplier par 10 les exportations, en passant de 700 millions de dh à 7 milliards de dh et enfin de susciter la création de 115.000 emplois.
Plus proche dans le temps et ce quinquennat, trois grands objectifs essentiels ont été identifiés par Anas Birou et ses équipes. D’abord, l’animation et la dynamisation du secteur de l’artisanat. Le deuxième objectif s’attache à combler le vide juridique qui caractérise le monde de l’artisanat à travers l’organisation des métiers ou encore la réforme des chambres professionnelles. Le troisième objectif qui tient particulièrement à coeur à Anas Birou réside dans le volet social. « Nous travaillons pour ces artisans. Je suis ici pour servir le secteur. Nous voulons que les artisans marocains travaillent dans des conditions correctes, qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes pour que se réalisent de manière directe ou indirecte les autres objectifs de la stratégie », confie ce militant du Rassemblement National des Indépendants.
Depuis son installation à la tête de ce département, A. Birou a entrepris de lancer plusieurs chantiers. D’abord celui de l’animation et la dynamisation du secteur de l’artisanat, « une source de richesses pour le Maroc, au même titre que l’agriculture et la pêche ». Cela passe d’abord par l’amélioration du processus de production. « Il s’agit de revoir la chaîne de production et surtout l’augmenter, la seule manière de faire face à une demande et ce en quantité et en qualité ». Le responsable gouvernemental fait le pari de préserver le savoir-faire et la créativité dont font preuve les « maalem » tout en les soulageant du travail répétitif comme celui de la confection d’une babouche. « Ce qui fait la particularité de l’artisanat marocain, c’est justement la touche artistique de l’artisan ».
La question de la commercialisation des produits d’artisanat est au coeur de la stratégie du successeur de Adil Douiri. Le constat a été vite dressé : les artisans ne tirent pas profit de ce qu’ils créent et produisent parce que les circuits de commercialisation font cruellement défaut. « En général ce sont d’autres qui profitent de leur travail. C’est pourquoi nous voulons rapprocher ces espaces de vente des artisans ». Pour ce faire, de tels espaces vont se voir multipliés et, surtout, mieux organisés. Il s’agira de permettre l’accès des artisans aux complexes de l’artisanat dont le mode de fonctionnement va être revu. Davantage de foires vont être organisées tant au niveau local, provincial que régional. Birou rêve de foires réparties tout au long de l’année. L’homme est un matheux, il a fait ses calculs : « Il existe 24 chambres de l’artisanat. Si chaque chambre organise deux foires par an, sachant qu’une telle manifestation dure environ 10 jours, faites vos comptes ! ».
L’expérience des produits de l’artisanat vendus dans les grandes surfaces sera reprise, améliorée et même exportée. Le département de l’Artisanat et de l’Economie nationale a entamé des pourparlers avec les Galeries Lafayette, à Paris. En mai 2009, cette prestigieuse galerie commerciale exposera à la vente des produits créés par des artisans bien de chez nous. « C’est une opération que nous avons commencée en janvier dernier. La machine est en marche et nous préparons la même chose avec KDV en Allemagne, qui est l’équivalent des Galeries Lafayette, » annonce fièrement le ministre.
Foires, villages d’artisanat, etc, tous les circuits de commercialisation sont explorés y compris le retour aux bonnes vieilles méthodes, comme celle de la « dlala ». « Dlala Abzou » est un projet en cours et vise à ressusciter cette méthode de vente aux enchères à laquelle s’adonnaient les femmes rurales pour vendre leurs produits.
Le label artisanat du Maroc ne vaut rien sans le souci constant de la qualité. Celui qui préside aux destinées de ce secteur y travaille sans relâche, de la certification aux normes. « La bataille de la compétitivité à l’international se joue sur la qualité ». Un programme de normalisation est lancé. Pour Birou, pas question pour l’Etat de jouer aux gendarmes. C’est aux professionnels de s’autoréguler à travers la création de laboratoires privés voués à la qualité et donc la mise en place de ses propres mécanismes de contrôle. « Tous les professionnels ont pris conscience du défi de la qualité. C’est la seule manière pour l’artisanat marocain de s’imposer. Notre département va veiller et accompagne toute cette démarcher »
Un plan d’hygiène et de sécurité a fort heureusement trouvé sa place dans la stratégie mise en place par Birou. Les conditions de travail des artisans sont alarmantes. Les accidents et autres maladies chroniques sont leur lot quotidien. La préservation de la santé de ces hommes au savoir-faire ancestral est désormais un souci majeur du ministre qui a inscrit le volet social du secteur au registre des urgences.
Un projet de loi pour organiser les métiers de l’artisanat
La promotion du produit artisanal ne sera plus l’affaire de quelques « happy few ». A. Birou est catégorique : les salons et expositions organisés à l’étranger ne seront plus l’apanage de quelque 4 ou 5 grandes entreprises et autres « amis de l’ami du cousin de ».
Un projet de loi relatif à l’organisation des métiers de l’artisanat est en préparation. Le responsable gouvernemental forme le souhait de la faire adopter à la prochaine session d’hiver du parlement. « C’est un chantier très difficile et que réclament tous les professionnels. Nous travaillons en concertation avec les chambres. Il est impératif d’arriver à des consensus pour organiser ces métiers. Il y va de l’intérêt tant des artisans eux-mêmes que des consommateurs ». La réforme des chambres de l’artisanat est également à l’ordre du jour. « Plus de responsabilités et plus de ressources pour des chambres plus dynamiques », résume notre interlocuteur.
Un artisanat citoyen et équitable, telle semble être la feuille de route de Birou. Le ministre de l’Artisanat se donne cinq ans pour que ce secteur ne fasse pas travailler les enfants, respecte l’environnement et pour que les artisans puissent profiter de manière équitable d’un savoir-faire transmis au fil des générations.
Source : Libération - Narjis Rerhaye