"Casa" le livre ordurier de François Salvaing

27 novembre 2003 - 19h26 - Culture - Ecrit par :

Tout commence le 8 novembre 1942. Le jour le plus long pour le Maroc. Il s’agit du débarquement américain à Casablanca contre une Résidence politiquement et militairement acquise au gouvernement capitulard de vichy. L’affrontement est sanglant. Les pertes parmi la population civile sont énormes. Les choix politiques sont difficiles. C’est dans ce décor, celui de l’année de tous les dangers, que François Salvaing situe son roman “Casa", chez Stock.

On s’attendait à un vrai roman historique qui restitue une époque avec tout ce qu’elle comprend de grands drames et de petites joies humains, de faits véridiques et de personnages fictifs qui se reconnaîtraient dans leurs actes et dans leurs paroles. Une reconstitution romancée mais suffisamment fidèle à la vérité historique. Un genre littéraire aux titres de noblesse reconnus, un art confirmé, un registre d’écriture qui a ses règles et sa déontologie.

Ce n’est pas cela que François Salvaing nous a livré. Mais alors de très loin. Quand on a les nerfs suffisamment solides pour progresser dans la lecture de ce livre, ce n’est pas qu’il vous tombe entre les mains comme n’importe quelle médiocrité mise en phrase par un écrivaillon de second rang. Ce paquet de pages noircis, vous avez tout simplement envie de cracher dessus, tellement le propos est abject, les mots d’une vulgarité innommable et les faits totalement faux.

Agression

Les héros, aussi fades que lubriques, de Salvaing s’appellent Armand et Agathe. Un couple de pieds noirs comme l’auteur lui-même, natifs des années dix, arrivés au Maroc dans les bagages des premiers colons. On comprend très vite qu’ils font partie de la droite la plus bête et la plus extrême. Le débarquement américain du 8 novembre 1942, c’est pour eux “le début de fin" du monde fasciste, raciste et totalitaire dont ils rêvaient.

C’est leur affaire, me diriez-vous. Sauf que Salvaing, non satisfait de la hargne qu’il prête à ses personnages, met lui-même la main à la pâte. Le roman à l’eau d’égout devient ouvertement auto-biographique, avec un “on" qui fait fonction de “je".

Il brosse un portrait de feu Mohammed V aux antipodes du rôle et de la stature que l’histoire universelle lui reconnaît. “Le Roi des Carrières centrales", personnalité sacrée pour tous les Marocains, est traité de tous les noms ; dans des termes que ni les généraux Guillaume et Juin, maître d’œuvres de la déposition de Mohammed V en août 1953 ni le préfet Boniface, grand ordonnateur de la répression anti-nationaliste de 1953 à 1955, n’ont jamais osé utiliser.

On peut à la limite comprendre la haine de Salvaing contre un Roi qui, en refusant les mesures antisémites que lui proposait Noguès, le Résident vichyste, s’est immédiatement rangé du côté des forces de la liberté et de la dignité humaine. De même que l’on connaît les sentiments des colons de “Présence française", viscéralement à contre courant du mouvement de l’histoire. Ce que l’on ne peut pas intégrer, parce que inadmissible, ce sont les qualificatifs que Salvaing affuble à un symbole de l’aspiration à l’émancipation de tout un peuple. Le livre de Salvaing, en vente libre au Maroc, est une insulte à notre mémoire et à notre histoire.

C’est aussi une agression posthume, perfide et inqualifiable, contre tous les martyrs de la lutte pour l’indépendance. En gros et dans le détail, Salvaing est un sale type.

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