Marocains de l’étranger : "votre argent nous intéresse "

8 décembre 2003 - 16h21 - Economie - Ecrit par :

Alors que les temps sont au « hrigue », Abdelkrim Belgendouz parle, lui, de maintien des attaches culturelles et institutionnelles des MRE avec leur pays d’origine.

On a tellement parlé de l’immigration clandestine, que les immigrés marocains régulièrement installés un peu partout dans le monde ont été quelque peu oubliés. Abdelkrim Belguendouz, professeur à l’université Mohammed V, en a fait une spécialité depuis des décennies. Il revient sur le sujet dans un livre intitulé « Marocains des ailleurs et Marocains de l’intérieur ».

D’emblée, M. Belguendouz résume l’objet de son écrit et engage le débat : quelles représentations institutionnelles au Maroc, pour les Marocains vivant hors des frontières nationales ? Lors des élections législatives du 27 septembre 2002, la question avait été un motif de polémique politique et de rhétorique entre constitutionnalistes. Un recours avait même été déposée à l’intention du Premier ministre de l’époque, Abderrahmane Youssoufi . Recours que la chambre administrative de la Cour suprême avait jugée “irrecevable”. Un jugement pour le moins discutable, lorsqu’on sait que les MRE ont participé au référendum de 1996 pour l’adoption de cette même constitution qu’on leur a interdit, après, d’invoquer. Mais au-delà de cet aspect juridique, M. Belguendouz pose la problématique du rapport au pays de ces deux millions et demi de Marocains résidents à l’étranger.

Quel enjeu et quel type d’intérêt représentent-ils pour le Maroc ? Le lien le plus apparent, parce que le plus ouvertement véhiculé par les messages audiovisuels, particulièrement en été, est l’appel à visiter le pays et à y investir. Visiblement, l’appel a été entendu, puisque sur les 4,2 millions de touristes en 2002 ; 2,3 millions sont des MRE. Et on compte sérieusement sur eux pour attendre les dix millions de touristes dans le cadre de « Vision 2010 ».

Cette stratégie est légitime et productive, certes. Mais n’est-elle pas réductrice lorsqu’elle transforme les MRE en TMRE (Touristes marocains résidant à l’étranger) ! A. Belguendouz pense que « oui ». Il rappelle un élément fondamental : Conformément à la Constitution et à l’irréversibilité de la nationalité, les MRE sont d’abord des citoyens marocains et non pas des étrangers d’origine marocaine. Partant de là, le législateur et les pouvoirs politiques n’ont d’autre choix que de leur reconnaître le droit de vote et d’éligibilité dans leur pays. En somme, leur tailler une place spécifique dans les institutions représentatives marocaines. C’est vite dit, mais c’est loin d’être facile à mettre en pratique.

TMRE

D’ailleurs, n’avait-on pas évoqué “des difficultés techniques” pour justifier la mise à l’écart des MRE du scrutin du 27 septembre 2002.

Abdelkrim Belguendouz propose la création d’un « conseil national de la communauté marocaine résidant à l’étranger », démocratiquement élu à partir d’un scrutin supervisé par les administrations consulaires du Maroc. L’idée peut paraître séduisante d’autant qu’elle rejoint un fait de droit jusqu’ici inaliénable. Le droit à une citoyenneté marocaine pleine et entière. Mais l’idée peut aussi sembler à contre courant d’une tendance dominante qui va dans le sens de l’intégration des immigrés dans leurs pays de séjour. Une intégration en termes de droits civiques qui devient de plus en plus attractive depuis qu’elle n’est plus confondue avec les velléités d’assimilation culturelle.

M. Belguendouz semble, ainsi, malgré ses appuis juridiques intangibles, ramer àcontre courant. Les temps sont au « hrigue », alors que lui, parle de maintien et d’organisation des attaches culturelles et institutionnelles des MRE avec leur pays d’origine. Il n’en a pas moins le mérite d’essayer de remettre au goût du jour une idée apparement devenue désuette : l’idée d’appartenance à une communauté nationale, à une culture, à un pays.

A. Belguendouz, à travers une étude documentée et solidement argumentée, a le mérite d’engager le débat sur des bases sérieuses, loin de toute frilosité politicienne.

Maroc Hebdo

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Transferts des MRE - Abdelkrim Belguendouz - Immigration - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

MRE : Du changement pour l’opération Marhaba 2024

Contrairement aux années antérieures, l’opération Marhaba marquant le retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au Maroc va démarrer deux jours avant la date habituelle. La coïncidence avec l’Aïd al-Adha oblige.

Mariages mixtes : percée inquiétante du chiisme chez des MRE

Un phénomène particulier se manifeste au sein de la communauté marocaine de Belgique : une augmentation des mariages entre des femmes marocaines et des hommes irakiens chiites, célébrés selon le rite de la Fatiha.

Immobilier au Maroc : ce délai de 30 jours que les propriétaires ne doivent surtout pas oublier

Pour de nombreux Marocains résidant à l’étranger, l’acquisition d’un bien immobilier au pays est un projet de vie, une manière de garder un pied sur sa terre d’origine. Mais ce rêve peut rapidement tourner au vinaigre à cause d’une formalité...

La CTM rachète Africa Morocco Link

Le groupe d’Othman Benjelloun, O Capital Group, redistribue les cartes dans le secteur du transport maritime marocain. La Compagnie de Transports au Maroc (CTM) s’empare en effet de la participation majoritaire (51 %) d’Africa Morocco Link (AML)...

Importation de devises par les Marocains résidant à l’étranger : Ce qu’il faut savoir

Pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE), l’importation de devises au Maroc nécessite certaines formalités essentielles qu’il faut absolument connaître. Que vous rentriez avec des devises sous forme de billets de banque ou d’instruments...

Tourisme au Maroc : une saison estivale en demi-teinte

À l’heure où les Marocains résidant à l’étranger (MRE) retournent dans leurs pays d’accueil, les familles marocaines rejoignent leurs villes de résidence, pour préparer la rentrée scolaire de leurs enfants, les professionnels du tourisme font le bilan...

Marocains de l’étranger : des transferts d’argent records

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont envoyé 91,52 milliards de dirhams (MMDH) au Maroc entre janvier et septembre 2024.

Le gouvernement marocain accusé de gonfler les chiffres du tourisme

Les députés de l’opposition ont chargé le gouvernement lundi au parlement, lui reprochant notamment d’avoir pris en compte 50 % des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans les 17,4 millions de touristes arrivés dans le royaume en 2024.

Accord entre le Maroc et la France sur les transferts des MRE

Le Maroc a trouvé une alternative pour diminuer l’impact de la directive européenne encadrant la présence des banques étrangères sur le sol de l’Union européenne (UE) sur les flux des transferts des MRE.