Au Maroc, la construction connaît une embellie qui n’est pas près de s’arrêter. Les perspectives sont certes globalement positives, mais le secteur reste confronté à des défis majeurs.
Ce fut le wali qui lança le débat sur l’avenir de Casablanca en invitant ses habitants à choisir entre Calcutta et Barcelone, alors qu’on attendait les élus à ce propos... A croire que les responsables locaux des 27 communes et de la Communauté urbaine sont aux abonnés absents !
En effet, le bilan négatif dressé par le wali lors de ses visites universitaires a de quoi rendre muets les plus bavards d’entre eux. Chez nous, le ridicule ne tue pas : les élus sortants seront les futurs candidats-élus, quelles que soient les critiques qu’ils auront essuyées !
Aux “prédateurs”, substantif utilisé par le wali pour désigner une catégorie de gens agissant à Casablanca, “un prédateur est une personne qui détruit plus de richesse qu’elle n’en fabrique autour d’elle, pour constituer sa propre fortune”, il faut opposer le développement durable dont le but aujourd’hui est d’éviter le pire en préservant l’avenir.
Casablanca doit, dans le cadre de la réforme prochaine de sa structure administrative (unité de la ville), présenter un projet qui réponde aux besoins de sa population : un habitat salubre, des transports collectifs suffisants et de qualité, des espaces sportifs et culturels, un environnement préservé et un urbanisme maîtrisé et convivial... sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres attentes.
Casablanca, pour qu’elle ne soit pas une ville “jetable” entre les mains des “prédateurs”, doit d’abord tendre vers une agglomération qui limite son emprise territoriale alors qu’on chuchote que son périmètre urbain va connaître une nouvelle extension ! Le décret de 1971 avait déjà fixé ces limites et on continue de voir naître des extensions “officieuses” à sa périphérie.
Le quartier Nassim à Lissasfa en est un exemple frappant, qui présente une caractéristique unique en matière d’urbanisme :
L’hybridité de sa vocation, car en fait, il est à la fois rural (un étranger ne peut être propriétaire) et urbain (quartier intégré dans le périmètre de la ville !)
Ces extensions périphériques, calquées toujours sur le même modèle d’habitat populaire reflètent une sorte d’architecture “totalitaire”. Les urbanistes doivent se rappeler que la ville a une histoire et qu’elle est le fruit d’une histoire. Une ville comme Casablanca a plutôt besoin d’un processus de création global qu’un espace cartographique divisé en zones, toujours changeant selon les circonstances et la direction du vent.
D’ailleurs, le Maroc, par sa participation aux sommets sur l’environnement à Rio et sur le développement durable à Johannesburg, s’est engagé à appliquer l’agenda 21, c’est-à-dire un calendrier de résolutions favorisant le développement durable. Un des points importants de celui-ci est de réduire la consommation des espaces urbains. Comment ? par des schémas de cohérence et d’organisation territoriale, par la préservation des zones agricoles, par des plans locaux d’urbanisme et par des réserves foncières.
L’extension de l’agglomération casablancaise, accompagnée d’un accroissement d’une population souvent précaire, orienterait la ville vers une destination indienne (Calcutta), dont les conséquences ne sont pas mesurables. Effectivement, plus les revenus des ménages sont bas, et plus ils ont des comportements nocifs pour le maintien d’un cadre de vie convenable à la population et à l’environnement (exemple des bidonvilles et des quartiers périphériques dépourvus de toute infrastructure).
L’urbanisation galopante qu’a connue Casablanca ces dernières décennies a fait exploser ses besoins en eau potable, en énergie, en transport collectif et en réseau d’assainissement, à tel point que même des quartiers très chics où réside une certaine élite casablancaise (Californie) ne sont pas encore branchés à l’égoutsi bien que, bon gré mal gré, celle-ci participe directement à la dégradation de nos nappes phréatiques !
La prochaine équipe municipale devra décidément tenir compte du fait que les Casablancais refusent que la qualité de leur vie, de leur santé, de leur patrimoine naturel et culturel continue à être bradée au profit exclusif de la loi de l’irresponsabilité et de l’incompétence.
Pour casser cet engrenage, il faut opposer à ces forces rapaces, le principe de responsabilité fondé sur la maîtrise de l’espace urbain. Comment peut-on alors aménager l’espace sans faire de la politique ?
En grec “polis”, d’où vient le mot politique, désigne justement l’aménagement des lieux de vie et leur organisation ainsi que l’implication de chaque individu pour le bon fonctionnement de la collectivité. Etymologie que les équipes sortantes ont dû ignorer puisqu’elles ne l’ont pas prise en compte et que les futures seront obligées d’aborder pour éviter que Casablanca ne devienne une ville “jetable”. Nous devons réagir pour ne pas laisser notre ville en proie aux “prédateurs”.
Nous espérons pour Casablanca un projet qui limite son emprise territoriale pour qu’elle arrête définitivement de grandir anarchiquement et qu’elle voie renaître son centre historique et que son architecture art déco passée à pertes et profits soit réhabilitée tout comme ses espaces verts que nous voulons voir refleurir...
Un projet qui privilégie un urbanisme de quartier convivial pour un meilleur cadre de vie pour tous !
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