Sur le plan fiscal, on ne peut vraiment pas dire que le projet de loi de Finances 2003 soit un grand cru. Mais selon des sources proches du Parlement, plusieurs amendements devraient compléter la mouture actuelle du texte, pour prendre en compte un certain nombre d’attentes du monde économique.
Il se dit également que la version initiale du projet de la loi de Finances était bien plus dotée en mesures fiscales, mais que la plupart d’entre elles auraient été retirées par le nouveau gouvernement.
Pour l’instant, la disposition la plus importante concerne la défiscalisation des intérêts des dépôts à terme effectués dans les banques par des personnes physiques non résidentes, sous réserve que ces fonds proviennent des devises transférées directement et exclusivement par virement de l’étranger, précise la note de présentation de la loi de Finances.
Il s’agit là d’une clarification du régime des dépôts des MRE qui apparaît derrière cette mesure. Jusqu’à présent, seuls les dépôts en devises ou en dirhams convertibles bénéficiaient de l’exemption de la retenue à l’IGR sur les intérêts qu’ils génèrent.
Le gouvernement veut harmoniser le régime fiscal en élargissant l’exonération de l’IGR à tous les dépôts à terme qu’ils soient en devises, en dirhams convertibles ou ordinaires. Il s’agit donc de lever toute équivoque sur un sujet, qui s’est transformé en un véritable casse-tête pour le ministre des Finances. Un contentieux sur le régime fiscal applicable aux dépôts des MRE empoisonne d’ailleurs aujourd’hui les relations entre les banques et l’administration fiscale. Le Trésor réclame des centaines de millions de dirhams aux banques au titre de l’impôt dû sur les intérêts sur les dépôts à terme des MRE. Les redressements fiscaux sont tels que, pour certains établissements, il ne sera pas possible de supporter sans dégâts. Cela s’explique aussi par le fait que les MRE orientent 50% de leur épargne vers les comptes et les bons à échéance fixe, soit près de 25 milliards de dirhams. Selon les estimations officielles, les fonds d’épargne placés dans les banques par les MRE dépasseraient 50 milliards de dirhams.
Pour le groupe Banque Populaire, leader historique sur ce créneau, les milieux financiers parlent d’une somme avoisinant le milliard de dirhams. Mais il n’est pas le seul. Wafabank et la BCM seraient aussi dans le collimateur du Fisc.
Plusieurs mois de tractations avec le ministère des Finances n’ont abouti à aucune solution. Le contentieux reste donc entier même si les choses se sont clarifiées pour l’avenir. Face à ce qu’ils considèrent comme un blocage, les établissements bancaires, qui ont fait l’objet de redressement fiscal, ont revu leur stratégie en accentuant la pression sur l’administration fiscale. Ils ont saisi le Tribunal administratif dans l’espoir que la Justice désavouera le Fisc. Un responsable à la direction générale des Impôts (DGI) confirme l’information. Mais ce n’est pas acquis pour les banques. L’administration fiscale s’en tient à une interprétation stricte de la loi, alors que les banquiers s’appuient sur une tolérance historique, émanation de la volonté politique d’encourager les MRE à renvoyer le maximum des fonds dans leur pays.
A l’évidence, la solution à ce problème ne pourra être que politique. Le gouvernement ne pourra pas laisser pourrir ce contentieux trop longtemps, quitte à envisager une solution qui ne lèse pas le Trésor et ne fragilise les banques concernées. Celles-ci ont toujours assis leur marketing vers les MRE sur l’argument de la non-fiscalisation des dépôts. Depuis des années, personne ne le leur a jamais reproché quoi que soit, y compris le Fisc. Elles se disent surprises par le revirement de l’administration.
La deuxième mesure à caractère fiscal dans le projet de loi de Finances concerne la révision complète de la fiscalité du tabac (voir aussi nos archives sur notre site Internet). Cette réforme accompagne la libéralisation complète le 1er janvier 2005 de ce secteur, dont la cession prochaine du monopole des Tabacs au privé (l’appel d’offres est lancé depuis plusieurs mois) marquera la première étape. Les fabricants et grossistes de tabac seront assujettis à la TVA au taux de 20% avec droit à déduction. La taxe spéciale sur les tabacs, qui alimentait le Fonds spécial de soutien du Maroc au peuple palestinien, sera supprimée mais pour autant, la pression fiscale sur la cigarette ne faiblira pas. En plus de la TVA, cet impôt sera remplacé par la taxe intérieure de consommation (dont la gestion sera confiée à la douane).
L’économiste