Etudiants : La douleur de la séparation

17 septembre 2007 - 17h07 - Maroc - Ecrit par : L.A

Paris Orly, 19h 15, le temps est maussade en ce dimanche 2 septembre 2007. Dans le hall des départs, l’ambiance n’est pas légère non plus. Hormis les sourires de quelques voyageurs qui préfèrent partir en vacances pendant la période des retours pour profiter des tarifs bas des voyagistes et des plages désertes, il est rare de croiser des visages radieux. Les scènes d’adieu sont déchirantes.

Même si la voix du haut-parleur annonce l’embarquement immédiat pour le vol AT 771 à destination de Casablanca, Siham Benkirane ne se décide pas encore à y aller. Elle profite des derniers instants passés avec son enfant. Son fils aîné, Ismail, s’installe à Paris pour y poursuivre des études supérieures en commerce. Pour cette maman-poule, la séparation est très difficile. Surtout qu’elle sait qu’il quitte le cocon familial pour cinq longues années.

Et, rien ne sera plus comme avant. Même s’il revient pour les vacances scolaires, il sera plus préoccupé par les retrouvailles avec ses copains qu’avec ses parents. Mais, le plus dur est de savoir que l’on laisse la chair de sa chair seul face à lui-même. Comment va-t-il se débrouiller au quotidien, lui qui n’a jamais déplacé un verre ? Est-ce qu’il saura cuisiner ? Est-ce qu’il saura repasser ? Se couvrira-t-il assez ? Et,s’il prend froid ? Une multitude de questions se bousculent dans la tête de cette mère inconsolable.

Au dernier appel, Siham Benkirane se résigne à se détacher des bras de son enfant pour se diriger péniblement vers le poste de la police des frontières. Entre deux sanglots, elle lui donne, affectueusement, ses dernières instructions, sans oublier l’objectif de son séjour à Paris. « Tu es là pour étudier. Et, non pas pour t’amuser. Seul ton diplôme doit être ton leitmotiv. » Si elle s’entendait, Siham Benkirane aurait tout plaqué pour rester avec son aîné. Mais la raison l’emporte. La rentrée scolaire de son benjamin, Jade, est dans trois jours. Le 5 septembre 2007, il entre au collège en cinquième. Dans six ans, elle revivra la même scène avec son petit. Juste à cette idée, elle se remet à pleurer.

Sa seule consolation, c’est qu’elle sait que son Ismaël est bien installé.
Comme la majorité des parents des étudiants marocains en France, ils sont 30.000 à suivre une formation supérieure à l’Hexagone, Siham Benkirane a préparé le départ de son enfant en France des mois à l’avance.

Après le désagrément des attentes des réponses des admissions dans les universités et les écoles françaises et les tracas administratifs des demandes de visa long séjour, la question du logement est la première à se poser pour un étudiant marocain en France. Et, c’est aussi la plus épineuse. La crise du logement en région parisienne ne date pas d’hier.

Tout le monde sait qu’il faut se réveiller très tôt pour avoir une chambre dans un campus universitaire ou une maison d’étudiants. Par manque de place, les listes d’attentes ne font que s’allonger. Le moyen le plus sûr de trouver un toit à Paris ou en région parisienne est d’arpenter les rues, multiplier les contacts avec les agences immobilières et de répondre à toutes les annonces de location. Comme les parents cherchent plus le confort de leurs enfants, ils veulent de préférence que leur lieu d’habitation soit à quelques minutes de marche de leur école ou de leur université. Au pire des cas, à côté d’une station métro ou RER. Ce qui complique encore plus la recherche du loyer. Car, souvent, les propriétaires des appartements à proximité des grands lycées ou écoles parisiennes ou encore des universités, exigent des prix exorbitants.

Sans parler des conditions de location. Le garant est très important. C’est vers lui que se tourne le propriétaire en cas de non-règlement du loyer. Il vaut mieux que le garant soit un résident en France avec un salaire confortable pour être sûr de signer un contrat de bail. Conscient de ce handicap, le Crédit du Maroc a lancé un produit, « Ribate Dirassa », qui offre aux étudiants marocains en France, entre autres, une caution de logement. Les mensualités des loyers des studios varient, elles, entre 600 et 800 euros en plein centre de Paris. Par exemple, un studio constitué d’une chambre à coucher, une kitchenette et une salle d’eau, située rue La Roquette, du côté de la place de la Bastille, coûte 650 euros. Plus on va vers la banlieue, et plus les prix baissent. À Créteil, par exemple, le même type de studio est accessible à 500 euros.

La question du logement réglée, voilà que les soucis de l’installation commencent. En général, ça prend une semaine pour régler la question de l’eau, l’électricité et le gaz. Le téléphone et l’accès à Internet ne sont pas un luxe, mais une nécessité. Ces charges fixes coûtent en moyenne 70 euros par mois. Pour l’ameublement, les meubles en Kit facilitent la vie. Mais le hic, c’est la livraison. Nadia Zerktouni, mère d’un étudiant en première année en classe préparatoire, raconte ses déboires au magasin Conforama, une chaîne de magasins d’ameublement. « Si le bureau revient à 45 euros, pour la livraison, il faut compter 89 euros. Le prix de la livraison est calculé au mètre cube. » Pour meubler le studio de son fils, installé à Saint-Maur des Fossés, en région parisienne, elle a déboursé 2.500 euros pour l’achat d’un lit, un clic-clac (canapé-lit), un bureau, un réfrigérateur, une cuisinière et une table de télévision. Ce sont les frais de livraison qui sont les plus élevés. Les débrouillards louent une camionnette ou prennent des livreurs clandestins postés devant les portes de Conforama ou Ikea.

Concernant la literie et les ustensiles de cuisine, achetés dans les grandes surfaces telle que Carrefour, le budget peut atteindre 600 euros juste pour le strict minimum.

Les vêtements chauds sont aussi un investissement auquel les parents pensent. Un blouson en cuir rembourré acquis de l’ancienne Médina de Casablanca à 2.000 dirhams peut faire l’affaire. Sans parler des chaussures montantes solides, des grosses chaussettes et des sous-vêtements en coton pour tenir chaud pendant les froids et pluvieux hivers français.

Même si les parents achètent tout le nécessaire pour leur progéniture, ils ont toujours l’impression d’avoir oublié quelque chose. Le fer à repasser peut-être. Parce que, s’il y a les laveries publiques pour le linge sale, il faut repasser ses vêtements froissés par le séchage à la machine. Et, enfin, les parents aimeraient bien engager une femme de ménage pour leurs enfants laissés seuls dans la jungle parisienne. Malheureusement, son salaire en France équivaut celui d’un cadre supérieur au Maroc.

Au total, l’installation d’un étudiant marocain en France coûte environ 4.000 euros, soit 44.000 dirhams. Et , chaque mois, les parents doivent dépenser en moyenne 750 euros par mois pour le loyer et les charges fixes. Le transport, lui, est de 500 euros par an, le prix d’une carte Navigo. Sans oublier les frais divers mensuels qui peuvent atteindre jusqu’à 600 euros.

Malgré le coût élevé des études supérieures en France, les parents ne rechignent pas à envoyer leurs enfants à l’Hexagone, pourvu juste qu’ils soient admis dans l’une de ses écoles. Car, c’est le moyen le plus sûr d’accéder à la réussite professionnelle au Maroc. C’est pourquoi Siham Benkirane a accepté une deuxième fois de couper le cordon.

Maroc Hebdo - Loubna Bernichi

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