FIFM : Le Maroc droit dans les yeux

13 décembre 2007 - 01h48 - Culture - Ecrit par : L.A

Plus de cinéma, 110 films projetés durant toute une semaine, plus de salles de projection, sept au total, et moins de paillettes, le Festival international du film de Marrakech prend de la bouteille et de l’ampleur. A mi-parcours, la septième édition, ouverte vendredi dernier par Leonardo DiCaprio et Martin Scorsese, a déjà réussi à se démarquer des précédentes. « C’est la première fois où l’on sent que les gens de Marrakech se sont approprié le festival et qu’ils se sentent concernés », remarque Tayeb Houdaïfa, journaliste marocain et critique de cinéma. Comparé au glamour élitiste des premières années où le principal enjeu consistait à faire venir au Maroc un maximum de people, le festival a aussi gagné en profondeur.

Symbolique. En témoigne la qualité de la sélection des films en compétition - 14 films d’auteurs venus d’Asie, d’Afrique ou d’Europe de l’Est - et la série d’hommages dont celui rendu lundi soir au réalisateur japonais arty Shinji Aoyama, applaudi par une salle comble. Au grand soulagement de Bruno Barde, directeur artistique du festival, qui confiait la veille sa crainte de projeter le dernier long métrage du cinéaste,Sad Vacation, devant une salle vide. « Depuis deux ans, la fréquentation du festival a augmenté, mais il est encore difficile d’attirer un grand nombre de spectateurs vers un cinéma plus pointu. »

Dans les cinq principaux cinémas de la ville qui, pour un ticket à 1 euro, reprennent une grande partie des films projetés au Palais des congrès, réservé, lui, aux happy few accrédités, ce ne sont en effet pas les films d’auteurs qui drainent le public, mais la rétrospective des films égyptiens dont le festival fête cette année les cent ans.

Décriés régulièrement pour le peu de visibilité accordée à la production nationale, les organisateurs du festival ont programmé cette année un « Panorama du cinéma marocain », soit 14 films, tous produits en 2007. Reflet symbolique d’un cinéma encore trop immature, et dont la principale audace tient aux thématiques abordées. Présenté samedi, Où vas-tu Moshé ? du réalisateur Hassan Benjelloun n’échappe pas à la règle. Le long métrage traite avec plein d’émotion, et tout autant de maladresses, de la délicate question du départ massif des Juifs marocains au lendemain de l’indépendance. Le film ouvre une page de l’histoire marocaine jusque-là oubliée des manuels scolaires et n’évite aucun tabou.

Riche. Même chose pour les Jardins de Samira, de Latif Lahlou, seul film marocain à être présenté dans le cadre de la compétition, qui met en scène un mari impuissant et une épouse pleine de vie rongée par ses désirs inassouvis. Les dialogues crus, parfois même improbables, et une scène de masturbation, qui fera d’ailleurs refuser le rôle à sept actrices, n’ont pas empêché, dimanche, le public d’entrecouper la séance d’applaudissements.

En 2007, avec 18 longs métrages et une trentaine de courts, la production cinématographique marocaine n’aura jamais été aussi riche. Du moins en quantité. Violence politique, sexe, corruption, les réalisateurs marocains portent à l’écran des sujets de société plus qu’ils ne font réellement du cinéma. Au grand dam des critiques, mais au bonheur du public. « Avec tous ces défauts, le cinéma marocain a tout de même permis cette année le retour du public dans les salles », constate, chiffre à l’appui, Noureddine Sail, président du Centre national cinématographique marocain et codirecteur du festival. Cette année, au box-office, les Anges de Satan, histoire inspirée d’un fait divers où de jeunes rockers se sont vus accusés de satanisme, détrône Harry Potter et Spider-Man 3.

Agonie. Mais la performance masque aussi une autre réalité. Sur les étals des marchés ambulants, où s’alignent en masse pour moins de 1 euro les versions piratées des dernières sorties américaines avant même leur sortie française, les films marocains sont introuvables par peur des représailles d’auteurs présents pour se défendre. De quoi redonner le goût des salles obscures ou presque. Les leaders du box-office marocains font aujourd’hui 100 000 entrées quand en 1998 Femmes Femmes, du réalisateur Saad Chraïbi, attirait 600 000 spectateurs. On comptait 250 salles dans le pays il y a dix ans, elles ne seraient désormais plus qu’une soixantaine. Objet d’une grosse polémique entre les exploitants de salle de cinéma et le président du Centre national cinématographique accusé de ne rien faire, l’agonie des salles de cinéma marocaines est loin des préoccupations du festival. Aujourd’hui, Marrakech s’apprête à recevoir sur le tapis rouge du Palais des congrès les grandes stars du cinéma égyptien. Le festival se clôt samedi.

Libération.fr - Nadia Hachimi Alaoui

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Marrakech - Cinéma - Festival - Festival International du Film de Marrakech

Ces articles devraient vous intéresser :

Booder : « cet enfant ne passera pas l’hiver »

L’humoriste franco-marocain Booder dont le troisième épisode de sa série Le Nounou est actuellement diffusé sur TF1 se confie sur son début de vie pas facile.

Maroc : coup de gueule des chanteurs

Bon nombre de chanteurs marocains ont exprimé leur colère contre l’exclusion et la marginalisation dont ils se disent victimes. Concerts et festivals sont organisés cet été sans qu’ils soient invités.

Riyad : Les disputes entre chanteurs marocains gâchent la soirée

Petite guéguerre entre artistes marocains lors du Festival de Riyad, le plus grand festival de musique du Moyen-Orient. Alors que certains n’ont pas apprécié l’ordre de passage sur scène établi par les organisateurs, d’autres ont passé plus de temps...

Le festival Mawazine met Angham et Ahlam dans l’embarras

Un incident a marqué l’ouverture du festival Mawazine à Rabat. La chanteuse égyptienne Angham a été victime d’une confusion de noms lors d’une interview avec une journaliste, qui l’a appelée par le nom de la chanteuse émiratie Ahlam.

Des artistes marocains crient à l’injustice

L’artiste Chaimae Abdelaziz a dénoncé la politique d’exclusion des festivals et soirées culturelles dont elle se dit victime, appelant le ministre de la Culture, Mehdi Bensaid, à mettre fin à cette discrimination subie par de nombreux artistes.

"Terminal" : Jamel Debbouze et Ramzy Bedia réunis 25 ans après "H"

Canal+ a dévoilé la date de sortie de « Terminal – Bienvenue à l’aéroport », la sitcom produite, écrite, réalisée et interprétée par Jamel Debbouze. Une nouvelle collaboration entre la chaîne cryptée et l’humoriste franco-marocain 25 ans après la série...

Cible de critiques, Saïda Charaf répond

Critiquée par certains de ses pairs pour sa participation régulière à la plupart des événements artistiques et festivals d’été, la chanteuse Saïda Charaf a déclaré qu’elle jouit de sa notoriété et du fruit de ses efforts.

Du rififi chez les chanteurs marocains

Dans une story sur son compte Instagram, l’artiste Hajar Adnane a affirmé ne pas être à l’origine de l’information selon laquelle certains artistes, dont Saida Charaf, « paieraient des intermédiaires pour pouvoir participer » à des festivals.

Décès de Bourhim Outfnout, figure majeure de la culture amazighe marocaine

Deuil dans le monde artistique marocain. L’artiste amazigh Bourhim Outfnout, de son vrai nom Abderrahmane Bourhim, est décédé à l’âge de 87 ans.

Spider-Man bientôt au Maroc ? Le prochain film pourrait y être tourné

Des informations font état du tournage d’une partie du prochain volet du film « Spider-Man » au Maroc.