Au Maroc, un français condamné pour trafic de stupéfiants, en grève de la faim

3 janvier 2008 - 19h49 - France - Ecrit par : L.A

Il n’y a jamais de silence dans ce coin de Mohammedia. Les hauteurs de cette cité marocaine proche de Casablanca, où se dresse la prison décrépite, retentissent des cris des détenus, couverts par d’incessants aboiements. Christophe Curutchet, lui, n’entend plus rien. "Comment je suis arrivé là ?" ressasse ce Français de 36 ans. Depuis deux semaines, il est en grève de la faim. "Même si je dois sortir d’ici les pieds devant, j’en sortirai", nous lance-t-il, lorsque nous l’avons rencontré en prison.

La justice marocaine lui reproche d’être un narcotrafiquant. Le tribunal correctionnel de Tanger l’a condamné, le 28 décembre 2006, à dix ans de prison. En appel, le 18 avril 2007, sa peine a été ramenée à huit ans.

Sa vie s’est arrêtée, comme il le dit, le 16 septembre 2006. Christophe Curutchet est alors directeur de la société de transport international, STE Méditerranée, basée à "Casa". Ce jour-là, son entreprise affrète un camion de 36 tonnes pour Chantelle, marque de lingerie féminine, qui fabrique des produits au royaume. Quarante-deux palettes sont chargées auprès de deux sous-traitants. La marchandise doit être acheminée en France.

Au port de Tanger, le camion est passé au scanner. Les douanes découvrent deux palettes non déclarées. A l’intérieur, 1,4 tonne de haschisch. M. Curutchet se rend dès le lendemain à la police de Tanger pour une déposition. Après une nuit au poste, un juge d’instruction le met en examen pour "détention, trafic, transport et complicité de tentative d’exportation de marchandises prohibées". Il nie les faits mais est écroué à la prison de Tanger.

"En sa qualité de directeur"

Pour le tribunal, Christophe Curutchet, en tant que directeur, était forcément au courant d’un tel chargement de haschisch. De plus, la présence au Maroc de son PDG, Michel Mezerette, la veille de cette saisie, tend à prouver, pour la justice marocaine, que "les intéressés ont procédé à la préparation et à la planification d’exportation des stupéfiants", lit-on dans l’ordonnance de renvoi. Elle souligne aussi que le PDG avait annoncé son intention de vendre la société, qui est "en bonne santé, ce qui suscite de notre part doute et suspicion". Le 16 février 2005, 70 kg de résine cannabis avaient déjà été saisis dans un des camions de STE Méditerranée, mais M. Curutchet avait été mis hors de cause. "Tout cela constitue des présomptions que l’intéressé ne pouvait ignorer l’existence des stupéfiants", peut-on lire dans le jugement de 2006. "Il est en prison en sa seule qualité de directeur. C’est fou !" estime son avocate, Patricia Simo. "Cette affaire fait honte au Maroc, s’emporte son conseil, Mohammed Ziane, bâtonnier de Rabat et ancien ministre des droits de l’homme. Où est donc la présomption d’innocence ? Rien dans ce dossier ne prouve sa culpabilité."

La grève de la faim est, dit-il, son unique moyen pour sensibiliser les autorités marocaines et françaises. "Mon pays m’a abandonné", soupire-t-il. Il s’est pourvu en cassation le 19 avril. La Cour suprême doit prochainement rendre son verdict. Le Français espère un nouveau procès.

Le Monde - Mustapha Kessous

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Drogues - Grève - Procès - Mohammedia - Prison - Mohamed Ziane

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc face à la menace de la « Poufa », la cocaïne des démunis

Le Maroc renforce sa lutte contre la « Poufa », une nouvelle drogue bon marché, connue sous le nom de cocaïne des pauvres », qui a non seulement des répercussions sociales, notamment la séparation des familles et une augmentation des suicides et des...

"Lbouffa" : La cocaïne des pauvres qui inquiète le Maroc

Une nouvelle drogue appelée « Lbouffa » ou « cocaïne des pauvres », détruit les jeunes marocains en silence. Inquiétés par sa propagation rapide, les parents et acteurs de la société civile alertent sur les effets néfastes de cette drogue sur la santé...

Un ancien ministre interdit de quitter le Maroc après ses propos sur le roi Mohammed VI

Les autorités marocaines ont interdit à l’ancien ministre Mohamed Ziane de quitter le royaume, après ses déclarations contre le roi Mohammed VI dont il dénonçait l’absence prolongée.

Boufa, la drogue qui terrifie le Maroc

Le Maroc mène des actions de lutte contre les drogues dont la « Boufa », une nouvelle drogue, « considérée comme l’une des plus dangereuses », qui « envahit certaines zones des villes marocaines, en particulier les quartiers marginaux et défavorisés. »

« L’Escobar du désert » fait tomber Saïd Naciri et Abdenbi Bioui

Plusieurs personnalités connues au Maroc ont été présentées aujourd’hui devant le procureur dans le cadre de liens avec un gros trafiquant de drogue. Parmi ces individus, un président de club de football.

"L’boufa", la nouvelle menace pour la société marocaine

Le Maroc pourrait faire face à une grave crise sanitaire et à une augmentation des incidents de violence et de criminalité, en raison de la propagation rapide de la drogue «  l’boufa  » qui détruit les jeunes marocains en silence.

Pufa, la "cocaïne des pauvres" qui déferle sur le Maroc

Pufa, la « cocaïne des pauvres » s’est installée progressivement dans toutes les régions du Maroc, menaçant la santé et la sécurité des jeunes. Le sujet est arrivé au Parlement.