Hamid Bouchenak : Retour en force avec l’album « Moussem »

26 juin 2004 - 16h29 - Culture - Ecrit par :

Hamid Bouchenak revient sur la scène musicale avec le lancement de son dernier album « Moussem ». Un album dont la sortie est prévue le 10 juillet et qui constitue un véritable tournant, tant sur le plan artistique que professionnel pour l’artiste.

Vous avez marqué toute une génération de Marocains tant par votre voix que pour la qualité de votre travail. Mais vous avez cependant marqué une absence sur la scène marocaine que d’aucuns regrettent. A quoi est due cette absence ?
Mon absence est due à l‘organisation. Il n’y a pas de moyens d’organiser et de donner des concerts dignes de ce nom au Maroc. Ce n’est pas une question de moyens, mais de capacité d’organisation. On a souvent annulé des événements soit pour des raisons techniques, soit tout simplement par absence de « confort » à l’égard de l’artiste. Quand on est sur scène, on est dans notre arène, notre terrain de jeu. Et la moindre des choses, c’est qu’on y soit bien. Même les artistes qui viennent au Maroc remarquent cette absence de moyens et de confort. Le problème c’est que nous disposons de salles, des lieux où des concerts peuvent être donnés et réussis. Nous avons tout sauf de vrais concerts.

Serait-ce la seule raison qui vous ait poussé à vous expatrier ?
C’est en partie pour cela que j’ai dû m’installer en France, depuis 1995. Mais vous savez, l’artiste a surtout besoin d’être respecté. Mais dans notre société, être artiste n’est pas encore considéré comme un métier à part entière. C’est toujours quelque chose de folklorique qui s’arrête à l’amusement dans un cadre familial. J’ai vécu cette situation. Quand j’étais petit, ma grand-mère me disait tout le temps que je devais laisser de côté la musique et le chant pour me consacrer à « un vrai métier », en fabriquant et en vendant quelque chose. Mais je me suis battu pour ma passion. Un certain moment, la question sur l’étape suivante qu’il faut franchir se pose. Créer, donner du plaisir, marquer toute une génération, vendre des albums, mais que faire après ? C’est la où la limite apparaît. On a le choix entre se recycler ailleurs ou végéter et ce contenter du peu que l’on nous offre. La décision de partir en France a émané du fait que je ne sais rien faire à part jouer de la musique et chanter. C’est ma passion. Maintenant, j’essaye de faire honneur à la musique marocaine à l’international.

Vous vous apprêtez à lancer votre nouvel album « Moussem ». Quelle est l’explication du choix du titre ?
Un moussem, c’est par définition un festival, une saison, un rendez-vous pour tout le monde. Un espace, un carrefour où la race, la couleur, la nationalité n’ont pas droit de cité. Quand on y est, on s’adapte. L’album est en lui-même un moussem. J’y reprends des sons des moussems, de la « tbourida » aux musiques propres à chaque région. En écoutant le titre « Moussem », inclus dans l’album du même nom, on se croirait dans un moussem.

Marquant un tournant dans votre carrière, « Moussem » est également au carrefour de la musique marocaine et européenne. Que représente pour vous la musique marocaine ?
Quand on est loin du pays, d’autres sensations et sentiments émergent. On devient particulièrement fier de notre pays, jaloux de ce qu’il recèle comme patrimoine et culture. L’album contient nombre de chansons du patrimoine marocain. Un patrimoine qui est pour moi une source où je imprégne de ma propre identité. C’est mon bagage. Dans « Moussem », j’évoque également certains événements ayant marqué le Maroc ces dernières années, comme le 16 mai 2003, à travers des titres comme « Matqich Bladi ».

Quelle a été votre démarche afin d’éviter les choix faciles comme la fusion pour la fusion, au risque de porter atteinte à la musique marocaine ?
Les gens qui ont du mal à faire fusionner la musique marocaine, c’est surtout pour les influences qu’ils ont subies. On peut très bien être influencé par telle ou telle musique, mais de là à la recréer, c’est une autre paire de manches. C’est ce qui justifie les choix faciles comme les boîtes à musique. Dans la préparation de mon album, surtout le titre « Moussem », j’ai dû plonger pendant plus d’une année et demie dans l’étude du patrimoine marocain et les différents moussems qui ont lieu au pays. A cela s’ajoutent plusieurs voyages que j’ai effectués à travers plusieurs moussems. Je n’ai jamais autant lu de ma vie que lors de la préparation de cet album.

Comment une expérience aussi riche que celle de Hamid Bouchenak peut-elle profiter aux jeunes talents marocains ?
Ce qu’il faut, c’est du professionnalisme. Il faut qu’on se débarrasse de la vision selon laquelle la musique, est juste pour le fun. Ce qui est sûr, c’est que les talents ne manquent pas au Maroc. Etant membre du jury de « Studio 2M », au niveau de Paris, je peux vous dire qu’on avait du mal à choisir les candidats, tellement il y avait de jeunes talentueux et avec de très belles voix. Parfois, l’émission prenait des dimensions beaucoup plus larges que ce qui était prévu initialement. C’est dire qu’il existe une jeunesse talentueuse incroyable. A ces jeunes, je dis qu’ils ont de la chance. Moi, j’ai dû commencer, et à l’âge de cinq ans, dans des fêtes de mariages. Et comme je devais me coucher tôt, je devais passer la nuit là où la fête avait lieu. De cinq ans à neuf ans, j’ai dû dormir dans toutes les maisons où il y avait des mariages dans toute la région. Je me rappelle d’ailleurs qu’un soir, alors que j’étais « sur scène », quelqu’un qui a bu plus d’une bouteille, est venu dans ma direction. Alors que j’étais en train de chanter, le col de ma chemise plein de billets d’argent, et sans piper mot, il m’a donné une gifle tellement puissante que je suis tombé dans les pommes.
Mes frères ont tous réagi et la fête a failli être gâchée. On voulait juste savoir pourquoi. Et le gars de dire que je chantais tellement bien, que j’étais tellement mignon, que je lui plaisais tellement qu’il n’a pu résister à la tentation de me flanquer la gifle de ma vie. c’était ça ma récompense (rires) Mais le seul fait d’avoir un public, m’emplissait de joie. Maintenant, les jeunes ont l’occasion de briller. Moi, tout ce que j’espérais, c’était que quelqu’un se marie.

Ces initiatives sont certes de nature à encourager l’émergence de chanteurs et artistes de qualité. Mais qu’en est-il de l’industrie musicale capable d’accompagner cette émergence ?
Le piratage, les droits d’auteur, être inscrit au bureau. Les jeunes ne savent rien de leurs droits d’artistes. C’est honteux. Tout cela parce qu’il n’existe pas de bonne gestion de la chose artistique au Maroc. Parce que les jeunes ignorent tout de leurs droits. Les éditeurs de musique et les distributeurs sont pour la plupart plus des épiciers qu’autre chose.
Tant qu’on mélange les cassettes avec du « henneh » et de la toilette à bas prix, on ne peut pas s’attendre à une véritable émergence de l’industrie de musique. A mon avis, il faut étudier le marché et baisser les prix. Mais cessons de « vendre les artistes par terre ». Il n’y a qu’à voir ce qui se passe à Derb Ghallef. Plus qu’un centre d’activités informelles, ce marché renseigne à plus d’un égard sur les tendances du marché marocain. Sur ce que veulent les Marocains. Pourquoi ne pas vendre des produits propres, bien faits, mais abordables au même titre que ceux du marché informel ? Pourquoi les gens qui ont de l’argent n’investissent pas ce terrain ? Pourquoi ne pas prendre des licences et adapter le produit final à la réalité du marché marocain ?
Pourquoi ne pas prospecter cette piste, la professionnaliser ? Il ne faut ni en vouloir aux gens qui s’adonnent à cette activité, ni aux clients. C’est à d’autres de faire le nécessaire.

Tarik QATTAB - Aujourd’hui le Maroc

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Musique - Hamid Bouchnak

Ces articles devraient vous intéresser :

Divorce de Tamer Hosny et Bassma Boussil

Basma Boussel, la célèbre styliste et chanteuse marocaine, a annoncé son divorce avec le chanteur égyptien Tamer Hosny. L’annonce a été faite sur le compte Instagram de Boussel, avec un message qui a ému ses fans.

Khtek, rappeuse marocaine, se confie sur sa maladie

Dans une interview, la rappeuse marocaine Khtek, de son vrai nom Houda Abouz, se confie sur sa bipolarité. La musique lui sert de thérapie, mais aussi de canal de sensibilisation.

Qui sont les représentants du Maroc aux AFRIMA 2022 ?

En tout, quatre artistes marocains sont nominés dans plusieurs catégories aux Africa Music Awards (AFRIMA) qui se tiendront du 8 au 11 décembre 2022.

« Unforgettable » de French Montana certifié disque de diamant

Le rappeur américain d’origine marocaine French Montana a décroché un disque de diamant pour “Unforgettable”, sa chanson de 2017 interprétée en duo avec Swae Lee.

Taxe musique et télévision : Les restaurateurs et cafetiers marocains se révoltent

En plein bras de fer avec le Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA), les propriétaires de cafés et restaurants au Maroc ont décidé de porter l’affaire devant la justice. Ils réfutent les demandes de redevance émises par le BMDA, affirmant qu’elles ne...

Ali B : un nouvel abum pour faire oublier ses ennuis judiciaires

Après avoir été éclaboussé par une affaire d’agressions sexuelles sur des candidates de l’émission The Voice of Holland, le rappeur néerlandais d’origine marocaine Ali B préparerait son retour sur la scène musicale. Il serait sur le point de sortir un...

Violences au L’Boulevard : voici les explications du comité d’organisation

Au lendemain des actes de violence et de vandalisme survenus lors du festival L’Boulevard, le comité d’organisation a réagi, expliquant les causes de ce débordement. De nouvelles mesures sécuritaires ont été dévoilées.

Flou autour des circonstances du décès de Cheikha Tsunami

La chanteuse Cheikha Tsunami, grande icône du Chaâbi, s’est éteinte mardi 17 octobre à l’Hôpital militaire de Rabat, à l’âge de 45 ans. Les circonstances de son décès restent floues.

Saâd Lamjarred et Ghita El Alaki se marient le 17 novembre au Maroc

Après Paris, le chanteur marocain Saâd Lamjarred et Ghita El Alaki, vont organiser leur mariage au Maroc le 17 novembre prochain. Une cérémonie à laquelle seront conviés sa famille, des fans et amis marocains.

Dounia Batma bientôt célibataire

La chanteuse marocaine très controversée Dounia Batma s’apprête à tourner une page importante de sa vie. Le divorce tant annoncé avec son mari Mohamed Al Turk, ne serait plus qu’une question de jours.