Histoire d’eau au Maroc

18 septembre 2002 - 21h28 - Maroc - Ecrit par :

L’Atlas fait partie de ces régions du monde qui restent encore largement privées d’eau potable. Abandonnés par les services publics, car trop reculés, avec des points d’eau trop chers à entretenir, les douars - divisions administratives rurales en Afrique du Nord - marocains les plus isolés ne sont pas non plus attractifs pour les entreprises privées car trop marginaux.

L’ONG Orphelins sans frontières a choisi de s’y investir.
"Le fait de nous occuper d’enfants ne nous conduisait pas, a priori, à gérer les questions d’eau, mais la question s’est très vite imposée", explique Jacques-Henri Vienot, le directeur. Pourquoi ? Parce qu’en Afrique, la question des orphelins est très souvent intimement liée à celle de l’eau. Au Maroc, la démarche de l’association s’est appuyée sur une étude de la provenance des enfants des rues à Casablanca, "qui a montré que si l’on peut s’occuper d’eux simplement en les nourrissant, on peut aussi le faire en se demandant pourquoi ils sont dans la rue". En l’occurrence, la sécheresse entraîne un exode des villages les plus pauvres vers la ville, et les familles concernées, généralement malades et analphabètes, se concentrent dans des bidonvilles. Une situation qui amène rapidement les enfants à vivre par leurs propres moyens. "Fournir une eau de bonne qualité en amont, au fin fond des montagnes, peut ainsi non seulement freiner cette émigration, mais aussi permettre à ces familles de vivre de façon moins précaire, en les sensibilisant aux questions d’hygiène", précise Jacques-Henri Vienot. D’autant que la question de l’eau rejoint très vite celle de l’alphabétisation.

En effet, les plus vulnérables dans cet exode sont les jeunes filles. Ce sont généralement elles qui, dans les villages, sont chargées de la corvée d’eau, et leurs va-et-vient quotidiens jusqu’à la source la plus proche les privent d’école. "Seules 23 % des filles marocaines sont scolarisées, mais dans les montagnes, il n’y en a pratiquement aucune, explique le directeur d’OSF. Elles migrent donc sans jamais avoir été à l’école. Tout notre combat est de dire : il est impératif qu’elles sachent lire et écrire pour avoir une chance de s’en sortir." A partir de là, l’équation est simple : moins de temps passé à l’approvisionnement, c’est plus de temps pour la scolarisation.

Cette approche globale, qui consiste à remonter à la source d’une chaîne de relations de cause à effet demande au préalable un inventaire et un dépistage des fontaines dans la province, afin de déterminer les lieux d’intervention. Concrètement, cette action comprend l’aménagement de sources et de bornes-fontaines, ainsi que la construction de réservoirs de stockage permettant, notamment, de désinfecter l’eau si nécessaire. OSF veille à ce qu’il y ait une dalle de ciment propre et en pente autour de tout point d’eau, et que les animaux en soient tenus à l’écart afin de stopper la chaîne de contamination.

Mais toute intervention demande au préalable l’adhésion des populations concernées, car un projet ne peut être mené à bien sans la confiance et le soutien des villageois. "Nous nous adaptons complètement à leur culture, nous échangeons beaucoup et nous procédons par petites touches, en fonction de l’intérêt que suscite ce que nous faisons, dit Jacques-Henri Vienot. C’est ainsi que nous avançons, doucement." Ce qui implique une présence à long terme. "En fait, une fois que nous avons établi un contact, nous ne partons jamais ! Simplement, nos réseaux évoluent" Et s’élargissent.

"La prévention nous passionne, car elle peut éviter beaucoup de drames, même si, bien sûr, nous nous occupons des enfants seuls. Les problèmes sont parfois assez simples, mais ils s’enchaînent : intervenons avant qu’il ne soit trop tard", lance le directeur d’OSF. Evidemment, l’association ne peut pas travailler avec tous les villages marocains reculés, "mais parler de nos actions et montrer ce que nous arrivons à faire peut donner envie à d’autres associations de faire la même chose. C’est ainsi que les choses évoluent dans le bon sens."

Un mot sur Johannesburg ? "Très irrespectueusement, je dirais que des sommets comme celui de Johannesburg ne sont faits que pour informer les dirigeants... Et en l’occurrence, il n’est pas sorti grand-chose de cette grand-messe. Ne soyons pas dupes."

Emmanuelle Jardonnet pour lemonde.fr

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Eau - Caritatif - Environnement

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : appel au roi Mohammed VI

Face aux difficultés liées à l’accès d’eau potable, les habitants du douar Ghres Ali, situé dans la réfion de Taounate, appellent le roi Mohammed VI au secours.

Autoroutes du Maroc : un nouveau projet passe mal

Anouar Benazzouz, directeur général de la Société nationale des autoroutes du Maroc, a annoncé le lancement d’un projet de reboisement des abords des autoroutes marocaines.

L’Espagne pourrait perdre des millions de touristes au profit du Maroc

L’adoption par l’Union européenne d’une taxe sur le kérosène afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, porterait un coup dur au secteur du transport aérien européen, alertent les compagnies aériennes qui craignent un transfert des touristes...

Maroc : les hammams traditionnels en péril

La députée Loubna Sghiri, membre du groupe du Progrès et du Socialisme à la Chambre des représentants, alerte sur la précarité au travail qui touche les travailleuses et travailleurs des hammams traditionnels dont le nombre de jours de travail a été...

Maroc : « Marée » de déchets après les iftars sur les plages

Les associations de défense de l’environnement dénoncent le non-respect des règles environnementales par certaines familles qui laissent d’importantes quantités de déchets sur les plages après y avoir rompu le jeûne pendant le mois de Ramadan.

Maroc : appels à interdire la culture de la pastèque

Au Maroc, les défenseurs de l’environnement appellent à l’interdiction totale de la culture de la pastèque, très gourmande en eau.

Maroc : les amateurs de hammams vont être déçus

Face à la pénurie d’eau que connait le Maroc, les autorités ont décidé de prendre une décision choc concernant les hammams.

Restrictions d’eau : voici ce qui attend les Marocains

Face à une crise hydrique majeure imminente, le gouvernement d’Aziz Akhannouch a pris des mesures strictes pour lutter efficacement contre la pénurie d’eau.

Maroc : du changement dans le paiement des factures d’eau et d’électricité

Le gouvernement d’Aziz Akhannouch poursuit le chantier de modernisation des services publics. Le paiement des frais d’eau et d’électricité aura des nouveautés à partir du 1ᵉʳ janvier 2024.

Maroc : le hammam, un plaisir de plus en plus cher

Face à la sécheresse, les autorités marocaines ont décidé de frapper fort. Depuis le mois dernier, les stations de lavage et les bains, traditionnels et modernes, sont contraints de fermer trois jours par semaine. Une décision qui fait grincer des...