Immobilier de luxe : les craintes se confirment

20 mars 2009 - 20h28 - Economie - Ecrit par : L.A

Si une ville comme Casablanca arrive à tirer son épingle du jeu dans une conjoncture de récession économique, il n’en est pas de même pour Marrakech et Tanger qui sont en net manque de clientèle. Les raisons sont multiples. La capitale économique avait misé sur une clientèle locale, ses projets ont répondu à des besoins en résidences principales et ses prix n’ont pas connu la fulgurante ascension observée dans la ville ocre et celle du Détroit...

"Pour le prix d’un appartement sur la Côte d’Azur, vous pouvez vous offrir un petit palais à Marrakech ou Tanger, les plus belles destinations de rêve au Maroc". Ce genre de slogans commerciaux, qui ranimaient par le passé les fantasmes d’une clientèle en quête de rêve, n’ont plus l’effet de jadis.

La bulle a fini par éclater, mettant à l’épreuve ceux qui en vivaient. Ce constat est celui d’un agent immobilier, dont les affaires étaient devenues florissantes avec l’arrivée sur le marché marocain d’une nouvelle clientèle recrutée à l’international. Autres temps, autres circonstances. Aujourd’hui, il se retrouve à « se tourner les pouces » en attendant des jours meilleurs.

Dans le monde entier, la crise économique mondiale s’est abattue en priorité sur des activités dont la croissance était en trompe l’œil. Les faits en attestent. Au Maroc par exemple, en matière d’immobilier, le premier créneau à avoir pâti de la crise est celui dont les fondamentaux n’étaient pas solides, dans le sens où ils dépendaient d’une seule variante qu’est l’acheteur étranger. Une filière s’est constituée à l’intérieur du secteur de l’immobilier. Son business plan, ses produits et ses arguments de vente tournaient tous autour de la présence de cet acquéreur « riche » au compte bancaire bien garni.

« Ce segment est très volatil. C’est pour cela que la plupart des promoteurs n’ont pas mis tous leurs œufs dans le même panier », martèle un opérateur casablancais. En effet, même ceux qui ont investi dans le luxe ont tenu à garder un pied dans le haut de gamme, le moyen standing, voire même dans l’économique assimilé à une valeur sûre. « Certes, dans le luxe, les marges sont plus importantes dans l’absolu, mais le volume n’est pas facile à réaliser, notamment dans une conjoncture difficile. Chose qui ne s’applique pas aux autres segments de l’immobilier où des ventes sont réalisées quelles que soient les circonstances », ajoute la même source.

Cela voudrait-il dire que le très haut de gamme est sur le carreau ? Les avis sont mitigés, mêmes si nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que « dans des villes où les hausses ont atteint des sommets ces dernières années, l’accalmie en termes de transaction est flagrante ».

Marrakech en grande baisse de régime

« Sur la route de l’Ourika, de nombreux promoteurs immobiliers ont fermé leurs bureaux de vente pour des projets pourtant finis et dont les stocks sont intacts », lance d’emblée William Simoncelli, directeur général de l’agence Carré Immobilier. La cause ? « Ils ne veulent relancer la commercialisation qu’une fois le marché rétabli », répond-il. Ont-ils raison d’agir de la sorte ? Le secteur retrouvera-t-il ses performances passées ?

Une chose est sûre. Le marché effectue actuellement une correction obligée sur des prix qui étaient devenus excessifs. « C’est une sorte de retour à la raison », résume Simoncelli. Marrakech ou encore Tanger, devenues toutes les deux terres d’accueil de promoteurs à la recherche de nouveaux marchés d’une part et d’une clientèle étrangère en quête d’exotisme d’autre part, sont en train de marquer une pause. Une assez longue pause dont il est difficile de prévoir la fin.

« C’est un secret de polichinelle que ces deux villes sont les plus touchées, du fait qu’elles ont surtout fait l’objet de projets de résidences secondaires », explique Youssef Iben Mansour, président de la FNPI (Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers). Selon lui, « on ne peut pas émettre d’avis général en parlant du luxe ou du très haut de gamme ». Plus encore. Sa thèse retient qu’il faut nuancer, selon qu’il s’agit de copropriété ou de projets individuels, de résidence principale ou secondaire et enfin s’il est question de haut de gamme ou de très haut de gamme. Autrement dit, ce sont les villas très haut de gamme destinées aux résidences secondaires qui ont été marquées par la crise.

« A Casablanca par exemple, tous les promoteurs sont satisfaits des résultats des premières mises en vente pour des projets de luxe », poursuit-il. Référence faite notamment à la ville verte de Bouskoura où de grands opérateurs comme Addoha, à travers sa nouvelle marque de luxe Prestigia, Palmeraie Développement ou encore la CGI, ont lancé des projets destinés à une clientèle ultra-sélecte. En off, on apprend quand même qu’il y a eu des désistements sur certaines commandes passées, mais « pas en nombre alarmant », précise-t-on. En d’autres termes, Casablanca demeure la ville où l’immobilier de luxe n’a pas connu de récession depuis que l’on a commencé à parler de crise dans le secteur. Les corrections de 20 et 30% enregistrées ailleurs n’y ont pas eu lieu. « Certes, plusieurs immeubles traînent de gros stocks depuis environ un an, mais les prix au m2 n’ont pas été revus, sauf quand le promoteur affichait du luxe alors qu’il ne proposait que du moyen standing », précise Simoncelli.

Standing : le marché impose une correction

A quelque chose malheur est bon. Les moments difficiles par lesquels passe le secteur de la pierre auraient aussi un côté positif. Celui de remettre les pendules à l’heure et de permettre de réguler un marché qui souffre de l’absence d’une normalisation officielle. Aujourd’hui, en matière de standing, n’importe qui peut prétendre n’importe quoi en toute impunité. Des écriteaux accrochés ici et là, énumérant les atouts d’appartements luxueux qui ne le sont pas en réalité, pullulent dans les grandes villes. « La crise a obligé certains promoteurs à être plus honnêtes concernant le standing qu’ils affichent. Le client est devenu plus regardant sur les détails, la qualité et n’accepte plus de payer le moyen standing au prix du haut de gamme. Le cas de la ville ocre est encore une fois édifiant », ajoute le DG de Carré Immobilier.

Résultat : certains promoteurs dans la ville ont fini par baisser leurs prix pour gagner en attractivité. Dans leur majorité, ce sont de petits promoteurs qui ne travaillent pas sur des projets organisés. Les gros opérateurs, quant à eux, attendent que la tempête passe et ne touchent pas à leurs tarifs. « Ils ont autofinancé leurs programmes. Très rares sont ceux qui ont recouru aux crédits bancaires. Et quand bien même ils l’ont fait, c’était dans de petites proportions », précise le président de la FNPI.

Si l’on en croit ces paroles, ceux parmi les acheteurs potentiels qui ne cessent de reporter leur décision en espérant que les promoteurs soient contraints de revoir leur tarification devraient donc peut-être changer d’optique ?

Source : Challenge Hebdo - Nabila Fathi

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