Le Roi veut contrôler l’Islam marocain

30 septembre 2008 - 11h45 - Maroc - Ecrit par : L.A

Ni le lieu ni le moment n’avaient été choisis par hasard. C’est à Tétouan, ville du nord du Maroc, très traditionnelle et marquée par l’intégrisme, que le roi Mohammed VI a choisi d’annoncer, samedi 27 septembre, une réforme du dispositif religieux dans le royaume. Le souverain chérifien a dévoilé ce plan dans les heures qui ont suivi "la Nuit du destin", considérée comme la plus sainte de l’année par les musulmans car elle marque, quelques jours avant la fin du ramadan, la révélation du Coran au prophète Mahomet. Fort de sa fonction de "Commandeur des croyants" (chef suprême des musulmans), Mohammed VI a décidé la mise à niveau des institutions religieuses et un meilleur encadrement des prédicateurs du royaume.

Désormais, chaque province ou préfecture aura son Conseil local des oulémas, (théologiens relevant du ministère des affaires religieuses à Rabat). Leur rôle sera de répondre aux questions de la population et de contrôler les imams des mosquées, de " guider les gens et combattre les allégations mystificatrices colportées par les tenants de l’extrémisme".

La communauté marocaine à l’étranger - essentiellement en France - sera également concernée. En annonçant cette réforme, le souverain marocain "tente d’étendre sa politique de proximité, dont il se prévaut dans d’autres domaines, au champ religieux", souligne Mohammed Darif, islamologue et enseignant à l’université Hassan II de Mohammedia. Cette restructuration ne date pas d’hier. Amorcée par le roi Hassan II, qui voulait combattre dans les années 1980 les retombées de la révolution islamique iranienne sur le Maroc, elle se poursuit, par étapes, depuis que Mohammed VI est arrivé sur le trône. En 2004, au lendemain des attentats de Casablanca, les mosquées non autorisées avaient été interdites.

"Il s’agit pour le roi d’être la grande et seule autorité, et d’asseoir le prééminence du rite malékite à travers tout le royaume, pour contrer les autorités religieuses autoproclamées", explique Rachid Benzine, chercheur associé à l’Observatoire du religieux, à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. La reprise en mains annoncée par le souverain marocain intervient au lendemain du tollé provoqué par une fatwa (avis religieux) émise par un théologien du courant salafiste traditionnel qui autorisait le mariage des fillettes dès l’âge de neuf ans (alors que l’âge minimum légal au Maroc est de 18 ans). Cet homme, Mohammed Maghraoui, a été démenti, le 21 septembre, par le Conseil supérieur des oulémas, et son site Internet a été interdit.

Reste que les autorités marocaines sont assez impuissantes face à Internet et aux chaînes de télévision du Golfe, notamment la chaîne religieuse Iqra. Des prêcheurs, tel Amr Khaled qui prône un islam conservateur, connaissent un succès grandissant. "Ils opèrent comme les téléprédicateurs protestants. De la même façon que les chrétiens, les musulmans s’abreuvent à toutes les sources. Eux aussi font leur marché du religieux. Dans ces conditions, rien n’assure que les réponses apportées (par les pouvoirs politiques) aient des chances d’être entendues", souligne le chercheur Rachid Benzine.

Source : Le Monde - Florence Beaugé

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Religion - Mohammed VI - Conseil supérieur des Ouléma pour les MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Aïd Al-Adha 2025 : voici la date prévue au Maroc

L’Aïd Al Adha 2025 est l’une des célébrations les plus importantes pour les musulmans. Quand cette fête religieuse sera-t-elle célébrée cette année ?

Le burkini banni dans plusieurs piscines au Maroc

Au Maroc, l’interdiction du port du burkini à la piscine de certains hôtels empêche les femmes musulmanes de profiter pleinement de leurs vacances d’été. La mesure est jugée discriminatoire et considérée comme une violation du droit des femmes de...

Voici la date de l’aïd al fitr 2025 en France

Débuté le 1ᵉʳ mars dernier, le mois du ramadan touche progressivement à sa fin. Le Conseil théologique musulman de France (CTMF) a annoncé la date de l’Aïd al-Fitr, marquant la fin de la période de jeûne.

Maroc : les discours radicaux dans les mosquées inquiètent

La députée du parti Fédération de la Gauche démocratique, Fatima Tamni, a interpelé le ministre des Habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufiq, au sujet de l’exploitation des tribunes des mosquées pour diffuser des discours radicaux contre les...

Le Front Polisario réagit au discours du roi Mohammed VI

Le Front Polisario a vivement réagi, jeudi, au discours du roi Mohammed VI au sujet du Sahara. Le roi du Maroc avait affirmé que le référendum d’autodétermination pour ce territoire restait une option « inapplicable ». En réponse, le Front Polisario...

France : le port du voile, un frein majeur à l’emploi

Une étude de l’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le Supérieur (Ondes), parue cette semaine, met en évidence un obstacle majeur à l’emploi en France : le port du voile.

Maroc : les pertes liées à l’annulation de l’Aïd estimées à plusieurs milliards

L’annulation par le roi Mohammed VI du rituel du sacrifice de l’Aïd Al-Adha a fait des heureux mais aussi quelques malheureux.

Maroc : des ventes clandestines de moutons malgré l’appel du roi Mohammed VI

À quelques jours de la célébration de l’Aïd al adha, la prolifération anarchique de points de vente saisonniers de moutons dans les faubourgs de Salé pousse les autorités locales à déployer des commissions de contrôle dédiées aux marchés, permanents ou...

Voici les journalistes graciés par le roi Mohammed VI

À l’occasion de la fête du trône célébrée mardi, marquant son intronisation il y a 25 ans, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 2476 personnes. Les journalistes Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleimane Raissouni, ainsi que les activistes Reda...

Maroc : « Marée » de déchets après les iftars sur les plages

Les associations de défense de l’environnement dénoncent le non-respect des règles environnementales par certaines familles qui laissent d’importantes quantités de déchets sur les plages après y avoir rompu le jeûne pendant le mois de Ramadan.