Jeunes : sexe, argent, religion, famille...

18 janvier 2006 - 21h47 - Maroc - Ecrit par : Bladi.net

Depuis 1994, plus de dix ans, il n’y a pas eu d’enquête de terrain sur les jeunes, ce qu’ils pensent, ce qu’ils font et comment ils le font.

Le Haut-Commissariat au Plan a bien tiré des sondages réguliers sur la population un « Cahier » publié en 2005, fort intéressant mais dont le sujet n’était pas exactement le comportement. On attend aussi avec le plus grand intérêt la partie du Rapport du cinquantenaire qui sera consacrée aux valeurs. Il y aura une analyse concernant plus particulièrement les jeunes.

La loi du silence

Mais jusqu’à maintenant, aucune grande enquête couvrant les villes et les campagnes, sur des tranches d’âge allant de 15 à 29 ans et sur des profils socioéconomiques variés, n’avait été conduite.

Au cours de leur travail, enquêteurs et analystes ont observé un phénomène tout à fait inattendu : on aurait juré que beaucoup de jeunes profitaient de cette enquête pour s’adresser à leurs parents et du côté des parents, souvent, la rigueur statistique a dû modérer la curiosité des parents : ils voulaient savoir quand leurs enfants, ou ceux des autres, voulaient parler.

Et pourtant, ils ne se parlent pas directement. Pudeur et respect ? Hypocrisie et mensonges ?
Ce ne sont pas des questions anodines. Et ce ne sont pas non plus des questions qui ne concernent que l’ordre privé, la famille. C’est devenu des questions de société.
S’il est vrai que les sociétés passent toutes par les mêmes stades, ce qui est loin d’être garanti, alors on pourrait en conclure que le Maroc est juste à la veille d’un conflit généralisé des générations. Les jeunes sont sur le point de prendre leur autonomie mais n’osent pas dépasser ouvertement les tabous sociaux. Ces tabous sont bien évidemment personnifiés par les parents, les voisins des parents, les amis des parents... Sur ce plan, les jeunes Marocains n’auront rien inventé.

En revanche, là où il y a de vraies différences avec les sociétés plus riches (mais peut-être pas plus avancées ?), c’est la force des liens financiers entre les générations. Il y en a dans les deux sens, très puissants, vitaux, devrait-on dire. Ces liens empêcheront-ils que le conflit des générations éclate ? Ou, au contraire, seront-ils les victimes du conflit, engendrant alors de terribles et tout nouveaux problèmes sociaux, voire politiques ? Ou bien encore, la société marocaine va-t-elle, comme elle sait si bien le faire, jouer sur tous les tableaux en même temps, pour le meilleur et pour le pire ?

Trois questions fondamentales

Cette investigation inédite dans les profondeurs de la société marocaine doit retenir toute notre attention.
• D’abord, ces jeunes sont les classes les plus nombreuses. Que leur façon de voir et de faire plaise ou non aux aînés, ces classes montantes s’imposeront tant par la biologie que par le nombre.

• Ensuite, ils dissimulent. Comme leurs parents l’ont fait avant eux ? Pas tout à fait. Pour les jeunes, il n’y a plus de frontières, sauf les murs toujours infranchissables des classes sociales. Dans l’ensemble de ce qu’ils dissimulent, qu’est-ce qui sera retenu pour construire un système de valeurs, puisqu’ils aspirent de moins en moins à ressembler aux adultes ?

• Enfin, s’ils n’ont pas de frontières, sont-ils philosophiquement et politiquement équipés pour faire face aux tentations totalitaires, aux séductions démagogiques ? Ce n’est pas sûr : ils sont nés pendant les années de plomb. Ils ont été élevés par des parents qui ne faisaient guère de politique, et bien peu de philosophie, mais qui mettaient et mettent toute leur énergie à rechercher pour leurs enfants une situation matérielle meilleure. C’est normal qu’ils cherchent dans la spiritualité et la religion, les références morales qui leur ont manquées, mais dans ce domaine, il y a des pièges et des faux-semblants. Sauront-ils les éviter ?
L’Economiste publie donc à partir d’aujourd’hui les premiers résultats de cette grande enquête. Les détails seront repris, dans une publication spéciale, à sortir courant février.

Nadia Salah - L’Economiste

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