L’enquête confirme les mises en garde de Rabat à Madrid

18 mars 2004 - 11h54 - Espagne - Ecrit par :

L’enquête sur les attentats de Madrid est entrée dans « une phase décisive ». La déclaration a été faite, hier mercredi, par le ministre espagnol de l’Intérieur Angel Acebes, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse. « Nous avons de bonnes pistes mais nous devons observer la discrétion », a souligné le responsable espagnol. L’unique aveu arraché au ministre indique que les enquêteurs « continuaient d’étudier la bande » vidéo revendiquant les attentats à Télé Madrid par Abou Dajane Al Afghani qui se proclame « porte-parole militaire d’’Al Qaïda en Europe ».

Ce qui nous remet aussitôt sur la piste islamiste indiquée depuis samedi, soit deux jours seulement après les attaques perpétrées dans quatre trains de banlieue de la capitale espagnole.

Alors que la police cherchait la cassette vidéo dans une poubelle, près de la grande mosquée de Madrid, José-Maria Aznar, continuait à s’accrocher à la thèse de crimes commis par l’organisation ETA des séparatistes basques comme à une bouée de sauvetage.

Le chef du gouvernement sortant, dont le parti était engagé dans une campagne électorale qu’il était déterminé à remporter, aurait poussé le zèle jusqu’à appeler certaines rédactions de journaux de son pays pour les mettre sur la piste qu’il avait lui-même choisie de désigner, faisant fi des faits qui semblent aujourd’hui se confirmer.

Et les faits sont têtus, ils nous inclinent, quand bien même ils se vérifieraient chaque jour,à rester prudent. L’inconnu qui a revendiqué les attentats de Madrid au nom d’Al Qaïda aurait été identifié comme « un extrémiste islamiste ».

La CIA et les services espagnols s’efforçaient de comparer la voix à celle qui avaient revendiqué les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York. C’est du moins ce qu’indiquait hier le quotidien espagnol El Païs citant des sources proches de l’enquête. Le journal précise que la voix de l’homme, dont l’identité sera maintenue secrète pour les fins de l’enquête, a été identifiée. Un détail qui fait poser nombre d’interrogations. Entre autres : pourquoi cette personne a été identifiée grâce à sa voix alors qu’elle paraissait à découvert sur la cassette vidéo ?

Cependant, au-delà de ce détail, d’autres faits sont égrenés qui devraient contribuer à reconstituer le puzzle et remonter la filière. Une information, venant de Londres cette fois-ci, indique que Jamal Zougam, l’un des principaux suspects arrêtés après les attentats du 11 mars, serait lié à Abou Qatada, un islamiste palestinien emprisonné à la prison de Belmarsh, à la capitale britannique, et présenté comme le chef d’Al Qaïda en Europe. Le porte-parole de Scotland Yard a refusé de commenter ce qui est désigné comme des spéculations de la presse de son pays, mais a affirmé qu’une « petite équipe d’officiers est partie pour Madrid » dès lundi pour collaborer à l’enquête espagnole.

Jamal Zougam, qui sera présenté ce jeudi matin avec les deux autres marocains et les deux indiens devant un juge pour leur éventuelle inculpation dans les attentats de Madrid, aurait fait le voyage en Grande-Bretagne avec Imad Eddine Barakat Yarkas, plus connu sous le nom d’Abou Dahdah et responsable présumé de la cellule espagnole d’Al Qaïda.

Les enquêteurs espagnols, cités par le quotidien britannique Evening standard, qui a donné l’information, indiquent que les deux hommes (Zougam et Abou Dahdah) auraient rencontré, lors de leur déplacement souligné à Londres, Abou Qatada, présenté par le célèbre juge Baltasar Garzon comme « l’ambassadeur en Europe » d’Oussama Ben Laden. Au domicile madrilène de Jamal Zougam, les enquêteurs espagnols auraient trouvé les numéros de téléphone de quatre militants présumés d’Al-Qaïda ayant vécu à Londres.

L’information émane de la même source, en l’occurrence le journal britannique.
En Espagne, un nom est venu s’ajouter à la liste des cinq suspects qui viennent de passer leur cinquième nuit de garde à vue. Il s’agit d’un algérien, Ali Armous de son nom, arrêté lundi à Saint-Sébastien dans le Pays basque et présenté au juge de l’Audience nationale, la principale instance pénale espagnole, pour déterminer son éventuelle implication dans les attentats du 11 mars.

D’après le département basque de l’Intérieur, l’homme avait été contrôlés à la mi-janvier à Saint-Sébatstien dans une affaire de trafic de drogue et de tapage nocturne. Après les attentats du 11 mars, les agents de la Ertantza (police autonome basque) ont dit se souvenir qu’il aurait à l’époque menacé d’un massacre à Madrid, et notamment la cité Atocha, nom de l’une des trois gares visées par les attentats de jeudi dernier.

Ali Armous a déclaré mercredi au juge Garzon qu’il « n’était pas un homme violent » et a assuré ne pas se souvenir des propos qui lui sont prêtés par la police basque. Le juge espagnol a, tout de même accédé à la demande du procureur Jesus Alonso, qui souhaitait un prolongement de détention pour supplément d’informations sur les antécédents de l’homme. La presse indique que Ali Armous était arrivé mercredi devant le juge, « détendu et souriant ». Il aurait même lancé en direction des journalistes présents à l’Audience nationale : « qu’est-ce qui se passe ? Du calme ! ».

En même temps que Ali Armous était entendu par les juges, la police de Barcelone enquêtait mercredi sur les possibles complices du principal suspect détenu, Jamal Zougam. Il est considéré comme la pièce principale du puzzle. Ce même homme, dont les autorités marocaines avaient demandé l’extradition au Maroc à la suite des attentats du 16 mai à Casablanca, est connu des services marocains, espagnols et français. Il était arrivé au Maroc deux semaines avant le carnage du 16 mai et prenait soin de raser sa barbe qu’il laissait repousser une fois retourné en Espagne.

L’enquête sur les attentats de Madrid progresse donc, sur la piste d’une filière islamiste. Elle invite à plus de vigilance. En Espagne, les autorités du pays ont annoncé la mise en place d’un « plan de renforcement de la sécurité ».

Al Qaïda a-t-elle véritablement fait sa loi en assénant un coup au parti de José-Maria Aznar, grand perdant de l’élection générale en Espagne ? Georges Bush a vite faite de voler au secours de son allié inconditionnel dans sa guerre contre l’Irak en affirmant que les terroristes peuvent frapper n’importe quant et n’importe comment. « Je pense qu’il s’agit de tueurs sans pitié. Je veux dire qu’ils tueront des innocents pour essayer d’ébranler notre volonté. Voilà ce qu’ils veulent », déclarait le président américain en réponse à une question sur l’influence des attentats de Madrid sur les élections législatives espagnoles de dimanche.

Cette conviction, pourtant largement partagée au sein même de la communauté espagnole et internationale sur les motivations du terrorisme, ne fera pas oublier aux votants que le chef de gouvernement avait pris des décisions impopulaires, notamment en choisissant le parti de la guerre en Irak et peut-être conduit le pays dans la dérive. C’est ce que scandaient les manifestants au cœur même de la capitale madrilène.

Le Matin

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