La vie reprend à Al Hoceima entre compassion royale et résignation populaire

3 mars 2004 - 11h21 - Maroc - Ecrit par :

Il est un peu plus de 14h00 mardi quand l’hélicoptère de la gendarmerie marocaine se pose sur le plateau du village d’Aït Saïd. Surgis des sentiers montagneux balayés par un vent glacial, des dizaines d’enfants aux lèvres gercées, de femmes aux robes et aux chapeaux multicolores et de vieillards voûtés convergent autour du Puma chargé d’une demi-tonne de vivres et de médicaments.
 »Toutes ces oranges, ces tomates, ces conserves, c’est bien.

Mais nous avons surtout besoin de tentes et de couvertures. Les gens ont encore peur de dormir chez eux », explique en souriant Mohamed Behladi, habitant de ce douar (village) situé à vingt minutes de vol d’Al Hoceima et qui a eu dix morts.
A plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, les montagnes du Rif vues du ciel offrent le même spectacle de maisons en pisé (mélange d’argile et de paille) effondrées, entourées de tentes en plastique, de boue et d’un maigre cheptel.
A Aït Saïd comme dans les dizaines d’autres hameaux enclavés dans les confins du massif du Rif, la peur des répliques du séisme du 24 février est encore vive. Il a eu 472 morts selon le bilan officiel, 632 selon les associations. Mais, mardi, la situation semblait désormais parfaitement contrôlée par les autorités marocaines.
 »Le plus dur est derrière nous, l’aide est suffisante en quantité et les problèmes logistiques de son acheminement et de sa distribution sont réglés », se félicite Benoît Porte, un responsable du Comité international de la Croix-Rouge.
La route menant à l’aéroport d’Al Hoceima, quartier général des secours, accueille une file de deux kilomètres de camions chargés de l’aide humanitaire en provenance des quatre coins du royaume et d’une vingtaine de pays. Les hélicoptères de la gendarmerie royale effectuent une trentaine de rotations par jour pour distribuer l’aide dans les villages les plus isolés et quasiment inaccessibles par la route.
Selon les estimations du collectif d’association d’aides aux victimes, il reste à peine 2.000 personnes sans abri. Déjà, de nombreuses familles commencent à réintégrer les logements qui ont résisté au séisme, notamment à cause de la pluie diluvienne et de la neige tombées sur la région lundi.
Le roi Mohammed VI, qui s’est installé depuis samedi dans un campement sur les hauteurs du centre-ville d’Al Hoceima, est lui-même venu s’assurer mardi matin du bon déroulement des opérations à Imzouren, une des deux localités martyres du séisme avec près de 170 morts. Arrivé en col de chemise au volant de sa Range Rover noire, le souverain s’est une nouvelle fois enquis des besoins des sinistrés avant d’aller au contact d’une foule chaleureuse.
Autre témoin de la sollicitude royale pour cette région rurale et enclavée longtemps boudée par le pouvoir central de Rabat, Mohammed VI devrait présider lundi un conseil des ministres à Al Hoceima.
 »Le roi, il est courageux, il a compris que nous, les Rifains, nous ne pouvons plus vivre en marge de la société marocaine », se réjouit Hakim, habitant d’Imzouren. « Ce qu’il nous faut maintenant c’est des routes et du travail », ajoute ce « célibataire chômeur » de 34 ans.
 »Cette catastrophe pourrait être une chance pour la région du Rif », confirme Ilyas Al Omari, entrepreneur, militant associatif de la défense des intérêts économiques et identitaires des populations berbères du Rif. « Après le séisme d’Agadir (12.000 morts en 1960), cette ville a pris un nouvel essor économique et touristique », rappelle M. Al Omari ; « il faut suivre cet exemple ».
Loin de tous les grands axes routiers, boudé par les investisseurs internationaux, comme en témoigne le désengagement en 2002 du Club Méditerranée qui avait ouvert un de ses premiers village à Al Hoceima, dépourvu de toute infrastructure industrielle, le Rif survit actuellement avec un taux de chômage officieux dépassant les 30%. « Pour la jeunesse, il n’y a que trois perspectives : l’exil, la culture du cannabis ou la contrebande avec les enclaves espagnoles de Sebta et Melilla », explique M. Al Omari qui plaide pour « un plan Marshall pour le Rif ».

AP

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