Alors que l’Aïd El Fitr marquant la fin du mois de ramadan, a été fêté il y a un peu moins d’un mois, les Marocains sont fixés sur la date de l’Aïd al-Adha.
En septembre 2007, le Ramadan risque de poser problème.
La période des congés ne favorise pas la tenue d’élections juste avant.
Les partis au gouvernement sont favorables à des élections en juin-juillet.
Les prochaines élections législatives auront-elles bien lieu en septembre 2007, comme il était initialement prévu ? La rumeur de leur tenue soit avant, soit après, s’est répandue au cours des derniers jours du mois d’août : plusieurs ministres ont d’ailleurs confié à La Vie éco, sous le sceau de l’anonymat, qu’il en était question. « Officiellement, il n’y a pas de report ni d’avancement de la date, dans la mesure où cette même date n’a pas encore été déterminée », répond Mohamed Saad El Alami, ministre istiqlalien des relations avec le Parlement.
Soit, mais il faut reconnaître que si les élections à la Chambre des représentants ont bien lieu à cette date-là, elles coïncideraient avec un souci très terre-à-terre : Ramadan, prévu pour le 10 - 11 septembre 2007. Est-il approprié d’organiser un tel évènement à un moment où les uns préfèrent se recueillir et où d’autres font preuve d’un comportement pour le moins irascible ? Autre raison, non dénuée de calculs politiques, et avancée par plusieurs membres du gouvernement : des élections organisées durant le mois sacré ne manqueraient pas de bénéficier, ambiance de piété aidant, aux islamistes du PJD. D’autres, en revanche, estiment qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure, et que Ramadan n’est ni plus ni moins qu’un mois comme les autres, voire qu’il s’agit du moment idéal pour encourager les électeurs à s’intéresser à l’évènement dans la mesure où ces derniers auront plus de temps à y consacrer, surtout le soir.
Toutefois, l’idée inquiète : les militants des différents partis pourront-ils mener une campagne électorale dans de telles conditions ? « Bien sûr que nous pouvons organiser une campagne, jour et nuit s’il le faut, explique Lahcen Daoudi, numéro 2 du PJD. Mais ça va être dur. Les militants vont peiner, beaucoup. Il faut qu’ils boivent et mangent à leur faim pour travailler ». Manière diplomatique de dire que, même au sein du PJD, on préfère éviter d’organiser un vote durant le mois de jeûne.
Faire campagne en août ? Les partis sont sceptiques
Faudra-t-il alors avancer les élections au mois d’août, quitte à ce qu’elles aient lieu durant la période des congés ? L’idée semble difficile à appliquer dans la mesure où elle impliquerait une baisse de la participation des électeurs partis en vacances, cela alors que la loi les oblige à voter dans la circonscription de leur lieu officiel de résidence. Toutefois, il reste une petite fenêtre avant le mois sacré. « Ramadan va débuter vers le 11 septembre, par conséquent les élections peuvent être organisées au cours de la première semaine de ce mois-là », signale Mohamed Saad El Alami. En effet, cette petite période, qui correspond à la rentrée, signifie que les électeurs seront chez eux. Seul problème, encore une fois, les départs en congé. Car il ne suffit pas d’organiser les élections, encore faut-il que la période de campagne électorale soit propice. Or, faire campagne au cours de la deuxième quinzaine d’août... D’ailleurs, interrogés, la plupart des partis au gouvernement restent dubitatifs. Leur préférence va à des élections qui se tiendraient au début de l’été, soit aux mois de juin ou juillet, même si cela leur laisse moins de temps pour se préparer. « Un décalage d’un mois ou deux, ça n’a jamais tué personne, plaisante Lahcen Daoudi. Les élections peuvent être organisées au mois de juillet si l’on veut, et l’ouverture du Parlement ne se ferait que le deuxième vendredi d’octobre -comme le stipule la Constitution -, quel est le problème ? », s’interroge Saïd Ameskane, membre du bureau politique du Mouvement Populaire. « Je ne pense pas que cela gênerait un parti politique quelconque. Les élections peuvent être organisées deux mois à l’avance, quitte à attendre l’ouverture parlementaire. Les anciens députés garderaient ainsi leur poste jusqu’au deuxième vendredi d’octobre, et ce serait aux nouveaux élus de se présenter à l’ouverture du Parlement », ajoute-t-il.
Rien dans la Constitution n’interdit la tenue d’élections en juin
Même son de cloche du côté du PPS. « Je ne vois pas pourquoi les élections ne se dérouleraient pas en juin, cela s’est déjà produit dans notre histoire électorale. De même, pourquoi pas juillet ? Il est vrai que, à la fin du mois de septembre, ça fait un peu court car le démarrage de la législature se fait le deuxième vendredi d’octobre et tout le monde serait un peu à l’étroit. Je crois que, de ce point de vue là, rien n’interdit d’envisager raisonnablement que les élections puissent se dérouler en juin ou juillet », ajoute Khalid Naciri, membre du bureau politique du PPS. Echo similaire du côté de l’USFP où Abdelhadi Khairat, membre du bureau politique, insiste sur le fait que l’essentiel est que les élections soient tenues avant la rentrée parlementaire. Côté Istiqlal, certaines voix penchent également pour le mois de juillet tandis qu’au RNI d’autres estiment qu’il est possible de caser les élections entre la fin de Ramadan et la rentrée parlementaire, même si la campagne électorale a lieu durant la fin du mois sacré, puisque, si cette dernière ne dure officiellement que quelques semaines, elle aura officieusement duré toute l’année.
Ainsi, la plupart des partis au gouvernement ne sont pas opposés à ce que la date des élections soit avancée, quitte à grignoter sur leur temps de préparation, mais Mohamed Moujahid, secrétaire général du PSU, ne partage pas cet avis. « Pendant les vacances, en général, c’est difficile. Dans tous les pays, on n’organise pas d’élections durant les mois d’août ou de juillet. Quant au mois de juin, c’est un peu serré, c’est même très serré », ajoute-t-il. En fait, il n’est pas opposé à un décalage de la date des législatives pour éviter qu’elles ne tombent en plein Ramadan, mais il préfère qu’elles soient reportées aux mois de novembre, décembre 2007, voire janvier 2008.
Sa position a beau contraster avec celle des autres partis, il faut reconnaître qu’il n’existe pas de loi spécifiant que les élections législatives doivent être organisées au mois de septembre, « ni interdisant que ces dernières se déroulent au cours du Ramadan », ajoute le politologue Mohamed Darif. Ce n’est d’ailleurs que depuis 1984 que les élections à la première Chambre du Parlement ont commencé à se tenir régulièrement en automne. En revanche, la Constitution marocaine spécifie que l’ouverture de la session d’automne doit obligatoirement se faire le deuxième vendredi d’octobre. De ce fait, il semble peu logique de commencer une session avec les élus de 2002 et de la poursuivre avec ceux de 2007. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en cas de changement de couleur politique de la majorité, le risque existe que des lois en fin de parcours, déjà passées en commission parlementaire, soient rejetées par la nouvelle Chambre des représentants. On imagine, par exemple, les péripéties que pourrait connaître la Loi de finances...
Une occasion pour les MRE d’exercer leur droit de vote
Ainsi, si les prochaines législatives ne sont pas organisées en septembre 2007 pour cause de Ramadan, il serait difficile de les organiser après. En revanche, les mois de juin - juillet, s’ils vont à l’encontre de la promesse des autorités que la loi électorale sera prête au moins un an avant les élections, fourniraient également la possibilité aux MRE rentrés au pays pour les vacances de voter par la même occasion, à condition qu’ils soient déjà inscrits sur les listes.
La rumeur sur le report des élections se concrétisera-t-elle, au vu des nombreux arguments avancés ? Une chose est sûre, selon Mohamed Darif, elle est tout sauf nouvelle. « Quand on suit l’histoire des élections au Maroc, on se rend compte que, chaque fois qu’il reste quelque chose comme une année avant ces dernières, cette rumeur réapparaît », souligne-t-il. Selon lui, les raisons invoquées sont toujours liées aux mêmes arguments : la présence ou non des conditions nécessaires à l’organisation d’élections transparentes, de nouveaux développements dans l’affaire du Sahara ou encore le thème des révisions constitutionnelles. « En général, dans la tradition politique marocaine, on parle toujours de report, car, en quelque sorte, nous n’avons pas encore cette culture du respect des dates », argumente-t-il. En effet, selon lui, « s’il existe une réflexion véritable pour reporter les élections, la cause ne va pas être Ramadan mais peut-être d’autres raisons à caractère politique ou institutionnel », explique-t-il. Autre problème, selon lui, le débat sur la réforme de la Constitution : « Si le Roi accepte de manière tacite qu’il y ait un débat à ce sujet, alors on va être obligé en 2007 de réfléchir à ces révisions. Par conséquent, il serait logique de retarder les élections jusqu’à modification de la Constitution ». Le politologue sait certes de quoi il parle, mais, cette fois-ci, les arguments qui militent en faveur d’élections anticipées sont plutôt logiques. Affaire à suivre.
Houda Filali-Ansary - La Vie économique
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