Au Maghreb, les discriminations faites aux Noirs s’enracinent dans les habitudes et sont banalisées. Les ressortissants d’Afrique subsaharienne venus étudier, travailler ou tenter de rallier l’Europe disent subir un racisme « ordinaire », rapporte l’AFP. « Black Lives Matter » (La vie des Noirs compte), un mouvement mondial né aux États-Unis, dont les actions contre le racisme ne sont plus à prouver, peine à faire changer les mentalités. Pour dénoncer le racisme aux États-Unis et ailleurs, seule l’association tunisienne Mnemty a pu organiser une petite manifestation début juin, dans le Maghreb, fait observer la même source. Il s’agit d’un signal fort, un « message aux Afro-Américains de la part de leur Mère Afrique », pour dire : « Nous sommes avec vous », martèle la présidente de l’association, Saadia Mosbah, une Tunisienne à la peau foncée.
Au Maghreb, la situation des étrangers originaires de pays africains, notamment d’Afrique subsaharienne n’est pas reluisante. En Algérie, ils sont estimés à quelque 200 000 personnes, tandis que l’on évoque plusieurs dizaines de milliers au Maroc comme en Tunisie. Ils sont pour la plupart, des migrants ayant traversé le désert à bord de pick-ups, pour rallier le Maghreb où ils travaillent comme « personnel de ménage ou ouvriers du BTP » et nourrissent l’espoir de rallier l’Europe. Même si leur vie quotidienne est teintée de l’arbitraire policier et de la xénophobie ambiante dont ils se plaignent, leur préoccupation première reste la survie.
Pour Aïcha, une Nigérienne vivant à Alger, dont le fils âgé de 7 ans a été victime de racisme à l’école, les Noirs vivent le racisme au quotidien. Il s’agit souvent de racisme verbal et « parfois les mots font plus mal que les coups », témoigne-t-elle. Entre autres termes péjoratifs qui sont utilisés contre les Noirs, elle cite « Kahlouche (noir en arabe, NDLR), Mamadou, Ebola et maintenant Covid, qui sont « autant de sobriquets dont on nous affuble ». Contre ces dérives de langage, il faut opposer une lutte permanente, propose-t-elle. Pour sa part, le sociologue algérien Mohammad Saïb Musette, relève que « certains Algériens oublient qu’ils sont eux-mêmes Africains ». La priorité à l’en croire, est de « déconditionner » les enfants face au racisme latent que subissent également les autochtones noirs. Ces derniers sont parfois surnommés « abid » ou « oussif », qui signifie littéralement « esclave ».
Si de nos jours encore, les mariages avec des gens de couleur sont très mal acceptés au Maghreb, il faut préciser que dans l’administration, on compte rarement de hauts fonctionnaires, de dirigeants politiques qui ont la peau foncée, dénonce le sociologue. Depuis 2014, une coalition d’associations marocaines donne les signes d’une évolution des mentalités de par ses actions, en lançant notamment la toute première campagne contre le racisme envers les migrants subsahariens. Dans la foulée, pour un acte similaire, l’association tunisienne Mnemty parvient à faire voter au Parlement une loi qui pénalise pour la première fois les discours de haine, suivi du Parlement algérien en avril dernier. Le Maroc pour sa part, est le seul pays au Maghreb à avoir régularisé quelque 50 000 personnes depuis 2014, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest.