La campagne visant à inciter davantage de Néerlandais d’origine marocaine à voter démarre ce dimanche après une réunion à Utrecht. Aux yeux de l’écrivain Abdelkader Benali, également Néerlandais d’origine marocaine, cette campagne revêt une importance capitale. « S’ils ne votent pas, ils ne peuvent pas exercer d’influence, assure-t-il. Malheureusement, beaucoup d’entre eux sont devenus si cyniques à l’égard de la politique qu’ils ne veulent même plus aller voter. » Selon Floris Vermeulen, chercheur sur le sujet à l’Université d’Amsterdam, il n’existe malheureusement pas de chiffres exacts. Il n’existe que des estimations, par exemple sur la base du taux de participation aux élections municipales d’Amsterdam.
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Le taux de participation des électeurs néerlandais marocains à ces municipales est inférieur de 20 % de la moyenne. « Nous partons du principe que, pour les élections nationales, cette catégorie vote également beaucoup moins, ajoute Vermeulen. Ce qui suscite de grandes inquiétudes, c’est que de nombreux Néerlandais issus de l’immigration ont le sentiment de ne pas être représentés par la politique, que la politique ne peut rien faire pour eux ou même qu’ils sont discriminés par la politique. » Benali partage ce constat en cette période de campagne électorale : « Quand je regarde les talk-shows, on dirait que tous les problèmes des Pays-Bas sont causés par les personnes issues de l’immigration : la pénurie de logements, les nuisances dans la rue, et ainsi de suite. »
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L’écrivain ajoute : « Ce sont les formules-chocs que l’on entend. On tire à vue sur les musulmans, et ce ne sont pas seulement quelques individus qui le font, mais c’est devenu la norme. » Une situation qui en rajoute à la désaffection des Néerlandais d’origine marocaine. « J’ai moi-même deux filles, poursuit Benali. Elles se demandent pourquoi ces gens à la télévision disent tout cela sur elles. Tu en viens à te demander si c’est encore ton pays. On a l’impression qu’on parle toujours de nous, mais jamais avec nous. Quand tu vis cela pendant des années, tu finis vite par penser : ils ne veulent pas de nous de toute façon – pourquoi irions-nous encore voter ? »
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En conséquence, de nombreux Néerlandais d’origine marocaine vivent, selon l’écrivain, avec un sentiment « engourdi » : « Quand ils votent, c’est pour Denk. Ce parti y va très fort. Ce parti donne encore le sentiment de riposter vigoureusement, ce à quoi beaucoup de Marocains sont sensibles. » Le chercheur Vermeulen fait lui aussi les mêmes constats. Il est co-auteur d’un rapport publié en 2024 avec le Sociaal Planbureau (Bureau de planification sociale), qui indique que les Néerlandais issus de l’immigration ont le sentiment que la politique n’écoute pas les gens comme eux. « Un bon exemple est Gaza, sujet de grande préoccupation pour eux depuis deux ans. À leurs yeux, la politique néerlandaise y a accordé beaucoup trop peu d’attention, même si cela change un peu ces derniers mois. »
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Ces Néerlandais d’origine marocaine représentent pourtant un vivier électoral pour les partis politiques : environ 2 % de l’électorat néerlandais est d’origine marocaine. « Cela représente au total 3 sièges », affirme Vermeulen.