Le marchandage, une tradition qui fait partie du charme du Maroc

3 mai 2009 - 17h31 - Maroc - Ecrit par : L.A

Dans le royaume chérifien, le marchandage est vu comme un produit d’appel touristique, alimentant la tradition d’hospitalité des habitants

A deux pas du Tribunal de la famille, dans le quartier casablancais des Habous, le touriste se fait rare sous les arcades. Bâtie pendant le Protectorat pour décongestionner la vieille ville et désamorcer la contestation populaire, cette médina « à l’européenne » accueille aujourd’hui quelques dizaines d’échoppes touristiques, en plus de magasins de tissus et de vaisselle de cérémonie.

Ici ne prévaut ni l’organisation traditionnelle des souks, ces marchés des villes islamiques aux rues entrelacées où artisans et commerçants se regroupent par corps de métier, ni cette ambiance pittoresque chargée de bruits, de couleurs et d’effluves, tant appréciée des visiteurs étrangers, notamment à Marrakech ou Fès, et dont les achats d’artisanat s’élevaient en 2008 à 160 millions d’euros.

Mais dans la boutique de Yassine Mohamed, on ne déroge pas au rituel du marchandage – lamtaouyia en arabe marocain. Quand entre un couple français en recherche d’un tapis – cible intéressante s’il en est –, des commerçants voisins, solidaires, arrivent aussitôt pour honorer le cérémonial : thé à la menthe versé avec application, mains amicales posées sur les épaules, et « Quel âge ont les enfants ? »

"C’est cadeau"

Quant au prix, souvent, « c’est cadeau », assurent les marchands en forçant leur accent pour ajouter une dose de folklore ; et si c’est cher, c’est parce que « c’est fait main ». Le touriste, lui, joue aussi son rôle, tournicotant parmi les tissus la moue désintéressée, ou palpant le cuir d’un pouf pour vérifier s’il s’agit bien de chèvre (noble) et non de mouton (bas de gamme).

« Un proverbe arabe dit : “Que Dieu fasse qu’il y ait de l’incertitude entre le vendeur et l’acheteur”, rapporte le sociologue Jamal Khalil. Le marchandage vient des premières formes de commerce comme le troc, pour lequel il fallait trouver le bon équilibre entre la valeur des choses. » « Marchander, ça ne se discute pas », sourit Brahim Sriti sur son tabouret.

Selon lui, négocier est d’abord « un plaisir » pour « faire des amitiés, ne pas travailler que pour l’argent ». « Même si tu fais seulement 5 DH (45 centimes d’euro) de bénéfice, l’important c’est de gagner un client », poursuit celui qui connaît de nombreuses journées « sans ». Ou de gagner sur un produit non envisagé au départ par l’acheteur ce qu’on a perdu sur le premier achat.

« Ça fait partie du charme, on éprouve le plaisir de faire une affaire et le commerçant celui de vendre son produit, tout le monde est content », estime Corinne Lévy, une cliente de passage. Au Maroc, le marchandage est devenu une offre touristique en soi, alimentant la réputation d’hospitalité des Marocains et prolongeant le dépaysement bon marché que les touristes viennent chercher dans le royaume.

Tout guide de voyage y va de ses conseils : diviser le prix annoncé par deux, voire trois, trouver un juste milieu, ne pas palabrer longtemps sans rien acheter, ne pas se rétracter après un accord et garder le sourire (les réfractaires pouvant se rabattre sur les magasins Coopartim aux prix fixes).

Des repères pour les plus avertis

Des repères existent pour les plus avertis : les objets sont parfois affublés d’un code sur une petite étiquette. « 850B, explique Yassine Mohamed en tendant un petit vase en céramique orange, ça veut dire 50 DH pour le prix de fabrication, 85 DH pour un petit bénéfice. » Ce qui ne l’empêchera pas de proposer 200 DH comme premier prix.

S’il le sait indispensable pour vendre, Oussama Belaïd, jeune commerçant de 22 ans, se passerait bien du marchandage, « sauf avec les Américains ou les Suisses, ils discutent peu et paient bien, assure-t-il. Contrairement aux Français ou aux Allemands. Ils ont tout de suite l’impression qu’on va les rouler. » « C’est plutôt nous qui nous faisons avoir », ironise un client marocain, selon qui tout a augmenté à « Marrakech arnakech » (surnom courant).

S’ils continuent de négocier vêtements ou électroménager dans certains souks et magasins de gros, le marchandage se fait plus rare dans le quotidien des villes, où supermarchés et franchises gagnent du terrain. En septembre dernier, une association marocaine de consommateurs a obtenu la signature d’un arrêté rendant obligatoire l’affichage des prix dans les commerces et transports, où la négociation est bannie mais les prix souvent anarchiques.

Source : La Croix - Cerise Marechaud

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