Des députés ont souhaité la poursuite de l’importation au Maroc de déchets depuis l’Europe. C’était jeudi, lors de la séance plénière consacrée au vote du projet de loi de finances 2025.
Le vote islamiste est également à mettre sur le passif du 11 septembre. Des électeurs, ni militants du PJD, encore moins islamistes, ont voté dans ce contexte pour une formation qui replaçait l’Islam, la famille et le Maroc au centre de ses préoccupations.
Les urnes ont craché leurs résultats avec une majorité de voix aux islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) qui a raflé 42 sièges. De 14 sièges en 1997, le PJD a ainsi triplé son score.
Le PJD a cartonné mais il aurait pu faire mieux si les islamistes n’avaient pas tenu à rassurer.
Abdelilah Benkirane, un député islamiste particulièrement actif, a rappelé que le PJD avait décidé de ne présenter des candidats que dans 56 circonscriptions sur les 91 que compte le pays, précisant qu’il y avait un consensus afin d’éviter « un raz-de-marée qu’on aurait été incapable de supporter politiquement aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger ».
Contact
Le rideau n’est pas encore tombé sur le résultat final que les députés islamistes sont redescendus dans la rue. Cette fois-ci, c’est pour remercier les électeurs pour leur confiance. L’élu serre les mains, il papote avec la dame, remercie le mari.
Il renoue le contact. Ça, c’est le style PJD. Un style qui explique en grande partie la victoire, une proximité qui ne faillit pas, un discours terre à terre, un contact permanent qu’il suffit d’amplifier en période électorale. Une campagne d’ailleurs particulièrement efficace, partout dans les circonscriptions rurales , dans les bidonvilles, grâce notamment à une vive proximité avec le terrain. Pour cela, la nébuleuse des associations caritatives islamistes, qui sont liées de près ou de loin au PJD se sont activées au quotidien sur des terrains qui sont forcément payants politiquement.
Dans les bidonvilles, dans les quartiers populeux de la capitale économique mais plus encore à la campagne, les islamistes mènent un combat contre la pauvreté qui, tout en étant discret, n’en est pas moins efficace. Dans cette bataille électorale, il est clair que les islamistes ont raflé la mise.
Les islamistes considérés comme « vierges » ont également profité d’un “vote-sanction" contre les formations politiques traditionnelles minées par une gestion sociale et économique catastrophique.
Sanction
Un gouvernement d’alternance accusé d’avoir laissé sur le carreau un large pan de la population aigrie par la pauvreté, le chômage et la prolifération de l’habitat insalubre.
Beaucoup de citoyens ont voté contre un pouvoir dont les réformes annoncées en grande pompe avancent au mieux trop lentement et au pire pas du tout. Une opinion désabusée qui ne croit plus aux élections, des militants désarçonnés et des citoyens fatigués par des années de disette. Les islamistes n’ont eu qu’à se baisser pour ramasser les voix.
Le vote islamiste est également à mettre sur le passif du 11 septembre ; des électeurs, ni militants du PJD, encore moins islamistes ont voté dans le contexte de l’après 11 septembre pour une formation qui replaçait l’Islam, la famille et le Maroc au centre de ses préoccupations. « Nous avons tenus à montrer aux Américains et à tous ceux qui tentent de faire de nous les boucs émissaires d’une guerre qui n’est pas la nôtre que nous sommes envers et contre tous des musulmans » raconte cet universitaire BC BG qui n’a pourtant rien d’un Ben Laden.
C’est en ce sens qu’il faudrait comprendre et relativiser ce que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de « raz de marée » islamiste. La poussée des islamistes modérés est une réalité mais le volume des voix offertes aux PJD a surpris les islamistes du parti eux-mêmes. Ce n’est pas à vraiment dire un vote massif pour le PJD.
Poussée
Mais les résultats sont là, personne ne peut les nier. Reste à savoir comment les islamistes se préparent à prendre le pouvoir.
La véritable question qui taraude autant les chancelleries occidentales que le microcosme politique local, c’est de savoir si le PJD peut vraiment se transformer demain en un parti démocrate-musulman, à l’image des formations démocrates-chrétiennes ? C’est vrai, seule une infime minorité de cadres du parti milite en faveur d’un Etat théocratique. Le PJD n’a jamais joué les va-t-en guerre, au contraire, il a toujours joué le jeu du système politique marocain.
Ses volontés de réforme du statut de la femme ou du rapport entre le religieux et le politique au Maroc font plus partie de calculs politiciens que d’une véritable volonté d’imposer la charia. Mais, aujourd’hui, pris dans le feu de l’action, les leaders du PJD, tentent de rassurer.
Pour cela, Saad Eddine Othmani, chef de file du Parti de la justice et du développement (PJD) est monté au créneau dès le lendemain des résultats pour rassurer les Marocains quant à l’application de la Charia au Maroc : “Nous l’avons dit et le répétons aux Marocains : notre parti souhaite privilégier le développement économique et social du pays, non la Charia (loi islamique) ». Pourtant, le PJD, qui milite pour “l’authenticité" arabo-musulmane du Maroc est Hostile à la vente d’alcool, à la mixité des plages et les jeux de hasard. Il a basé la plateforme de son programme sur la nécessaire “mise en adéquation entre l’Etat, officiellement musulman, et la réalité". Un programme qui prévoit notamment de combattre “les dérives laïcisantes”.
Authenticité
Jusqu’à présent, les « islamistes du Roi » comme on se plaisait à les appeler, dans leur majorité, ont toujours préféré jouer le jeu des institutions en participant aux élections. Pour eux le véritable ennemi, c’est la gauche, le socialisme et le danger provient désormais moins du régime que des groupes progressistes. Les joutes parlementaires entre députés PJD et socialistes, accusations par presse interposée, les islamistes n’ont aucune intention de pactiser avec l’ennemi même si pour l’instant, ils se gardent bien de dévoiler leurs cartes.
L’éventuelle participation au gouvernement des islamistes du PJD, créé en 1999 et dirigé par Abdelkrim Khatib, est la principale interrogation posée par la nouvelle carte politique du pays. La percée électorale des islamistes leur ouvre toutes grandes les portes de l’arène politique, que ce soit au gouvernement ou en tant que grande force d’opposition.
Le coup de bélier islamiste se veut une rupture avec les socialistes, une façon de leur démontrer qu’ils ne peuvent plus faire cavalier seul. Le temps de voir également les fissures peuvent se transformer en fractures irréversibles. En tout cas, le pari reste dangereux.
El Khatib et Yassine : Mariage de raison
Avant et même pendant le déroulement des élections,
l’éventualité d’une alliance avec les autres mouvances islamiques a été au centre des débats au sein du PJD.
Une grande campagne de séduction avait été lancée discrètement pour amener les militants de Yassine à voter PJD.
Pourtant, juste après sa victoire électorale, le PJD a opéré un repli tactique. Un repli tactique qui démontre encore une fois que la mouvance tente de gagner la confiance d’une opinion publique encore méfiante et de pouvoirs publics toujours sous pression américaine.
Le lendemain du scrutin, Abdelilah Benkirane, député PJD a annoncé la couleur : « Contrairement à ce que pensent nos frères d’Al Adl Wal Ishane, le problème central au Maroc, ce n’est pas la monarchie mais plutôt les graves difficultés économiques et sociales ».
Pourtant si les islamistes du Cheikh Yassine n’ont pas participé aux élections de 2002, la victoire du PJD n’en est pas moins la leur.
Tactique
C’est le secrétaire général de la jeunesse d’Al Adl Wal Ihsane qui a été chargé de faire passer le message. Pour Omar Aharchane, « la victoire du PJD est un message clair à tous ceux qui veulent aliéner le peuple marocain. Malgré la diabolisation des islamistes , les marocains ont tenu à montrer aux partisans de la laïcité leur attachement aux valeurs de l’islam ». A cause du refus de légaliser Al Adl Wal-Ihsane, la mouvance du cheikh Abdessalam Yassine n’a actuellement ni représenta-
tion parlementaire ni parti politique . Les islamistes de Yassine n’ont toujours pas pardonné au PJD son allégeance au pouvoir.
Mais, conjoncture internationale oblige, il n’est pas exclu que Yassine soit tenté de mettre un peu d’eau dans son vin pour une alliance objective avec le PJD. Profitant du fait que le pouvoir préfère avoir un ou plusieurs partis bien identifiés qu’un courant islamiste clandestin et incontrôlable.
D’autant plus que le risque de provoquer une nouvelle radicalisation du mouvement islamique, avec pour conséquence un affrontement majeur, reste toujours d’actualité.
Maroc-hebdo
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