Maroc , La longue Marche !

28 juin 2002 - 11h19 - Economie - Ecrit par :

Si aujourd’hui le Maroc demeure le pays le plus pauvre du Maghreb, s’il a toujours un trop fort taux d’analphabétisme, il n’en reste pas moins que ce pays explose. Avec un peuple débrouillard et entreprenant, le miracle marocain existe.

Quand le bâtiment va, tout va », a-t-on coutume de dire. A voir le boom immobilier qui touche le Maroc du nord au sud et d’est en ouest, on pourrait se croire dans un pays en pleine expansion. Les villes explosent, de nouveaux quartiers, de nouvelles artères surgissent d’année en année. Sur la côte atlantique, les programmes immobiliers - luxueux pour les touristes étrangers ou plus modestes à l’intention des émigrés marocains qui rentrent au pays pour les vacances, et dont les enfants rechignent de plus en plus à retourner au bled - sortent de terre comme des champignons. A Rabat, Casablanca, des glaciers, salons de thé et petits restaurants ont fleuri depuis l’été dernier. Leurs propriétaires ? Souvent des émigrés de longue date en Europe, en France en particulier, qui, lors du passage à l’euro, ont préféré rapatrier leurs économies gagnées « au noir » pour ne pas avoir à passer par le système bancaire. On n’est jamais trop prudent.

Pourtant, si l’impression de dynamisme est patente dans les grandes villes, la circulation effrénée et les voitures nettement moins déglinguées qu’autrefois, le Maroc n’en est pas encore pour autant un pays « émergent », comme le souhaiteraient ses dirigeants. Il ne parvient pas à tenir plusieurs années d’affilée les taux de croissance à deux chiffres qui caractérisent les pays asiatiques qui ont décollé. Les statistiques sont préoccupantes : la grande pauvreté a augmenté dans la décennie 90, passant de 3,4 millions de Marocains vivant avec moins de 1 dollar par jour à 5,3 millions en 1998. Si la courbe semble s’être inversée ces toutes dernières années, le progrès reste fragile. Malgré quatre plans de lutte contre la pauvreté en dix ans. Y aurait-il une fatalité de la misère au Maroc ?

Le principal handicap du pays, qui a trop tardé à s’industrialiser, réside dans la part trop importante du secteur agricole dans l’économie. Près de la moitié de la population vit de l’agriculture, qui produit un cinquième de la richesse nationale. Or l’agriculture dépend encore trop largement de la pluviométrie. Trois années de sécheresse, de 1999 à 2001, ont sinistré certaines régions, relancé l’exode rural et fait chuter un taux de croissance déjà anémié. Sans oublier l’alourdissement de la facture céréalière. Cette année, le moral est au beau fixe. Les fortes pluies survenues en avril dans la quasi- totalité des provinces, même si elles ont été un peu tardives, vont relancer production et consommation. Mais ce poids du secteur agricole explique les errements du taux de croissance, qui peut varier de - 2 % à 12 % d’une année à l’autre par la seule volonté du ciel. Ainsi, en 2001, la croissance prévue de 8 % avait dû être ramenée à 6,5 %. « Les efforts développés dans le tourisme, le bâtiment et les nouvelles industries technologiques ont permis de gagner un demi-point d’autonomie, même si les résultats de l’agriculture sont mauvais », explique le ministre des Finances, Fatallah Oualalou.

Pour se permettre de faire fi des caprices du ciel, le gouvernement parie sur trois secteurs qui doivent tirer l’économie : le tourisme, fortement créateur d’emplois (voir l’article page IV) ; l’agriculture industrielle, couplée avec une politique de l’eau, denrée si précieuse au Maroc, « ce pays où les fleuves sont souterrains », disait un géographe.

Troisième « locomotive du développement », selon l’expression de Mohammed VI : les nouvelles technologies. Rabat a créé un cadre juridique attractif pour attirer les investisseurs, achève la libéralisation du secteur des télécommunications (arrivée de l’espagnol Telefonica pour une licence GSM en 1999, vente de 35 % de Maroc Telecom à Vivendi en 2001 pour un montant faramineux de 2,33 milliards d’euros, prochaine privatisation du téléphone fixe) et commence, à l’instar de l’Irlande, à attirer les centres d’appels délocalisés en direction de la France et de l’Espagne.

Ces secteurs suffiront-ils à stimuler l’économie ? Peut-être. Encore faut-il que le royaume réussisse à résorber le taux phénoménal d’analphabétisme - 50 %. « Aucun pays n’a jamais décollé lorsqu’un habitant sur deux est illettré », assure un diplomate. Les Marocains en sont convaincus. Aussi assiste-t-on à une formidable mobilisation des autorités et de la société civile, à travers des centaines d’ONG, pour multiplier les cours d’alphabétisation.

Second défi : l’emploi. Officiellement, 20 % des citadins sont au chômage. Sur ce chapitre, l’Etat et les entreprises privées se renvoient la balle. Le premier trouve les secondes trop frileuses, trop réticentes à investir, tandis que les autorités reprochent aux banques, qui n’ont jamais eu autant de liquidités, de ne pas desserrer les cordons de leur bourse pour financer les projets des entrepreneurs potentiels. Faux, répondent les entrepreneurs. « C’est l’Etat qui n’a pas mis en place les instruments juridiques nécessaires pour garantir les investissements. Quant aux futurs entrepreneurs, il n’y a pratiquement pas de projets valables qui sont présentés », se défend un banquier.

Les deux miracles

Là encore, c’est un cercle infernal. Le Maroc, trop pauvre (1 200 dollars par tête, soit le plus faible revenu du Maghreb), dispose, malgré ses 30 millions d’habitants, d’un marché intérieur bien étroit pour attirer pléthore d’investisseurs. Les entreprises, quatre fois moins nombreuses qu’en Tunisie, pour survivre, doivent se tourner vers l’exportation et si possible en partenariat avec une société étrangère. Or trouver des investisseurs est une nécessité impérieuse pour créer des emplois, distribuer du pouvoir d’achat et, par conséquent, rendre plus attractif le marché intérieur. Un cercle vicieux que les autorités ne parviennent pas à briser.

Pourtant, le miracle marocain existe. En dépit de la sécheresse, le ministre des Finances a rétabli les grands équilibres : l’inflation est tombée à 0,6 %, l’endettement a été réduit et les réserves des changes (un an d’importations) n’ont jamais été aussi bonnes. Second miracle : ce pays, où plusieurs mondes se côtoient sans guère se rencontrer, fonctionne, et de mieux en mieux semble-t-il malgré des craquements, émeutes de la faim hier, grèves nombreuses aujourd’hui. Alors, chacun s’interroge : le miracle peut-il durer ?

Source : le point

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