Le Maroc face à la nouvelle économie

26 mai 2007 - 01h21 - Economie - Ecrit par : L.A

L’entrée dans le 3ème millénaire n’est pas qu’une symbolique calendaire. Elle coïncide avec une mutation considérable de notre environnement amorcée depuis surtout les trois dernières années, mais qui prendra toute son ampleur dans les mois et les quelques années qui viennent. Le premier défi est celui de l’accélération. La concentration des secteurs de la distribution, qu’elle soit alimentaire ou spécialisée, a pris une dimension nouvelle. La taille des regroupements se conjugue avec la mondialisation, c’est-à-dire notre aptitude à acheter partout dans le monde pour vendre à un consommateur partout dans le monde.

Le redémarrage de l’Asie, la poursuite d’une croissance soutenue aux États-Unis, le redressement des économies européennes créent un environnement favorable qui devrait dynamiser la croissance forte. Notre pays ne doit pas rester en marge de cette croissance, d’autant plus qu’il a l’obligation d’ouvrir ses frontières économiques en 2010. La planète est devenue la nouvelle cité, le véritable champ clos de l’exercice de la responsabilité. Dominé par un système que l’ivresse du pouvoir et le bénéfice du doute encouragent à tous les excès et à toutes les provocations, notre monde est sommé de dépasser la politique du fait accompli, d’inventer une conception solidaire de l’avenir.

Ce que la presse a appelé l’échec de Seattle est un phénomène composite charriant des éléments contradictoires, mais il contient, telle une pépite, les prémisses d’une réaction salutaire à la pollution planétaire du libéralisme, laquelle peut à tout instant détruire socialement tout individu au nom de l’individualisme. Il s’agit d’une remise en cause fondamentale de l’insupportable légèreté de la technocratie mercantiliste, en même temps que la revendication d’un système de régulation fondé sur des principes politiques éprouvés ou prometteurs : l’exigence de démocratie, le principe de précaution, la nécessité de l’émergence de droits universels.

Le “laisser faire” est une politique, c’est même la définition pragmatique du libéralisme. Le syndicalisme est né de cette volonté du monde du travail de ne pas se laisser faire, de ne rien laisser passer qui mette en cause sa dignité et son aspiration légitime au bonheur.

Dans un Maroc où le salariat, dans sa diversité, représente l’immense majorité de la population, aucun parti politique ne peut négliger la réalité des luttes et des idées syndicales, tous les partis sont obligés d’en comprendre la teneur et d’en mesurer l’influence, que ce soit pour s’appuyer sur elles, les contenir, les contourner ou les combattre. Il faut réagir et rétablir la confiance : cela passe en premier lieu par une démarche revendicative concrète, au plus près des attentes des salariés, rompant avec la délégation de pensée, avec le culte de la spontanéité comme avec le mythe de l’avant garde éclairée.

C’est ainsi que pourra se construire le mouvement social susceptible de développer les solidarités d’intérêts entre toutes les catégories de salariés, d’établir un rapport de forces, gage d’une approche offensive de la négociation, quels qu’en soient le niveau ou les parties, au service des enjeux fondamentaux du progrès social, du développement durable et d’une nouvelle citoyenneté, en tenant compte de cette réalité, le Maroc peut donc progresser. La reconnaissance du fait syndical doit maintenant aller plus loin pour devenir une des sources ou une des références du gouvernement d’entreprise.

Une occasion va nous être donnée, en délaissant l’euphémisme mystificateur de “partenaires sociaux”, de redéfinir avec détermination, et, nous l’espérons, avec bonheur, le concept de démocratie sociale. Une alternative est soumise au Maroc : ou bien cette sphère essentielle, constitutive du patrimoine syndical et social, va sombrer corps et biens dans des calculs froids et égoïstes du capital financier, ou bien nous parvenons à définir, proposer, construire une véritable démocratie sociale à la marocaine fondée sur un nouveau partage de la valeur ajoutée produite.

Ce serait une excellente façon du Maroc nouveau de se placer sous le signe de la victoire de la solidarité, de la responsabilité et de la démocratie face à l’insupportable assurance du pouvoir de l’argent. Car l’expérience montre que les décideurs marocains n’agissent que poussés par les circonstances et, si les dossiers ne sont pas prêts, ils décident n’importe quoi.

Maroc Hebdo - Aziz Lahlou ; Professeur d’analyse économique à l’ENA-Rabat

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Importations - Exportations - Politique économique

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc contraint d’importer du blé

Le Maroc se tourne une fois de plus vers le marché international pour augmenter ses importations de blé afin de compenser la baisse considérable de sa production durement touchée par la sécheresse cette année.

L’avocat marocain séduit l’Europe

La sécheresse et la saturation des marchés européens sont loin de produire un impact négatif sur les exportations marocaines d’avocat. Celles-ci ont, pour la première fois, enregistré un record historique.

Maroc : appel à l’annulation du sacrifice de l’Aïd Al-Adha

Au Maroc, des voix s’élèvent pour appeler à l’annulation du sacrifice de la fête de l’Aid Al-Adha de cette année en raison de la sécheresse persistante qui sévit au Maroc et a déjà détruit une part considérable du cheptel ovin.

Chute historique des exportations d’olives marocaines

Les exportations d’olive marocaine sont en net recul alors que les importations sont en hausse. Le déficit commercial s’est creusé.

Ramadan 2025 au Maroc : quelle disponibilité pour les dattes ?

Les producteurs et commerçants de dattes au Maroc rassurent les consommateurs quant à la disponibilité et à des prix abordables de ce produit sur le marché pendant le mois sacré de Ramadan.

Avocat : le Maroc a un redoutable concurrent

Les avocats produits au Maroc sont très prisés en Europe en raison de plusieurs avantages concurrentiels. Mais le royaume a désormais un redoutable concurrent.

Tomate au Maroc : production en chute, prix en hausse

Les producteurs de tomates rondes au Maroc alertent sur une baisse significative de la production et une inflation des prix. Voici leur explication.

MRE : les règles pour importer des pièces détachées au Maroc

Le Guide de la douane marocaine à destination des Marocains résidant à l’étranger (MRE) précise les règles d’importation de pièces détachées pour les véhicules.

Pastèques marocaines : une dégringolade des exportations vers l’Europe

Les exportations marocaines de pastèque ont enregistré une baisse inquiétante au premier semestre de l’année 2024 en raison de la faible demande des pays européens. Une situation qui affecte les exportateurs, déjà confrontés à la réduction de la...

Camions attaqués en Europe : le Maroc hausse le ton

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a dénoncé lundi les récentes attaques d’agriculteurs européens contre des cargaisons de fruits et légumes marocains, faisant observer que l’Union européenne (UE) tire davantage profit de...