Moudawana : mentalités bloquées

7 mars 2009 - 13h06 - Maroc - Ecrit par : L.A

Cinq années après son entrée en vigueur, quel bilan peut-on dresser de l’application du nouveau Code de la famille ? Entre l’optimisme de certains et le pessimisme d’autres, il est difficile à établir. Toutefois, l’on s’accorde à dire que bien que le changement soit lent, des progrès sont bien là.

Preuve en est le recul de la pratique de la polygamie tant pour le nombre d’autorisations octroyées (1450 en 2006 contre 1427 en 2007) que pour le pourcentage d’acceptation des demandes (3% en 2006 contre 29,74% en 2007).

Même constat pour le divorce « khol’ » (procédure de répudiation moyennant compensation) qui a régressé au profit du divorce par désunion (chiqaq). Ce qui dénote une avancée relative à la possibilité pour la femme de demander le divorce et de l’obtenir par le biais de la justice. Ceci en dépit des voix qui s’élèvent ça et là.

Idem pour la disposition relative au mariage en l’absence de tuteur matrimonial (le wali) qui connaît aussi beaucoup d’oppositions. Mais, la proportion des femmes à se marier sans la présence d’un tuteur est de plus en plus significative. C’est incontestable, des verrous ont sauté.

Cependant, l’observation sur le terrain de militantes associatives, étayée par des chiffres officiels, permet de mesurer le chemin qui reste encore à faire. Parmi les points les plus récurrents, sont relevées les difficultés qui entourent encore la mise en pratique des dispositions relatives aux mariages des mineures, à la « nafaqa » (pension alimentaire), le partage des biens acquis ou fructifiés pendant le mariage ou encore la tutelle pour la femme majeure...

Autant de questions qui posent encore des problèmes d’application. Ce qui, de l’avis de certaines militantes et acteurs impliqués (avocats, magistrats…), résulte dans certains cas d’une fausse lecture jugée parfois délibérée. En témoignent des cas de jugements contradictoires établis suivant des interprétations divergentes de certains articles du Code.

Par ailleurs, « des poches de résistance subsistent quant à certaines dispositions de la Moudawana », affirme cette femme magistrat. Du coup, entre ce qui est annoncé par le texte et ce qui se pratique dans la réalité, le gap est encore énorme. Avis partagé par Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique pour les droits des femmes (LDDF). Elle s’attarde notamment sur les cas de mariages des mineures où, selon elle, des insuffisances conjuguées à un certain laxisme ouvrent la porte à des dérapages. Comme d’autres militantes, elle estime que dans certaines situations le nouveau Code attribue aux juges des pouvoirs importants.

C’est le cas des dérogations relatives aux mariages de mineures. Les dérogations devraient constituer, d’après elle, des exceptions et non pas la règle. Et elles ne doivent être demandées qu’à partir de 17 ans seulement. C’est d’ailleurs une recommandation du ministère de la Justice stipulant la généralisation de l’âge de 17 ans en tant que minimum pour examiner les requêtes d’autorisation de mariage de mineures et obliger les tribunaux concernés à la mettre en œuvre.

Quid du fonds de solidarité familiale ?

Voilà une mesure annoncée mais qui tarde à voir le jour. Pourtant, ce fonds de solidarité familiale, tel que pensé, devait aider à débloquer des dossiers de pensions alimentaires (nafaqa) qui traînent faute de solvabilité du mari. En effet, la nouvelle loi donne un délai d’un mois pour traiter les dossiers relatifs à la nafaqa. Dans la pratique, et à en croire juristes et acteurs associatifs, très peu de dossiers respectent ce délai. Du coup, sans ressources, des femmes, voire des familles, basculent facilement dans la précarité.

Source : L’Economiste - K. E. H.

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