Opération Transit : Le bateau, un énorme dortoir

19 août 2005 - 17h55 - Maroc - Ecrit par :

Il est minuit trente, samedi 16 juillet. Le port d’Algésiras ne désemplit pas. Il est toujours pris d’assaut par les voitures et les fourgonnettes des MRE. A bout de forces, une jeune femme, agent portuaire chargée d’orienter les véhicules vers les quais d’embarquement, profite des rares moments de répit pour se reposer à même le sol. Dès que les véhicules réapparaissent, la fille se lève rapidement et reprend ses gestes.

Comme en journée, le concert des coups de klaxon continue, déchirant le silence de la nuit. Sur les quais, un grand nombre de voitures attendent leur tour pour embarquer. Mais des problèmes mécaniques du bateau, précisément au niveau de la rampe, ont retardé l’opération. Encore une fois, fatigue, attente et colère... Seules les longues étreintes de deux amoureux européens à côté de leur voiture rappellent que les vacances sont, avant tout, des moments de détente et de plaisir.
Selon des passagers, l’attente a duré plus de quatre heures. La rampe du bateau a lâché au moment où une voiture débarquait. “Nous avons frôlé la catastrophe”, racontait un MRE. Pendant que certains passagers déversent leur colère sur le personnel du bateau, d’autres, las, préfèrent fumer une cigarette, ou monter dans leurs voitures. A l’intérieur des véhicules, les femmes et les enfants jouent des coudes pour dormir. Les visages défaits, les jambes débordent des fenêtres et des portes des véhicules.
Ceux qui doivent attendre le bateau suivant sont moins angoissés. Ils savent qu’ils ont encore du temps avant d’embarquer. Du coup, le parking se transforme en camping.
Alors que certains prennent le dîner, d’autres dorment tranquillement par terre, le long des véhicules. Les mieux équipés ont prévu des sacs de couchage ou des matelas gonflables. “Cela fait plus de trente ans que je fais ce trajet. Mieux vaut être prêts à tous les cas de figure et prendre son mal en patience”, souligne un MRE. C’est vrai qu’à force de forger, on devient forgeron.
Entre-temps, les passagers de l’autre bateau ont presque tous embarqué. Les engins de nettoyage ont immédiatement entamé leur travail. Restes de nourriture, bouteilles vides, boîtes de conserve et couches de bébés, laissés par les passagers, sont aussitôt ramassés.
Selon José Manuel Del Rio, chef d’équipe de la police portuaire et responsable de la permanence pour cette nuit, il faut redoubler ses efforts pour que l’opération de transit des MRE se passe dans de bonnes conditions. L’effectif est également renforcé pour faire face à ce grand flux de passagers et de véhicules. “La situation s’améliore année après année. Mais les passagers doivent aussi faire preuve de patience et de beaucoup d’organisation”, souligne-t-il.
Contrairement à Algésiras, l’ambiance à Almeria est moins tendue en cette nuit du samedi 16 au dimanche 17 juillet. Il est 23 heures, et il fait beau. C’est la dernière étape du voyage, avant l’arrivée au “bled”. Les MRE qui empruntent la ligne Almeria/Nador sont essentiellement originaires de la région de l’Oriental. Pour la plupart d’entre eux, l’essentiel du trajet a été fait. Quelque 200 à 300 kilomètres restent à parcourir, avant la destination finale. C’est pour cela qu’ils sont moins pressés. Les visages sont plus détendus, voire souriants. Les derniers cadeaux pour la famille sont achetés au magasin du port. Le bateau (Le Mistral de la Comanav), d’une capacité de plus de 2.000 passagers et d’environ 500 véhicules, est déjà au port. Le départ est prévu à une heure et la traversée durera plus de six heures. Selon Mostapha Benhima, représentant de la Comanav à Almeria, ce bateau, le dernier pour cette journée, a affiché complet dès 17h. Ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir leurs billets doivent attendre le lendemain matin. A Almeria, les départs sont suspendus après minuit. Ils reprennent à sept heures du matin.
A 23h30, les passagers s’apprêtent à embarquer. Le Mistral est équipé de deux rampes pour l’embarquement des véhicules. Du coup, l’opération est exécutée avec plus de fluidité et de rapidité.
Trente minutes après l’heure prévue pour le départ, le bateau prend le large.
A l’intérieur, c’est le souk. Pour les passagers, le bateau est l’endroit idéal pour se reposer. Après plusieurs heures de conduite et de manque de sommeil, tous les recoins du navire sont bons pour s’allonger. Ceux qui arrivent les premiers étalent leurs affaires sur plusieurs sièges. Les autres n’ont qu’à chercher ailleurs. A même le sol, les passagers dorment dans les couloirs, sur les escaliers et même dans les endroits les plus inaccessibles. “Ce n’est pas normal que certains passagers occupent plusieurs sièges alors que d’autres se mettent par terre”, s’insurge un passager.
Pendant que les chefs de famille accomplissent les formalités administratives, les femmes préparent les sandwichs, donnent à manger aux enfants ou changent les couches des bébés.
Epuisés par le périple, les hommes s’endorment aussitôt après avoir terminé les formalités. D’autres ne s’en soucient guère. Pour eux, le bateau sert à reprendre des forces. Les formalités peuvent attendre.
Au bout de deux heures, la quasi-totalité des passagers dorment. Tous les couloirs des salons du navire, des cafés et du restaurant sont bloqués par les corps allongés.
Selon Mohamed Dahdouh, commissaire au bord du Mistral, il est très difficile de rappeler les passagers à l’ordre. “Ce sont des gens qui ont roulé pendant des heures et des heures. Nous comprenons leur situation”, souligne-t-il.
Au petit matin, la fin de la traversée est proche. Les toilettes et les douches du navire sont prises d’assaut. C’est le “hammam”. Une douche bien chaude ou un simple brin de toilette et un rasage sont nécessaires. Pour les femmes coquettes, il est impensable de garder cette mine défaite devant les cousines et les voisines du bled. Quand même, ce sont “les gens de l’kharij”.

Mohamed AKISRA - L’Economiste

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