Prêt-à-porter, y a-t-il une griffe marocaine ?

13 mai 2008 - 23h17 - Culture - Ecrit par : L.A

Grandes écoles, mannequins, stylistes, créateurs, industriels, artistes, artisans, sont tous rassemblés autour d’un métier où le souci esthétique est de mise. Mais le profit est aussi en jeu.

Les différents intervenants que l’on retrouve dans le prêt-à-porter est indicateur d’un attrait certain pour la mode ainsi que d’un vrai business qui se développe autour. Les jeunes constituent une cible de choix. En effet, contrairement aux générations précédentes, les jeunes d’aujourd’hui sont de véritables consommateurs qui disposent d’un budget personnel. Ils ont de plus en plus de choix. La plus grosse part va aux « achats plaisir ». Pour séduire cette clientèle, les professionnels de la mode -stylistes, fabricants, boutiques, grandes marques internationales- se livrent une concurrence acharnée. Ainsi, les entreprises du secteur font appel à une batterie d’outils sophistiqués : enquêtes de terrain, équipes de psychosociologues, bureaux de stylisme, etc. Et, pour amener les jeunes à acheter leurs marques, ces mêmes entreprises dépensent des millions chaque année dans des opérations de marketing, sponsoring et publicité.

Reste que cette cible, imprévisible et changeante, est difficile à fidéliser, les jeunes passant rapidement d’une marque à une autre. La mode, c’est avant tout un monde éphémère.

Il faut tout le temps innover, inventer. L’émulation et la création sont les maîtres mots de cette industrie. Si les marques ne s’alignent pas sur cette consommation rapide, on les zappe ! Car nous sommes dans le « fast fashion »

Les jolies vitrines, les nouvelles tendances supposent des créateurs, des stylistes. Pour prétendre à une mode 100% marocaine, il faut des créateurs nationaux. En matière de formation dans le prêt-à-porter le Maroc est assez mal loti. Le début des années 90 a été fatidique pour les écoles de mode. De prestigieuses écoles ont déjà tenté l’expérience et ont fini par mettre la clé sous le paillasson. C’est le cas de Esmode et ISM qui n’ont pas pu trouver leur place sur le marché national.
Actuellement, on compte une seule école à Casablanca. Il paraît que « la mode n’est plus à la mode », déclare Ahmed Tazi, directeur de l’école « Collège La Salle », la seule qui a résisté à un environnement hostile. « Car nous avons d’autres départements qui font vivre notre école », explique-t-il.

L’Amith compte remédier à ce vide et ouvrir une école de mode pour septembre 2009. Car, selon Karim Tazi, propriétaire de l’enseigne Marwa, « la formation est le chaînon manquant dans le domaine de la mode ». Il pense que la conjoncture actuelle est plus favorable que celle qui prédominait dans les années 90. « A l’époque, l’environnement global, ne permettait pas l’émergence de ce genre de formation. La matière première importée était inabordable ».

Au Collège La Salle, on continue de former malgré tout. Le coût d’une année d’étude est de 35.000 DH et, sur trois années, c’est assez dissuasif. Très peu de jeunes y adhèrent, en effet. Paradoxalement, de nouveaux talents naissent au Maroc ! La mode a sa propre logique. Le prêt-à-porter attire. En fait, une mode marocaine en est à ses premiers pas et elle existe bel et bien. Elle est d’inspiration purement maghrébine.

Avec ses propres références. C’est pour faire découvrir ces nouveaux talents que Jamel Abdennassar et Bechar El Mahfoudi ont créé Festimode. Ce festival de la mode « est né d’une volonté de donner leur chance aux jeunes talents marocains. Il y a de grosses potentialités dans le secteur et il est temps que tout le monde le sache », confie El Mahfoudi. Les deux amis considèrent que « la création au Maroc ne s’arrête pas au caftan ». Leur démarche s’inscrit dans la diversité. Mais la volonté, à elle seule, ne suffit pas. Installer le festival dans la durée en mettant en scène de parfaits inconnus, cela demande beaucoup de travail et énormément d’argent. A chaque édition, le défilé surprend et prend des formes de défis. « On injecte régulièrement de l’argent de notre propre poche pour que vive le festival », lance Abdenassar.

« L’édition de l’année dernière a coûté entre 600.000 et 700.000 DH, soit le tiers des réels besoins pour monter un tel projet », renchérit Mahfoudi. Un défilé, c’est différents budgets à gérer à la fois, mais aussi des personnes.

Trouver des mannequins professionnels est un autre souci. « Lors de la dernière édition, on s’est adressé à une agence de mannequinat pour nous fournir des professionnels », explique l’initiateur du projet. Les mannequins marocains se font rare. Il faut dire que le métier ne rapporte pas beaucoup. Aux « Claudia Schiffer » marocaines, on octroie un cachet de 7.000 DH par défilé, contre 800 à 1.500 euros pour les mannequins étrangers. Sans oublier la part de l’agence qui est de 20%. Dur métier que d’être belle !

Le foncier : L’indémodable souci

Les Marocains suivent de très près la mode. Les grandes enseignes font tout pour les séduire à coups de campagnes publicitaires et de soldes. Les publicitaires ciblent les jeunes qui mettent presque la totalité de leur argent de poche pour être « bien fringués ». Tout semble aller pour le mieux, et pourtant... La croissance des enseignes internationales fait face à certaines résistances. Ce phénomène est, selon les spécialistes, « particulier au Maroc ». « Le nombre de points de vente par réseau est très faible », observe Abderrahmane Belghiti, président de la Fédération marocaine de franchise. Et d’ajouter : « Nous avons plus de 50% des réseaux qui ont un seul point de vente ». Les raisons de ce déséquilibre sont imputées au foncier.

L’immobilier commercial est aussi rare que cher, estime-t-il aussi : « On ne trouve plus de locaux commerciaux adéquats. Les réseaux de franchise nécessitent des magasins bien situés ». Même si on ne compte plus, dans la capitale économique, le nombre de centres commerciaux abritant des magasins vides, il paraît qu’« ils ne sont pas adaptés aux besoins des magasins de franchise ». Les franchisés ont alors opté pour une démarche plutôt coûteuse. Construire pour abriter leur commerce. Zara, Promod se sont orientés dans ce sens. Consacrer les fonds propres pour développer le commerce, ceci a bien évidemment des répercussions directes sur la croissance et le développement des franchisés. « Si la franchise s’est développée, partout dans le monde et d’une façon très rapide, c’est d’abord par la location.

Ce qui permet à l’investisseur de développer son réseau. Acheter un deuxième local, cela prend quelques années et le pas-de-porte n’est pas financé par les banques », indique le président de la Fédération.

Salima Abdelouahab : La futuriste

Salima Abdelouahab a fait du prêt-à-porter une mode sans contrainte. La créatrice ose toutes les formes, ne s’impose aucune limite. On la qualifie de « futuriste ». Son coup de ciseaux séduit, il est à l’image de son caractère. Excentrique, capricieuse ? Elle est certainement talentueuse.

Abdelouahab manipule les tissus, les transforme. Après un cursus en mode à Malaga, la créatrice a frappé à toutes les portes pour faire connaître son travail. Son parcours de combattant a fini par aboutir. Ce que l’artiste a de particulier ? C’est les innombrables heures qu’elle passe à travailler. « Lorsqu’on aime, on ne compte pas », a-t-on l’habitude de dire. Mais le temps, c’est de l’argent. Ainsi va la dure loi du négoce... « Il m’arrive de fabriquer des pièces uniques, elles coûtent entre 3.000 et 5.000 DH. Je peux passer des heures, voire des semaines de travail acharné, jusqu’à ce que mon modèle prenne forme », confie la créatrice.

La mode a ses caprices, la styliste s’y plie avec plaisir. Les vêtements de prêt-à-porter qu’elle propose dans sa boutique de Tanger coûtent entre 1.500 et 2.000 DH pièce. Car les séries sont limitées.

Source : L’Economiste - Amira Khalfallah

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