Faut-il régulariser les clandestins qui ont risqué leur vie ?

23 juillet 2008 - 22h12 - Espagne - Ecrit par : L.A

Les images se succèdent et se ressemblent tragiquement depuis des années en Espagne : des immigrés clandestins exténués descendent, jambes chancelantes, d’un radeau de fortune échoué sur une plage d’Andalousie ou des îles Canaries. Ces derniers mois, la scène est de plus en plus souvent rendue encore plus insupportable par la présence de femmes enceintes ou accompagnées de jeunes enfants. Mais la dureté du voyage doit-elle faciliter leur arrivée ? Le ministre espagnol du Travail et de l’Immigration a tranché clairement devant les députés, mardi.

"Le gouvernement serait irresponsable s’il décidait de régulariser tous ceux qui arrivent en radeau car cela provoquerait un ‘effet d’appel’", a déclaré le ministre Celestino Corbacho, avant de préciser que les mafias pourraient alors être tentées de faire miroiter aux candidats à l’immigration clandestine une entrée en Europe d’autant plus facilitée que leur voyage aurait été éprouvant.

"Cette décision enverrait un message aux pays d’origine qui les conduirait à partir d’abord dans une embarcation, puis en pirogue et enfin sur un matelas pneumatique et finalement à rester en mer", a-t-il ajouté.

Avec des territoires à quelques encablures de l’Afrique et des villes frontalières du Maroc, l’Espagne est l’un des pays qui reçoit le plus d’immigrés tentant d’entrer en Europe par la mer. Comme chaque année, l’arrivée de l’été a multiplié le nombre de tentatives de traversées vers les côtes espagnoles et les opérations de sauvetage se font de plus en plus nombreuses. Mais il est parfois trop tard. Près de trente personnes sont mortes en moins d’une semaine début juillet, dont neuf bébés jetés sans vie par-dessus bord. La nouvelle avait alors secoué l’Europe, pourtant de plus en plus indifférente devant la fréquence lugubre de ces arrivées au goutte-à-goutte.

Selon les ONG chargées d’accueillir les survivants, les mafias organisant ces voyages promettraient aux femmes qu’en arrivant enceintes ou jeunes mamans, il leur serait plus facile d’obtenir des papiers ou au moins que leurs enfants soient nationalisés.

Le sort de ces mères qui venaient de perdre leurs enfants avaient particulièrement préoccupé le gouvernement espagnol, début juillet, provoquant le débat entre ses ministres. Partisan lui aussi de rapatrier les immigrés clandestins, le responsable de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, avait alors toutefois déclaré "qu’une mère perde son enfant lors d’une traversée n’est pas normal, c’est donc un cas qui autorise une réflexion exceptionnelle et c’est ce que nous sommes en train de faire." Les propos récents du ministre Corbacho pourraient finalement frustrer leurs espoirs, même s’il a tout de même laissé une porte ouverte mardi en précisant que la loi espagnole permettait des exceptions pour "motifs humanitaires".

Le nombre d’arrivées en embarcations a baissé de 50 % entre 2006 et 2007

Les drames récents ne reflètent pas la réalité statistique : le nombre d’immigrés sans papier arrivés sur les côtes espagnoles au premier semestre 2008 a diminué de 7% par rapport à la même époque l’année dernière. La baisse avait été beaucoup plus spectaculaire en 2007 lorsque les arrivées avaient chuté de 50% par rapport à 2006. Selon Frontex, l’agence européenne chargée de gérer la sécurité des frontières extérieures de l’Union européenn, elle s’expliquerait par les accords de coopération établis entre le gouvernement espagnol et les pays d’où partent la majorité des embarcations comme la Mauritanie, le Sénégal, Cap Vert ou la Gambie. Mais l’immigration maritime n’a pas disparu et se déplace désormais surtout vers l’Italie et Malte, selon Frontex.

Après l’annonce des dizaines de décès début juillet, le premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero avait réaffirmé que "l’unique solution" se trouvait dans l’aide au développement et promis que l’Espagne parviendrait enfin d’ici 2012 à respecter la recommandation des Nations unies qui enjoint les pays développés à consacrer 0,7% de leur revenu national brut aux politiques de développement, avant d’appeler les autres pays n’y étant pas encore parvenu –dont la France- à faire de même.

Source : Rue89 - Elodie Cuzin

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