Immigration : Le plan DVD de Zapattero

30 juillet 2008 - 10h18 - Espagne - Ecrit par : L.A

Devant son impuissance à stabiliser l’économique, le gouvernement espagnol a concocté un plan incitant les immigrés à rentrer volontairement dans leurs pays d’origine. Il a été présenté le 18 juillet dernier.

Les immigrés en chômage qui y adhèrent percevront 40% de leurs indemnités de chômage en Espagne et le reste une fois rentrés chez eux. Le montant de ces indemnités est en fonction des années de cotisation à la Sécurité sociale. Les immigrés qui accepteront ce retour volontaire, devront renoncer à leur carte de séjour et attendre trois ans avant d’être autorisés à revenir pour vivre et travailler en Espagne.

Le plan vise, principalement, les Marocains et les Latino-américains hispanophones, qui sont les communautés d’immigrés les plus représentées en Espagne. Les Européens ne sont pas concernés dans la mesure où, si ce plan englobait toutes les nationalités, l’Espagne s’attirerait les foudres de l’UE, et ce en vertu de la libre circulation des biens et des personnes prévue dans le traité de Rome. Sachant que de plus en plus d’Européens, notamment originaires de l’est du continent (Roumains, Polonais...), ont émigré vers l’Espagne.

Ce plan, qui entrera en vigueur en septembre, est permanent. Maria Tereza Fernandez de La Vega, vice-présidente du gouvernement espagnol avait précisé, lors de la présentation du programme, « qu’il s’agit d’une mesure à caractère permanent et non conjoncturel ».

Les officiels marocains sont plutôt rassurés et rassurants sur le volontarisme de la démarche. « Nous n’avons pas eu de communication officielle du gouvernement espagnol. Mais d’après les informations que nous avons eues, il n’y a rien d’inquiétant. Le projet stipule que ce plan concerne les immigrés qui souhaitent quitter l’Espagne. Nous avons eu l’assurance qu’en aucun cas, les émigrés marocains ne seront obligés d’accepter ce plan d’incitation au départ », rassure Mohamed Ameur, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger. Il ajoute que l’incitation au départ a toujours existé dans les pays réceptifs et que le cas du voisin espagnol a fait beaucoup couler d’encre parce qu’il est intervenu dans un contexte un peu tendu entre les deux pays.

« C’est une procédure qui reste volontaire et la décision finale revient aux immigrés... Notre rôle est de veiller au respect des droits marocains à travers des conventions et des traités que nous avons signé avec l’Espagne. Les autorités espagnoles ont expliqué à plusieurs reprises qu’il s’agit d’un dispositif volontaire », insiste le ministre.

Mais il faut dire que le gouvernement marocain ne peut contester un tel projet puisqu’il s’agit de souveraineté d’un autre pays.

Les craintes seraient qu’il y ait des pressions sur les immigrés pour qu’ils acceptent le départ. Selon certaines ONG, ces craintes sont attisées par le harcèlement policier pendant les opérations de contrôle d’identité. La chasse aux sans-papier est bel et bien lancée.

« Pour ce qui s’est passé dans certaines régions, nous avons dénoncé tous les actes qui portent atteinte à notre communauté. Les autorités espagnoles ont reconnu qu’il y a eu des dépassements à Murcia. Elles ont aussi présenté des excuses auprès des consulats marocains et mènent une enquête pour préciser les responsabilités. Nous continuons de suivre de très près ce dossier », précise Ameur.

122.400 emplois supprimés dans le BTP

Derrière ce programme, la régression du produit intérieur brut qui devrait être aux alentours de 1,6% cette année contre 3,8 en 2007. Le gouvernement espagnol tablait fin avril sur une croissance de 2,3%. Le déficit des comptes publics serait de 0,21% du PIB.

Le chômage repart à la hausse : 2,8 millions de personnes sont touchées, soit 10,4%. Ceci est dû principalement au retournement du marché immobilier. Ainsi, dans ce secteur, plus 122.400 emplois ont été supprimés durant les trois derniers mois (215.700 en un an). Ce chiffre pourrait atteindre 300.000.

L’Espagne qui, dans les années 80, notamment après l’adhésion à l’Union européenne, construisait beaucoup, avait besoin de main d’œuvre. Aujourd’hui, les chantiers s’arrêtent et le boum immobilier devient de l’histoire ancienne. Du coup, le phénomène se retourne contre ceux qui ont contribué à son développement.

La question qui se pose est de savoir si ce programme vise les travailleurs de tous les secteurs, sachant que des entreprises espagnoles continuent à recruter de la main d’œuvre marocaine pour l’agriculture.
Il faut rappeler que le programme français de départ volontaire des immigrés, élaboré durant le mandat du président Valéry Giscard d’Estaing au début des années 70, avait été un fiasco. Peu d’immigrés étaient rentrés chez eux.

Ceci risque bien d’être le sort du plan espagnol, sachant que les gens ne choisissent d’émigrer dans la grande majorité des cas que parce que la situation économique de leurs pays ne leur permet pas de mener un train de vie meilleur que dans les pays réceptifs. La majorité qui rentre définitivement ne le fait généralement qu’après la retraite. Une retraite qu’elle s’assure précisémment après avoir travaillé à l’étranger.

Ce que doit l’Espagne aux immigrés

Selon l’OCDE, « depuis 2002, la moitié de la croissance du PIB peut être directement attribuée à l’immigration, du fait de son impact positif sur la population, l’emploi et le revenu par habitant ». Selon cette même source, le pouvoir d’achat a également profité de l’immigration. Cette dernière a contribué pour un quart à la croissance du revenu par habitant durant la période se situant entre 2001 et 2005.

L’OCDE affirme que les immigrés ont occupé, durant cette même période, près de 1,3 million d’emplois nouveaux sans que cela ne nuise à l’employabilité des nationaux. Le taux d’emploi de ces derniers, notamment ceux de sexe masculin, a enregistré en 2006 une hausse de 5 points par rapport à celui de la France. Cette dernière avait un avantage de 4 points dix ans plutôt. Enfin, la moitié de l’excédent budgétaire enregistré en 2005 revient à l’immigration.

Source : L’Economiste - Jalal Baazi

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