La crise migratoire de Sebta brouille les relations entre la France et le Maroc

31 mai 2021 - 22h00 - Espagne - Ecrit par : P. A

La France, qui a toujours défendu les intérêts du Maroc contre l’Espagne, aurait changé d’avis. En cause, la crise migratoire provoquée par le Maroc qui a laissé des milliers de migrants entrer à Sebta il y a deux semaines, en riposte à l’attitude de l’Espagne qui avait accueilli, quelques jours plus tôt, le leader du Front Polisario, Brahim Ghali, pour raison « humanitaire ».

Dans la crise migratoire actuelle, la France soutient l’Espagne et l’Europe contre le Maroc. « Nous soutenons l’Espagne », a déclaré lundi sur BFMTV, Clément Beaune, le secrétaire d’État à l’Europe. « Pour une fois, la France ne prend pas parti pour le Maroc », fait observer le journaliste Jean-Pierre Tuquoi, auteur de plusieurs ouvrages sur le Maroc et le Maghreb, ajoutant qu’il s’agit là d’un « changement incroyable, quand on pense à toutes les années où la France a toujours défendu le Maroc contre l’UE, contre l’Algérie, devant le monde entier », rapporte le journal El Pais.

« Je pense que la France ne pouvait pas faire autrement, c’est le minimum », indique pour sa part Khadija Mohsen-Finan, professeur à l’université Paris 1 et spécialiste du Maroc et du Maghreb, qui affirme que « cette crise ne changera peut-être pas les choses, mais elle a levé le voile. On a vu que le Maroc est capable d’aller très loin : jeter ses enfants à la mer, exploiter sa jeunesse qui est désespérée ».

Mais la France fait la part des choses. Elle distingue bien la crise migratoire née du manque de contrôle aux frontières du côté du Maroc, de la crise diplomatique provoquée par l’accueil par l’Espagne de Brahim Ghali dans un hôpital de Logroño. Si elle dénonce l’attitude du Maroc dans le premier cas et exprime sa solidarité à l’Espagne, dans le second cas en revanche, la France accuse l’Espagne. « La question de l’accueil d’une personnalité du Polisario concerne la relation hispano-marocaine », souligne Christian Cambon, président de la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat français, et du groupe d’amitié France-Maroc, qui explique qu’« en matière de flux migratoires, il y a une responsabilité européenne qui nous concerne tous. Nous ne sommes pas plus en faveur de l’Espagne que du Maroc, ni moins de l’Espagne que du Maroc. Ce sont deux pays amis, alliés, qui doivent sans aucun doute travailler ensemble ».

Pour Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, l’Espagne et le Maroc ont « une relation assez compliquée » qui doit être « rétablie de la meilleure façon possible ». Selon lui, le Maroc est un « partenaire essentiel de la France » dans la lutte contre le terrorisme et « crucial » de l’UE en matière de contrôle des flux migratoires. Mohsen-Finan reste aussi « sceptique » par rapport à la position de la France envers le Maroc, car développe-t-elle, « la France a besoin d’un allié au Maghreb ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - France - Espagne - Diplomatie - Ceuta (Sebta) - Brahim Ghali

Aller plus loin

Affaire Brahim Ghali : le début d’une longue crise entre l’Espagne et le Maroc

La crise entre le Maroc et l’Espagne, née après l’accueil de Brahim Ghali dans un hôpital à Logroño, n’est pas près de connaitre son épilogue. Ce dimanche, Arancha González...

La France ne jouera pas le médiateur entre l’Espagne et le Maroc

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a indiqué vendredi qu’il ne revient pas à la France de faire la médiation entre l’Espagne et le Maroc. Il reste...

L’Espagne écarte tout lien entre l’hospitalisation de Brahim Ghali et l’afflux massif de migrants à Sebta

Arancha González Laya, ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération espagnole revient sur l’admission d’urgence de Brahim Ghali, patron du...

Réaction de l’Europe suite à l’arrivée massive de migrants marocains à Sebta

Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures, a réagi à l’arrivée massive de migrants marocains à Sebta lundi. Elle a appelé le Maroc à « empêcher les départs...

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Polisario s’en prend à nouveau au Maroc

Le Polisario, protégé de l’Algérie, accuse le Maroc de faire obstacle à la « décolonisation » du Sahara occidental et la communauté internationale d’inaction.

Le plan de Staffan de Mistura sur le Sahara suscite la colère du Maroc

La proposition de partition du Sahara formulée par l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura, lors d’un exposé devant le Conseil de sécurité n’est pas du goût de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la...

La France adopte la carte du Maroc intégrant le Sahara

Après avoir changé sa position sur la question du Sahara, la France a adopté la carte complète du Maroc et de ses provinces du Sud. C’est du moins ce que semble montrer la télévision française.

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Maroc : pressions pour rompre les relations avec Israël

Alors que Israël intensifie sa riposte contre le mouvement palestinien du Hamas, de nombreux Marocains multiplient les appels à rompre les relations diplomatiques entre le Maroc et l’État hébreu. Au Maroc, de nouvelles manifestations ont été organisées...

A l’ONU, le Maroc dénonce encore les agissements de l’Algérie

Omar Hilale, ambassadeur et représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, estime qu’il est temps de réévaluer la manière dont la question du Sahara marocain est traitée au sein du Comité des 24 de l’ONU (C24) pour le pacifique, avec clarté et courage.

Un réseau familial marocain démantelé dans le Lot-et-Garonne

Les gendarmes de la Brigade de recherches de Bouliac ont démantelé un réseau d’exploitation d’ouvriers agricoles. Six personnes ont été mises en examen jeudi 12 décembre, dont un couple de Marocains placé en détention provisoire.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.